Dans l'idée, il est bien trop tard.
Je sais même pas pourquoi je continue à m'acharner. A courir les rues tous les soirs alors que plus le temps passe, moins j'ai de chance que ça ait un quelconque intérêt.
Ça fait presque deux moins depuis mon entrevue avec le rat.
Presque deux mois que je la cherche, mais elle se cache bien, putain. En même temps, tant mieux pour elle, ça veut peut-être dire qu'elle est en sécurité.
Ça veut peut-être dire qu'elle est morte.
Comment est-ce que je pourrais savoir ? Pas le genre de personne qui aura un jour un avis mortuaire dans le journal.
Après, tu me diras, je ne lis pas le journal.
Les deux derniers mois ont été longs et je commence à perdre patience.
Entre Lionheart qui s'est réfugié chez moi, la disparition mystérieuse de Cyllène qui m'inquiète m'énerve au plus haut point, le rat et... l'événement, maintenant Prudence qui décide de ne plus jamais paraitre... c'est beaucoup.
C'est trop.
J'abandonne ? J'abandonne.
C'est sans doute trop tard, de toute façon. Nova aura eu tout le temps de fouiner, comme le sale rat qu'il est, et il aura eu tout le temps de trouver le nom de Prudence. C'est sans doute trop tard.
De toute façon, elle n'a pas besoin de moi, elle sait se débrouiller, elle n'aura aucun mal à se débarrasser de lui si besoin. Elle n'a pas besoin de moi, et moi j'en ai marre de courir les rues.
De toute façon, dans l'idée, il est bien trop tard.
... alors pourquoi, soudain, dans la pénombre, cette ombre familière ?
Le monde se fout de ma gueule.
je le sens je le sais je le suis il se fout de moi
CDC - richard breckenridge
Dans l'idée, il est bien trop tard.
Prudence arpente les rues, un masque devenu bien trop lourd ancré sur le visage, une protection devenue fardeau, devenue cible sur son dos. Elle sait qu'elle est recherchée; Hazel Blumenkranz ne s'est pas gardé de lui dire plus longtemps et l'a vite mise au courant. Quand elle lui a demandé pourquoi il avait fait ça, alors que l'avocat ne l'appréciait pas, il avait haussé les épaules et parlé du fait d'être du même camp.
Prudence ne l'avait pas cru.
Mais elle avait cessé de porter le masque.
Son visage découvert, elle portait une tout autre identité ; cette fille, personne ne l'avait jamais vue, personne ne la connaissait. Prudence ne venait de nulle part et n'était plus reconnaissable. Prudence se mêlait à la foule.
Et pourtant ce soir-là elle le portait, pour rendre visite à quelqu'un dont elle tairait le nom par méfiance. Elle escaladait murs et toits pour éviter d'être remarquée, pour se faufiler jusqu'à sa destination, mais;
Son nom est appelé.
Elle tourne la tête et c'est Richard Breckenridge qui la toise depuis le pied d'un immeuble, l'air franchement remonté - ce qui n'est pas inhabituel pour lui. Il semble seul, et puis, ils sont en bons termes non ? Prudence s'arrête; ne descend pas pour autant, mais s'arrête.
Monsieur Breckenridge ! elle s'exclame, le r de Breckenridge s'appuyant et ricochant contre les tuiles, roule contre sa langue. Qu'est-ce que vous faites ?
C'est elle. C'est son masque c'est sa voix, c'est elle, elle me reconnait.
C'est Prudence.
Je vais l'étrangler à mains nues.
Très inconfortable que d'avoir cette conversation en tordant le cou pour la regarder d'où je suis, mais soit. Est-ce que je peux lui en vouloir ? On a tous les deux la réputation qui nous précède, et on ne fait jamais abus de prudence, dans le milieu (haha, quel clown je fais ce soir, décidément).
De toute façon, si on avait voulu tuer l'autre... il serait déjà mort. C'est tout.
Je ne veux pas tuer Prudence, jamais voulu d'ailleurs, et c'est justement pour ça que je suis là, en vérité.
toi, tu t'inquiètes ?
Dans l'idée, il est bien trop tard, mais dans la pratique, on dirait que non.
Elle est vivante.
C'est déjà ça de sûr.
je le sens je le sais je le suis il se fout de moi
CDC - richard breckenridge
Prudence se sent soudainement très stupide, mais elle ne sait pas si c'est réellement sa faute. Elle relève rapidement les yeux vers la ligne d'horizon, n'arrivant pas à croire cette situation improbable qui se découvre devant elle. Richard Breckenridge qui s'inquiète, c'est déjà quelque chose, mais Richard Breckenridge qui cherche activement à l'aider ?
Cela arrivera lorsque le serpent et le Soleil festoieront ensembles, clame la voix rassurante de son père, moqueuse. Maintenant qu'elle était empêtrée dans ces histoires d'étoiles, Prudence n'avait plus le coeur à réciter des proverbes aurigains.
Mais Richard est bien là, devant elle, enfin, au pied de l'immeuble où elle est perchée. Prudence hésite un instant avant de hocher la tête dans la direction du toit où elle se trouve.
Venez, elle indique à l'homme. Ils seront plus tranquilles sur le toit. Une fois qu'il la rejoint, elle décroche entièrement son masque pour laisser son visage à l'air libre. Geste peut-être stupide, mais son instinct lui dit de lui faire confiance. On m'a déjà avertie pour cet homme. Quelles étaient ses raisons ? Est-ce que vous en savez plus que moi ?
Finalement, elle laisse son air sérieux pour lui sourire, amusée. Je ne pensais pas que vous vous inquièteriez pour moi, monsieur Breckenridge.
Venez.
Et pendant que je monte, je me demande si elle m'attend en haut avec un couteau, prête à me trancher la gorge. Je me demande un moment si je peux lui faire confiance ; à qui est-ce que je peux faire confiance, dans cette ville ? A plus personne.
A un homme, peut-être. A celui qui se terre dans mon appartement.
(mais pourquoi est-ce que je lui fais confiance, au juste ?)
Quand j'arrive en haut elle ne me tire pas dessus, quand j'arrive en haut elle retire son masque.
Je ne sais toujours pas si c'est une preuve de confiance ou si elle se moque éperdument que je voie son visage, parce que de toute façon je ne passerai pas la nuit, mais
je décide de lui faire confiance.
pourquoi ?
tu devrais rester sur tes gardes
Au moins tout est dit, et si elle savait déjà tout ça, tant mieux, et si je lui apprends quelque chose, à la bonne heure.
Sa réflexion me prend de court.
Qu'est-ce que je peux répondre à ça ?
J'en sais rien. Je me suis pas posé la question. J'ai pas de réponse pour toi. Est-ce que je m'inquiétais pour elle ? Je sais pas. Peut-être. Non, sans doute pas. C'était purement professionnel. Si ? Non. Urh.
Oh bravo, très crédible.
je le sens je le sais je le suis il se fout de moi
CDC - richard breckenridge
Tu te sens épiée, Prudence, alors que tu laisses les mots de Richard Breckenridge traîner sur le bout de ta langue, tu t'humidifies les lèvres pensivement, tu regardes l'horizon.
Depuis peu, tu te sens épiée.
Mais ton regard n'arrive pas à croire celui qui est posé sur toi.
Cela a le don de te faire dresser les cheveux sur la tête. Tu en as parlé à Viktor, tu en as parlé à Hazel, tu n'en as pas parlé à Samson. Tu n'en as pas parlé à Zalera; tu as hésité à en parler au dernier venu dans votre innocente petite communauté d'amateurs de barbecues - enfin, c'est comme ça que Viktor vous désigne.
J'ai entendu parler de monsieur Dreemurr, mais ce n'est pas moi qui l'ai tué, tu parles tout bas, tu regrettes presque. Même si lui aussi, il était...
Tu t'arrêtes brusquement, et le masque n'est pas là pour cacher tes émotions : tu es en train de dévisager Richard en te rendant compte qu'il ne sait rien au sujet des étoiles, sûrement.
Non, Richard Breckenridge ne sait rien.
Toi, dont les proches étaient tous touchés par le malheur des astres depuis peu, cela te paraît insensé. Improbable.
Le silence s'étire.
J'ai... je vais bien. Malgré tout, tu finis par murmurer, la gorge sèche.
Ce n'est pas elle qui l'a tué ?
Nova fait fausse piste ? Parfait, ça m'arrange, et quant à celui qui a réellement tué Dreemurr... oh, sincèrement, je m'en bats les couilles. Connaissais pas le type, et ça fait toujours un keuf de moins sur terre. C'est juste un soulagement de savoir que Prudence n'est au moins pas mêlée à ça, à défaut d'autre chose, et peut-être que le sous-lieutenant Rat arrêtera de me briser les burnes.
Quoique, il me manque encore des réponses...
il était
Il était quoi, Prudence ? Pourquoi est-ce qu'elle s'est arrêté au milieu de sa phrase ? Qu'est-ce qu'elle me cache, qu'est-ce qu'elle hésite à me raconter ?
pourquoi est-ce que je ne peux pas savoir, putain de merde ?
Le silence est de plomb et la nuit d'encre, et Prudence indéchiffrable.
Quelque chose flotte dans l'air et je ne comprends pas ce que c'est.
Est-ce que lui aussi il pouvait... ? Non. Non, impossible. Non.
Ce n'était pas possible. Point barre.
(un rictus figé sur le visage, souvenir presque terrifié de ce qu'il avait vu, à deux reprises)
(une hésitation, le silence s'étire encore
qu'est-ce qui se passe dans cette ville, prudence ?
pourquoi est-ce qu'il se passe autant de choses étranges ?
mais rien ne sort)
Oh, tais-toi, c'est débile.
(ou peut-être que si ?
l'inconfort est visible sur son visage ; il ne cherche pas à le masquer)
je le sens je le sais je le suis il se fout de moi
CDC - richard breckenridge
Tu regardes Richard Breckenridge, que tu as mis dans la confidence sans vraiment le faire, qui est impliqué jusqu'au cou sans l'être. Tu détournes le regard et soupire, que peut-il bien savoir pour te poser cette question timide, peut-être une tentative désespérée d'en savoir plus, retourner ton cerveau pour te forcer à en dire plus que tu veux ?
Tu penses à Rastaban et son nouveau pantin, au regard de ce dernier. Il voulait te tuer pour survivre, mais tu n'aurais jamais attaqué. Tu n'avais jamais été loyale aux chasseurs, tu n'étais loyale qu'à Viktor et il ne t'aurait jamais dit de tuer qui que ce soit - il aurait respecté ton souhait de ne plus vouloir faire couler le sang, il t'aurait écoutée.
Tu soupires. Que Rastaban décide de te blâmer pour les ordres qu'il avait lui-même prononcé et que son hôte essaie de te tuer pour cela, pour éviter que tu l'entraînes dans la tombe, cela te dépassait.
Quand je pense que j'ai fais exactement ce qu'on me demandait et que c'est comme ça qu'on me remercie, tu marmonnes, pensivement.
Tu plantes ton regard dans celui de Richard - tes yeux sont d'un marron triste, une mélancolie qui n'est pas de ton âge plane sur tes yeux, ils n'ont plus jamais été rouges. Tu tends la main et de ta paume naît une longue lance de roche, ta géokinésie est à son paroxysme ses derniers jours - accompagnée d'étranges visions d'un homme que tu ne connais pas, dont les mouvements sont les mêmes que les tiens. Tu tiens la lance fermement et observes Richard.
Des étoiles tombent du ciel ces temps-ci. C'est une longue histoire.
Tu entreprends de tout lui raconter - les étoiles, Rastaban, les pouvoirs, le cercle, l'ordre de TUER, la chasse, la chasse, le lien, la mort, les morts, la Mort, Rastaban, les chasseurs, Lysandre Hydra.
A la fin de ton récit,
tu as les larmes aux yeux et les mots se coincent dans ta gorge. La terre redevient poussière.
Tu pries le Soleil et la Lune pour te pardonner.
Il arrive qu'il n'ait rien à dire.
Quand Prudence lui parle, quand elle lui raconte tout ce qu'elle sait et tout ce que lui ignore, il se tait.
Ce n'est pas tant qu'il se tait, en réalité, mais plutôt que l'usage de la parole lui est impossible. Plus elle parle, plus elle raconte, plus il a l'impression que le monde s'ouvre sous ses pieds.
Elle lui parle de l'impossible.
De toute ce qui ne devait pas exister. De tout ce qui était inexplicable.
Il regarde la lance se former entre les doigts de Prudence, et il a dans le ventre la sensation exacte qu'il aurait ressentie si elle l'avait enfoncée dans ses entrailles, si elle l'avait traversée de part en part.
C'est douloureux, c'est insoutenable.
Il refuse de la croire. Il refuse de la croire pourtant il n'a pas le choix, parce qu'elle est en train de le prouver, là, en face de lui, parce qu'il a vu Alecto disparaitre, parce qu'il a vu Gentiana -
Gentiana ?
Il a la nausée, la bile au bord des lèvres. Son sang est un magma de colère, d'incompréhension, il a l'impression de se noyer sur l'air, est-ce que c'est sa respiration qui se saccade ?
Il voit trouble, ne voit que la lance dans la main de Prudence, ne devine pas sa tristesse, ne comprend pas sa mélancolie.
Il ne voit que ce qu'il ne devrait pas voir, ce qui ne devait pas être.
Il ne voit que cette lance qui le nargue ; peut-être serait-il préférable qu'elle
Il sait qu'elle ne ment pas. Il n'est pas totalement stupide, et puis il y avait la lance.
Il voulait juste se rassurer. Se dire que c'était une mauvaise blague. Ne pas penser au fait qu'il y avait un monde qui se produisait en coulisses, une pièce dont il n'était pas spectateur, un événement sur lequel il n'avait aucune emprise.
Il reste figé, quand la lance redevient poussière, et il ne sait pas si le monde s'est mis à avancer très vite, ou si c'est son corps qui refuse de bouger.
Son cerveau fonctionne à toute vitesse ; son esprit est vide.
Les pièces du puzzle se mettent en place et il comprend encore moins.
Il y a un monde surnaturel qui évolue en secret.
Et il ne sait pas comment réagir.
Il pourrait hurler. Oh, il pourrait s'en péter les cordes vocales, il pourrait laisser éclater cette colère qui le ronge de l'intérieur et qui ne cesse de grandir, ces derniers temps. Oh, il meurt d'envie de perdre pied totalement, de se laisser entièrement consumer par le feu de la rage destructrice qui l'enveloppe, qui ne demande qu'à sortir.
Mais il n'en fait rien, et il se contente de regarder Prudence, et son expression est -
Il a peur.
Mais bien sûr que ce n'en est pas une.
La bile lui brûle le ventre et il serre les dents, il serre les poings, son regard se fixe sur un point du toit sur lequel ils sont et il attrape son crâne entre ses mains, il ne se rend même pas compte que ses doigts se sont agrippés à ses cheveux, comme s'il cherchait un point où s'encrer, comme si ça pouvait lui garder la tête hors de l'eau.
mais l'eau qui monte est invisible, l'eau qui s'engouffre dans ses poumons et l'étouffe n'existe pas
Les rouages se mettent en marche rappelle-toi ce que je t'ai dit, inspire, 2, 3, 4, 5, expire, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et il essaye de reprendre son calme, le regard toujours fixé sur le sol à ses pieds, 2, 3, 4, 5, les Bathsheba, 2, 3, 4, 45, 6, 7, 8, le flic, 2, 3, 4, 5, Gentiana, 2, 3 -
La mort.
Sa connerie le prend soudain comme un coup en plein visage.
Il avait peur, oui.
Il n'avait jamais eu peur, avant. Et il se rendait compte que la peur faisait faire des choses stupides à l'être humain.
heureusement qu'il était au dessus des hommes
Tourne dans un coin de sa tête le visage de celle qui avait été sa seule amie.
Il avait eu peur d'elle, il aurait dû avoir peur pour elle.
Tout ceci n'aurait pas dû avoir lieu.
Il croise le regard de Prudence, devine ses larmes.
Il ne sait pas comment la consoler.
je le sens je le sais je le suis il se fout de moi
CDC - richard breckenridge
L'état de choc dans lequel est plongé Richard Breckenridge devrait te faire ni chaud, ni froid. Mais tu es secouée, Prudence, tu as toutes les peines du monde à rester de marbre, tu mets tous les efforts, tout le reste de ta force pour ne pas t'effondrer.
Je n'en ai pas trouvé, tu avoues ton échec, ta soumission à cette machine infernale, ta faute. C'est pour obéir à mon étoile que j'ai tué tous ces gens, ils étaient liés à d'autres étoiles, ta voix tremble.
Que dire de plus à cet homme déjà impliqué sans le vouloir ?
Que dire de plus ?
"Ne vous impliquez pas", ce serait se moquer de lui.
Faites attention à vous. Tu murmures simplement, fais un pas en arrière. S'il n'a rien de plus à dire, tu es partie.
Elle dit qu'elle n'en a pas trouvé.
Elle a cherché. Ça se voit à son regard, à son expression.
Elle n'en a pas trouvé, elle s'en veut.
Ce n'est pas de ta faute, Prudence,
il y a des choses qu'on ne peut pas faire seul, il y a des choses qui ne sont pas à ta portée, tu ne dois pas t'en vouloir.
(mon inquiétude est sincère et réelle)
Elle a cherché un moyen de régler le problème des Étoiles.
Elle n'en a pas trouvé.
Mais ça ne veut pas dire que ça n'existe pas.