Il fait toujours sombre dans la demeure cachée du serpent. Des couloirs et des couloirs et des couloirs souterrains, des petites pièces, des chambres et des chambres et des chambres, il y a des enfants, des adultes, des femmes et des hommes, il y a beaucoup d'enfants qui courent partout, qui jouent qui rient qui pleurent et tu te sens perdu dans ce flot d'humains officiellement sortis d'un système d'entités et de destin trop pénibles.
Ces gens ne mourront jamais.
Vous êtes à la surface, dans une petite maison en bois au milieu de la forêt. Il fait bon. Tu ne penses pas aux gens qui vivent sous vous, qui ne connaitront peut-être plus jamais le soleil cela te dépasse de penser à des humains sans soleil ou sans lune, mais elle réussit bien à vivre bannie du soleil, serait-elle jalouse ? serait-elle envieuse ? l'aimes-tu ? est-elle belle ? est-elle parfaite ? l'aimes-tu ?
Elle tient un nouveau-né dans ses bras, enserré dans un couffin. Un homme au visage familier sort s'enfoncer dans la forêt. Elle t'observe. Tu reprends du poil de la bête, lentement, lentement.
* Tu es surmené, elle te dit, un sourire compatissant aux lèvres elle est médecin et meurtrière elle est Tout. ELLE CHERCHE A ÊTRE PLUS QUE LE SOLEIL ET TU SAIS QU'ELLE N'A PAS LE DROIT Tu peux te reposer ici autant de temps que tu veux, Fenrir. Cet endroit est aussi ta maison.
Il sait pour les autres mais ne veut pas se poser ces questions
* Tu as sûrement raison. Je me laisse trop affecter par leurs émotions et leur détresse.
Il joue du bout des doigt avec l'eau d'une tache sur la table en bois, dessine des formes que tu ne reconnais pas. Il te fait penser à un enfant
* Parfois je suis forcé de me dire que je comprends Corbeau, sa place n'a rien à envier mais la présence d'autant d'étoiles ne simplifie pas la tâche, et sûrement pas la mienne.
Tu sais que ça lui coûte de l'avouer, Bastet le fusillerait sur place d'avoir osé dire ça.
Toi, tu es le chien. Tu aimes les hommes et tu veux être entouré, aimé, tu veux protéger
Elle, c'est le serpent. Que fait-elle ?
Le serpent,
te raconte Bastet avec un ton grave,
c'est celui qui chuchote au Soleil des inepties
et qui se fait bannir.
* Sache que chacun de nos rôles ont leur importance. Même toi, même Bastet... même Corbeau. Elle caresse la joue de l'enfant dans ses bras, sourit. Quel rôle aurais-tu aimé avoir ? Quand bien même tu ne peux pas quitter celui-ci.
Un instinct solaire t'ordonne de lui faire du MAL.
Il aurait sûrement voulu ta place, celle qui fait changer les choses, il la jalouse sûrement, tu penses, tu le vois dans ses yeux. À moins que ce soit autre chose.
* Je ne sais pas, je n'ai pas envie d'y penser. Il n'y a pas d'autres rôles.
Peut-être qu'il envie aussi la petite tête brune au fond du bureau des entités, coincée contre le radiateur qui ne fonctionne pas et les toiles d'araignées, tu penses. Tu n'es pas sans savoir tous les liens que Fenrir entretient, il te fait confiance, et il parle trop.
C'est son grand défaut : il parle trop.
* Je veux juste des vacances, honnêtement. Si seulement je n'avais pas appris le concept de jour de repos, je ne m'en porterai que mieux.
Ce n'est pas comme s'ils avaient le droit à plus d'une heure de pause par jour, et uniquement parce que ça boostait leur productivité.
et vient toucher ta joue du bout des doigts
c'est du baume contre une brûlure, ça te fait frissonner et c'est glacé, ses doigts sont glacés, mais c'est tout ce que tu recherches.
Tu dois partir.
* Tu sais, ici, personne n'a besoin de travailler. Personne... pas même toi. Et puis... tu nous connais, moi, et lui
elle tourne la tête vers la porte, vers l'homme qui est sorti
tu sais qu'on ne pourrait que bien s'entendre, tu sais qu'il est un humain qui ne pourra jamais te faire de mal
Tu dois partir.
et puis nous serions toujours là pour toi, nous ne t'abandonnerons jamais.
qui est là pour s'occuper de toi, Fenrir ?
les hommes ?
ceux qui peuplent Polaris ?
laisse moi rire, Fenrir.
Il ne faut pas qu'elle sache qu'il est venu.
Ceci dit, ce n'est pas ton problème, au contraire, que se passerait-il si elle savait ? Elle sait sûrement déjà. Finira-t-il par galoper dans la forêt comme son ami Renard ? Oh, ce Renard te manque un peu. Il pouvait s'avérer utile, lui.
* Il faut que j'y aille.
Ça te fait sourire de le voir se débattre avec l'envie de rester. Tu penses à ces deux entités millénaires qui doivent s'amuser de voir leurs collègues englués dans leurs fils, leurs toiles et leurs conséquences. Pour la première fois depuis longtemps, tu t'amuserais bien avec eux.
* Je vais juste essayer encore un peu, de faire la différence, et si ça ne me soulage pas, peut-être que... Peut-être que je reviendrai.
C'est son grand défaut : il pense trop.
Et il ne te mentirait jamais. Tu sais qu'il échouera, et qu'il reviendra.
Ils échouent toujours, et ils reviennent toujours.
Et tout recommencera encore.
Fenrir est retourné travailler.
* Reviens me voir, même si ce n'est pas pour rester. Je t'apprécie beaucoup. Et puis... ne penses-tu pas que je me sens seule, ici ?
Elle t'embrasse, à l'ombre du Soleil, cachée. Tu sais que c'est un piège. Tu sais que tout n'est qu'un tissu de mensonges, avec elle: tu l'as suffisamment appris. Tu dois partir.
Fenrir est retourné travailler.