Tu es avachie dans ton canapé en écoutant de la musique à fond qui sort de ton enceinte Bluetooth. Ça fait déjà plusieurs jours que tu n’as le cœur à rien. Tu es là, à te réveiller chaque matin et tu penses à ce qu’il s’est passé. Encore et encore. Encore et toujours.

Ton évier contient une vaisselle immense, probablement tout le contenu de tes placards est entassé dans cet évier. Tu continues à te faire à manger, jour après jour, car c’est ce que tu aimes, c’est réconfortant. Mais tu as du mal à te motiver à nettoyer après, alors ça s’entasse, jour après jour.


Tu commences à avoir faim. Tu ne sais pas quoi manger. Mais visiblement, le destin a pitié de toi et ton téléphone vibre. Un sms.

C’est Hego, une des personnes avec qui tu es maintenant lié. Tu ne leur as pas beaucoup parlé à chacun, tu ne les connais pas depuis longtemps et le récent événement vous a tous affecté. Chaque personne l’a vécu à sa manière et c’est compréhensible.

Il te propose de venir manger avec lui et Charlotte, une autre liée. Apparemment, ils ont une trop grosse commande de nourriture, alors tu souris et tu tapotes sur l’écran pour accepter l’invitation.


Tu prends une douche, tu t’habilles d’un jean, un t-shirt large, une veste en jean et c’est parti. Tu prends la voiture sous ce temps grisâtre et misérable, comme si le ciel pleurait aussi.

Quelques minutes, plus tard, après avoir bataillé pour trouver une place de parking, tu entres dans l’immeuble en profitant qu’une vieille dame sorte et tu montes jusqu’à la porte.


Enfin arrivé, tu toques. Tu remues la mâchoire pour détendre ton visage, afin de pouvoir esquisser un sourire à la personne qui ouvrira. Ça va te faire du bien de voir du monde.

Tu es accueilli avec plaisir et ça se voit. Tu es contente. Tu retournes ton chagrin dans tellement de sens ces derniers temps que voir des gens qui partagent le même est…. Réconfortant ? C’est un sentiment étrange qui se répand dans ton corps quand tu franchis la porte. Comme si… tu n’étais plus seule ?

-Salut Hégo ! Merci beaucoup de l’invitation. C’est très gentil. Et non t’inquiète pas, un peu galère pour se garer, mais sinon, c’était tranquille, j’habite pas loin.

Tu souris et tu ne réponds pas à l’interrogation sur tes plans. Oh oui… Tes fameux plans… Tu repenses à ce prospectus pour une nouvelle pizzeria qui s’est installé dans le coin. Sacré plan.

En entrant, tu te diriges instinctivement vers le salon où est posée Charlotte, sur le canapé. Immédiatement, tu repenses à Danaé. Charlotte était présente quand c’est arrivé. Juste avant que tu ne rentres dans toute cette histoire. Tu le sais, on te la raconter. Et tu as de la peine pour ta camarade.

- Salut Charlotte ! Plaisir partagé, merci de m'avoir acceptée parmi vous !

Cette phrase pourrait avoir plusieurs sens. Accepté dans le cercle ou accepté pour le repas ?
Ça fait bizarre d’être là. Tu ne sais pas si tu es chez des inconnus ou de la famille. Tu as toujours du mal à comprendre tout ce qui est arrivé, toute cette histoire d’étoile et de lié. Pas que ça soit compliqué, plutôt parce que c’est « surnaturel ». Alors, gênée, tu restes debout dans le salon. Et oses posé la question fatidique. D’une part, parce que tu es compatissante, et d’autres parce que ça pourrait te soulager de savoir qu’eux aussi sont dans le même état.

- Alors. Comment allez vous, vous?

Tu le sais au moment où tu as posé la question. C'était vraiment une décision de merde. Mais c'était important de crever l'abcès. Important pour toi, au moins. Ça aurait été stupide de faire comme si tout allait bien, manger un délicieux repas en n'osant pas prononcer un mot qui pourrait être de travers.
Tu ne dis rien quand Hego s'en va. Tu aurais fait probablement pareil... Esquiver la question après avoir donné une réponse vague. Tu le comprends.

Durant l'instant où il n'est pas là, tu es invité à t'asseoir et Charlotte se confie... Un peu. Une tentative, en vain, de s'auto-convaincre, tu la reconnais, c'est une phrase bateau que tant d'amis t'ont dite lors de ton divorce. Remonter la pente. Tu lui souris, évidemment. Que faire d'autres ? Tu lui dois une réponse maintenant.

-Je sais pas. Tout ça est... compliqué.

Tu ne pouvais pas te défiler, la place était déjà prise, alors tu réponds seulement par la vérité. Au moins en partie... Évidemment que tu sais. Elle le sait aussi. Mais l'ego t'interdit de dire simplement "Non." Alors que ça serait si facile... Tellement plus facile.

- Oui, il vaut mieux profiter des instants simples. Ne t'en fais pas Charlotte, j'a.... J'aurais aimé faire plus moi aussi. Tu t'y es reprise à deux fois pour cette phrase, comme pour te donner du courage de ne pas t'effondrer. J'aimerais apprendre à tous vous connaître... Rien que pour la mémoire de Danaé.

Tu te redresses un peu sur le canapé, après avoir bu un verre d'eau et remercier Hego. Tu te concentres.

- Regardez comme elle est heureuse de nous voir réunis. Notre étoile...

Tu le sais. Tu l'avais senti lorsque tu as été éveillé. Réunir les liés pour l'aider, c'était ce que tu voulais... Ce qu'elle voulait...
Alors tu penses fort à votre étoile. Alcyone, qui vous a réuni autour de la même splendide personne. Tu plonges dans ton esprit, tu te remémores la nuit au cimetière, quand elle était là, quand elle te souriait. Ton étoile. Tu te concentres sur ce lien qui vous unit. Tu te concentres sur le lien qui vous rattache à votre étoile. L'étoile. Le centre de votre cercle. L'étoile

Une silhouette se forme devant toi et tes hôtes, petit à petit, mais très vite, tu ne reconnais pas la silhouette. Elle est maintenant bien nette et vous regarde. Mais ce n'est pas elle. Ce n'est pas Danaé. Pourtant, c'est le lien. Tu t'es laissé guidée. Et au bout de quelques infimes secondes, peut-être moins d'une dizaine, il n'y a plus rien. Tu ne maîtrises pas encore ton pouvoir. Alors tu es déçu. Encore... Et tu t'écroules contre le dossier du canapé.

- Désolé, je ne maîtrise pas encore très bien. J'ai dû créer une image d'un mec random que j'ai croisé dans la rue. Pourtant, je ne comprends pas... le lien.. J'ai pensé à notre étoile...

C'était un homme, aux cheveux longs ébènes, un visage fin et sérieux. Tu ne le reconnais pas. Et ça t'énerve. Pourquoi ça a foiré... Tu voulais vraiment leur faire plaisir. Te faire plaisir. Te convaincre que tu as fait quelque chose de bien.

(Ps : La silhouette c'était clairement Nori, mais Hyzma ne le connait pas et l'a jamais vu, alors bon...)

Tu es déçue. Tu es énervée. En colère contre toi. Tu n'as pas pu l'aider elle et visiblement, tu n'as pas pu les aider eux non plus. Tu as provoqué plus d'interrogations que de sourire, et maintenant que le salon n'est comblé que par vous trois, tu te sens conne. Tu n'aurais pas dû faire ça. Tu es désolé. À vrai dire, tu ne contrôles plus rien en ce moment, même tes émotions semblent n'être retenue que par un fil. Mais tu fais comme d'habitude. Comme des mois. Comme des années. Depuis que tu as vrillé. Depuis que tu as compris que tout ce que tu as parcouru pendant 6 ans n'était pas fait pour toi. Depuis qu'il est parti. Tu te caches. Tu remets ton masque.
Pourtant, c'est con. Et tu le sais.

Alors, avachie dans le canapé, tu les écoutes, tu ne dis rien, trop occupé à réfléchir à toutes les possibilités. Tu as toujours été méthodique, tes études t'ont forgé comme ça. Ce n'est pas contre eux, mais tu n'écoutes pas grand-chose, tu comprends juste que la silhouette était Nori Wallace, le fameux fiancé et père. Tu connaissais son nom, mais pas son visage. On t'a déjà raconté les histoires.

Mais toi, tu penses à autre chose. Tu fermes les yeux alors que Charlotte et Hego te parlent et t'expliquent. Ils sont attentionnés ; ils essayent de te rassurer. C'est gentil. Ils sont gentils.

Tu te plonges dans un schéma de pensées pour comprendre. Tu es nouvelle dans cette nouvelle facette du monde. Alors tu ne sais pas grande chose, tu ne sais rien même. Tu veux comprendre. Tu as toujours tout voulu comprendre. C'est ce qui t'a poussé à faire des études scientifiques.

Tu te redresses et tu regardes Charlotte... Puis Hégo.

-Merci.

Tu n'as pas besoin d'en dire plus, s'ils ressentent autant que toi, tu ressens leurs sentiments alors ils comprendront. Tu bois un coup et tu t'interroges à haute voix. Tu n'as pas les réponses, mais peut-être qu'eux les auront ?

-Si Alcyone est bel et bien décédé. Comment ça se fait qu'on soit encore tous comme ça ? Je veux dire... Lié, les pouvoirs, etc. Est-ce que vous savez s'il est possible qu'une étoile change d'Hote ? Et tu dis que ton frère est un lié de Nori, tu pourrais lui demander des nouvelles ?

Évidemment, tout ceci n'est qu'un infime espoir. Peut-être un tissu de mensonges que tu te crée pour essayer, en vain, de te rassurer ? Encore et encore ? Mais tu ne peux pas t'empêcher de penser aux possibilités. Tu te remémores tes cours de biologie. La propagation de virus. Il peut changer d'hôte quand celui-ci n'a plus rien à fournir. Ou même les bernard l'hermite qui change de coquille quand elle ne va plus. Tu tentes encore de tout rationaliser. Toutes ces histoires de magie, d'étoiles, de cercle, tout ceci est compliqué pour toi, alors tu tentes de tout rattacher à la seule valeur sûre que tu connais... La science.