Yumi(?) n'a cessé de hurler d'une voix qui ne lui appartient pas, et Yumi(?) n'a cessé d'avoir MAL. Tout lui fait mal. C'est une horreur. Ce corps est une horreur. Une horrible idée. L'idée de Spica.
Pourquoi est-ce qu'elle le fait souffrir comme ça ?
Par jalousie ?
Par jalousie ? Par jalousie ? Par jalousie ? Par jalousie ?
Yumi(?) vomit, des tripes qui ne lui appartiennent pas et une main qu'il ne reconnait pas
D'une voix éraillée, qui n'est pas la sienne, il appelle à l'aide, il appelle Ruvik, en priant pour que celui-ci soit là, soit à la maison, en priant pour tout et n'importe quoi
IL DETESTE CE VISAGE
Il l'a détesté au moment où il a vu ces yeux rouges. Et ses cheveux blancs.
Ces yeux rouges et ses cheveux blancs comme les siens.
Le petit n'est pas un aurigain, pourtant. Pourquoi ces yeux rouges ? Pourquoi ces cheveux blancs ? Pourquoi Spica voulait-elle le faire souffrir ? Etait-ce sa façon d'aimer ? Etait-elle jalouse ?
Il hurle
Son cri déchire le silence, déchire tout sur son passage
(Il se rend compte que malgré la certaine insonorisation que lui vendait Ruvik comme étant incroyable et absolue, là, c'est sûr que les voisins l'entendent beugler depuis une semaine)
Ô Sol, Ô Lune, à l'aide ! Il hurle, il a l'impression de perdre la tête. Comme si ses os perçaient sa peau, comme si ses muscles se déchiraient
Il est recroquevillé sur le sol de la chambre de Ruvik, des éclairs blancs devant les yeux et transi de douleur
C'est comme ça depuis plus d'une semaine maintenant. Ca a été comme ça aussi pour le changement avec Aedan, mais c'est Bérangère qui avait dû s'en occuper; de cette souffrance, Ruvik n'en savait rien. Ruvik n'avait jamais su, ou s'il s'était douté avec le lien, étouffé, il n'avait jamais compris. Jamais parlé.
Yumi(?) souffre le martyr.
Pourquoi ces yeux ? Et pourquoi ces cheveux ?
C'était les SIENS
* Yumi ? Yumi, j'entre.
Il annonce, pousse la porte de la chambre, se plante dans le cadre de cette dernière et te regarde. Yumi, Ruvik te reconnait, mais que reconnait-il en toi ? Spica s'est fait muette pendant tout ce temps.
* Y a-t-il quelque chose que je puisse faire ? Tu veux essayer les anti-douleurs ?
Il demande, doucement, s'accroupissant près de toi.
Il est à peine cohérent quand il pleure pour dire qu'il ne veut pas d'anti-douleurs, que de toutes façons ça ne sert à rien. Il pleure en disant qu'il veut mourir, il a peur, et puis il veut Bérangère - il la réclame comme un enfant réclame sa mère. Elle arrivait à faire partir la douleur, elle, au moins un peu, mais Ruvik n'arrive à rien, et il a mal, il a mal, il a si mal
Il parvient à se traîner jusqu'au lit de Ruvik, à s'y laisser tomber, à s'y recroqueviller. Il a si mal
Il a les flashes d'une enfance gâchée qui lui reviennent
La maison dans les Astrales, les autres enfants coincés avec lui, les yeux froids des hommes astériens
Et son propre visage
Qu'il a oublié
Il se revoit un instant
Cheveux blancs yeux rouges
Dans ce souvenir il se regarde d'un air confus, il s'observe en se demandant pourquoi ses yeux étaient si rouges et ses cheveux si blancs
Yumi(?) inspire, souffle, étouffe un sanglot
Il gémit, désespéré
Parce que Spica sait, et Spica se souvient.
Spica sait qui tu es, et ce que tu dois faire.
( Mais Spica t'aime )
* Quoi ?
( Et Spica te jalouse )
Elle répond, finalement, lassée de t'ignorer.
C'est la douleur qui lui sert de moteur alors qu'il se redresse d'un bond pour attraper Ruvik, pour attraper Spica, par le col d'une chemise blanche.
Il rugit de douleur, la pousse jusqu'au sol et la fait tomber par terre, se retrouve à la plaquer au sol par le cou
On ne peut pas se rebeller contre son étoile, le peut-on ? Sang aurigain, sang spécial boue dans ses veines et le pousse à se rebeller contre l'ordre du ciel coûte que coûte
Il frappe d'un petit poing faible.
Il secoue les poings, secoue le col, secoue le cou
* Pourquoi ?
Elle demande.
* Si je n'étais pas là, il ne serait pas tombé amoureux de toi. Si je n'étais pas là, tu l'aurais peut-être tué.
( il t'aime ? il t'aime bien sûr qu'il t'aime )
A-t-elle vraiment tort ?
( aurait-il fini par te demander de le tuer ? )
* Et je me souviens de ton visage, Yumi.
Il veut juste son vrai visage
Il ne s'en souvient pas
Personne ne s'en souvient
L'amour de Ruvik est un faible réconfort
Yumi(?) renifle. Instable
Il se redresse difficilement, laisse Spica se relever
Il ne veut plus voir personne
Une goutte de sueur perle le long de son front. Il souffre
Il veut juste retrouver son visage à nouveau.
* Ruvik l'a peint.
Elle sait qu'elle en a trop dit. Est-ce que Ruvik se souvient de ton visage, Yumi ? Elle a dit elle, pas Ruvik. Allez savoir. Sûrement que oui, il ne l'aurait pas peint, sans doute. Que sais-tu vraiment de Ruvik Hunter ? Que sais-tu de ses passions, de ses hobbies ? À quoi pense Ruvik Hunter lorsqu'il est seul, lorsqu'il s'endort ? De quoi rêve-t-il ? Quels sont ses envies ? Tu n'en sais rien. Tu ne sais rien sur lui et il ne sait rien sur toi, excepté ton visage, et peut-être la nature de tes sentiments.
* Demande lui, un jour.
Ruvik lui brise le coeur. Qu'est-ce qu'il lui veut, à la fin ? "Yumi" n'est qu'un employé de son père, chargé de le traquer, d'épier le moindre de ses faits et gestes et d'en faire un rapport. Et maintenant quoi ? Qu'est-il ? Qu'est-ce que "Yumi" ? Un membre à part entière d'un cercle de maudits. La personne la moins consistante de cette ville, peut-être de ce pays.
Yumi(?) pleure à chaudes larmes - c'est quelque chose qu'il n'a jamais fait.
De toutes façons, Spica.
Ruvik me préfèrera toujours à toi.