Fin d’après-midi. Charlise est fatiguée, la journée a été longue. Le collège, les cours, les profs. C’est chiant, c’est dur. Pénible, surtout.

Mais comme souvent, l’adolescente ne veut pas non plus rentrer chez elle, pour y retrouver cette maison froide, dans laquelle elle ne se sent pas bien. Croiser ce père, ces frères, ces sœurs qui sans avoir à lui adresser la parole lui font comprendre que sa présence est de trop.

Alors pour ce soir, elle s’était décidée le matin-même :  après les cours, avant de retrouver cette triste demeure, elle irait explorer les usines abandonnées, histoire de récupérer quelques bricoles et d’en profiter pour s’entraîner. Car Charlise aimait beaucoup s’entraîner, tester et améliorer la maîtrise de son pouvoir, explorer toutes les possibilités qu’il lui conférait. Et rien n'était plus adéquat qu’un lieu abandonné pour s’entraîner en toute sécurité, sans risquer de blesser quiconque et à l'abri surtout, des regards indiscrets.

La jeune fille déambulait, seule, son sac à dos rempli de ses affaires de cours, auxquelles elle avait ajouté pour l’occasion une gourde, une lampe torche et d’une petite pince. Ce n’était pas la première fois qu’elle venait, l’endroit lui était familier. Elle s’y était rendue justement, quelques semaines auparavant. Mais, cette fois-ci, c’était un nouveau coin de cette gigantesque zone industrielle qu’elle désirait explorer. Et tout particulièrement les abords d’une usine aux murs de brique rouge, entourée de ce qui restait d’un épais grillage métallique, particulièrement haut.

A peine arrivée sur les lieux, elle sort aussitôt sa pince et en prélève  justement un extrait, essayant de concentrer la charge électrique environnante dans ce petit bout de métal, pour en tester son pouvoir conducteur. La jeune fille trouve aussi sur place des boîtes de conserve rouillées, le guidon d’un vélo et bien d’autres objets. Soigneusement, elle s’applique à les disposer autour d’elle, à plus ou moins longue distance. Charlise fait des tests, essaie d’utiliser son pouvoir avec précision, en ne conduisant l’électricité que dans certains objets et pas d’autres. Et quelques minutes à peine après, elle commence à fatiguer. Alors elle s’assoit et boit une gorgée d’eau, profondément insatisfaite, déçue de sa piètre performance du jour. Elle manque encore d’endurance, et ça l’agace énormément. Si elle veut un jour pouvoir maîtriser ce pouvoir et toutes ses potentialités, le chemin lui paraît encore terriblement long.

Soudain, elle se fige. Elle a entendu un bruit, non loin. Quelque chose vient de shooter dans une canette. Sur le qui-vive, elle sursaute et aussitôt se retourne.

Pourvu que personne ne l’ait vue utiliser son pouvoir.

Au son de sa voix, elle sursaute. Inquiète, son cœur bat à la chamade, ses pommettes rougissent. De honte ? De gêne ? Elle ne sait pas trop, mais elle étouffe. Que faire si ce jeune homme l'avait bel et bien surprise ? Allait-il appeler la police, ou même son père ? Charlise allait-elle finir ses jours dans un centre scientifique, disséquée et torturée par des chercheurs avides de connaître la source de son pouvoir ? Madison lui pardonnerait-elle seulement que l'on découvre son pouvoir...

- Ah euh et bien je... Je m'appelle Charlise et euhhh j'étais juste en train de jouer avec des morceaux de métal...

Grillée d'avance. Charlise ment terriblement mal, et ses grands gestes ne l'aident pas non plus à gagner en crédibilité. Et puis, plus les secondes passent, plus elle se met à paniquer. Même si cet homme semble propre sur lui, les usines abandonnées ne sont pas un endroit où il fait bon vivre, et la jeune fille sait que toutes sortes de marginaux et de criminels en tout genre s'y rendent régulièrement. C'est vrai ça, si c'était un type bien, qu'est-ce qu'il ferait là et pourquoi il se montrerait si insistant ? Peut-être même que ce mec était un psychopathe, cherchant des victimes à découper à la tronçonneuse... En plus, fatiguée comme elle est, la jeune fille n'est même plus certaine de pouvoir être en mesure d'utiliser son pouvoir pour se défendre...

- S'il-s'il vous plaît ne me faîtes pas de mal je m'apprête à partir, promis !

Elle range en vitesse ses affaires dans son sac à dos et ajoute :

-S'il-vous plaît me tuez pas je... M-m-mon père il est médecin, et très riche aussi. Euuuh je suis sa fille chérie, et-et- et si vous me faites du mal il a des contacts dans la police et ils vous trouveront et...

Elle tremble comme une feuille, jeune fille effrayée, complètement submergée par un raz-de marée émotionnel -de la peur, du doute, de la honte, qui noie toute possibilité d'action rationnelle.

- Si c'est pour me manger comme dans les films d'horreur, sachez que j'ai mauvais goût et pas beaucoup de chair sur les os !