aussi étonnant que cela puisse paraître aux yeux de Winchester Nova, la méthode violente n'a pas marché pour régler son problème.

ça ne va pas mieux. non, c'est pire. plus il en apprend, plus il est perdu, et il s'est rassuré en annonçant fièrement qu'il serait prêt, mais prêt à quoi ? à tout, évidemment, jusqu'à son dernier souffle, et il rêvait de cette opportunité, comme il a rêvé pendant des années de tomber sur le champ de bataille. oh, oui, succomber d'une balle ennemie, quelle joie. c'est facile à se représenter, tout ça. sauf que voila. qu'est-ce qu'il y a, en face, cette fois ?

il n'en sait rien. il ne comprend rien.
il s'était juré de rester chien de garde, sage, qui ne pose pas de questions, mais il n'y arrive pas.

il veut savoir.
c'est pour ça que Winchester Nova a refait le chemin qu'il avait fait il y a plusieurs mois, une éternité. il monte dans l'ascenseur, se rappelle parfaitement du numéro d'appartement et de l'étage. c'est encore le soir, un peu plus tard que la dernière fois, espérant que celui qu'il veut voir soit seul chez lui. une fois arrivé à sa destination, il se dépêche pour ne pas se dégonfler et reculer.

il cogne doucement sur la porte de Lysandre Hydra. c'est le Sous-Lieutenant Nova, il dit finalement, pas trop fort, soucieux de ne pas attirer l'attention des voisins potentiels.

est-ce que la porte va s'ouvrir ? il n'en sait rien. dans le doute, il reste droite comme un I, sur le palier. il attend l'ordre de repos.

Winchester Nova est un imbécile.

il aurait du demander, il aurait du prévoir. en entendant les voix derrière la porte, il regrette immédiatement, même s'il ne peut s'empêcher d'être un peu rassuré en entendant la voix de Lysandre Hydra, qui annonce son arrivée. seulement voila. il n'est pas seul. il n'est pas seul. il y a quelqu'un derrière lui, derrière la porte. il fait de son mieux pour regarder son Chef, et ne pas chercher à percer ce qui se cache derrière la porte.

ce sourire l'aide à oublier, juste une seconde. est-ce qu'Il s'inquiète pour son oeil au beurre noir ? il ne devrait pas, ce n'était vraiment rien de risqué, juste un moyen de se... de. le Sous-Lieutenant Nova est stupide, mais pas au point de ne pas comprendre que là, il dérange.

ah, je... oh, qu'est-ce que tu es ? gêné ? déçu ? veuillez m'excuser. j'aurais du vous demander la permission avant.

toujours aussi droit.
toujours autant le besoin de prouver qu'il sera un bon chien, qu'il sera sage et loyal, qu'il n'y a pas besoin de le renvoyer. il aimerait juste savoir.  rien de grave, juste quelques questions qu'il ne vaut mieux pas poser au téléphone... et peut être aussi qu'il avait envie de le voir. il y avait eu ce coup de fil, la réunion chez lui, et puis quelques dix pauvres minutes en attendant le tram.

mais il y a quelqu'un d'autre derrière la porte.
est-ce qu'il devrait partir tout de suite ?
(il attend qu'on le congédie)

douche froide pour Winchester Nova.

il aurait du le savoir, il devait même déjà le savoir, à vrai dire, mais avait préféré ne pas y penser. avait préféré se raconter qu'il n'y avait que MONSIEUR HYDRA, et le Cercle, mais non, juste MONSIEUR HYDRA, et qu'ils survivraient à tout, tous les deux.

mais le Sous-Lieutenant comprend qu'il n'y a pas vraiment "d'eux deux". il n'y a pas de "eux contre le reste du monde". il n'y a pas de reine d'angleterre.
il y a quelqu'un d'autre. cette autre voix derrière la porte, que Lysandre Hydra garde bien cachée. il sait bien séparer sa vie, tout doit être bien cloisonné, et ça impressionnerait presque Winchester Nova, habitué à tout mélanger. mais quand on réalise que l'on a une importance bien moindre que celle qu'on imaginait, on n'a pas le temps d'être impressionné.

il baisse les yeux, et répond formellement. un écart de ma part, je n'aurais pas du... il a bien envie de dire que ça ne se reproduira pas, mais il n'en est même pas certain, et n'aime pas faire des promesses qu'il n'est pas sûr de tenir. il se rappelle à cet instant que les autres du Cercle doivent sentir sa douleur aussi, mais il ne culpabilise pas. il se sent juste mal pour Lysandre Hydra, qu'il respecte toujours autant, malgré...
(heureusement que tu as protégé ton œil de la lame de Breckenridge)

maintenant qu'il a fait tout ce chemin, il ne peut pas repartir sans réponse. tant pis pour cette sensation horrible qui lui tord le ventre, tant pis pour l'embarras. (tu auras tout le reste de la nuit pour te détester) il veut savoir. il n'arrive pas à tout comprendre.

je cherche juste à comprendre. la Menace est partout, ça veut tout et rien dire. comment savoir d'où viendront les... coups ? quand ? Winchester Nova n'est pas doué pour les métaphores. il n'est doué pour rien d'autre que la violence, à vrai dire. il relève les yeux, cherche le regard de l'autre, il essaye sincèrement de comprendre. il veut réellement le protéger. mais sans savoir quand et où, il ne fait que tourner en rond, trépigner, devient nerveux et... trouve de mauvais moyens pour se défouler.

(est-ce que Lysandre Hydra est le bon Maître ?)

Winchester Nova ne sait plus quoi penser.

il regarde son étoile, juste devant lui, et il est soudainement frappé par l'apparence de Lysandre Hydra. ce ne sont pas les vagues traits qu'il a retenu et un peu idéalisé dans son esprit, non. c'est de la fatigue. des failles, peut être, même si cela est difficile à admettre.

... je vois... ce n'est pas une réponse parfaite sortie un peu trop vite, mais une phrase qu'il prononce avec une vraie réflexion. Il ne sait pas. lui non plus ne sait pas. Il lui dira plus tard, quand il saura. qu'est-ce qu'il faut faire ? se tenir prêt ? il ne fait que ça, au point d'essayer de tordre les barreaux de sa cage, au point d'aller emmerder le plus gros connard de son quartier juste pour avoir l'impression de faire quelque chose.

mais Il a sûrement raison, dans le fond. et Winchester Nova fait encore entièrement confiance à Lysandre Hydra.

merci pour cette entrevue. je continuerai de m'entraîner, et je m'efforcerai de me tenir prêt à tout. vague salut militaire, un peu gêné. je vous protégerai coûte que coûte. il le dit plus bas, il n'ose pas tout à faire le dire, pourtant c'est sincère. il offre une esquisse de sourire, et tourne les talons.

(dans l'ascenseur, il piétine et trépigne, et pense à la personne derrière la porte. puis sorti dans la rue, il pense à Garance Giesler)