Entretien d'embauche

Aujourd’hui sonnerait la fin de ses galères financières, celles qui lui pourrissaient la vie, lui faisaient perdre du poids et surtout beaucoup de temps. Une annonce sans prétention sur un de ses nombreux sites de recrutement. L’employeur n’exigeait rien, pas même un diplôme spécifique, seulement une bonne connaissance des outils informatiques et un certain bagout. Son lieu de travail serait son propre appartement et la rémunération lui permettrait de rester un peu plus longtemps à la capitale, même si cette histoire de colocation devenait urgente.

Son potentiel futur patron, habitait dans le coin le plus chic, cette partie de la ville que la jeune femme n’avait encore jamais osé visiter. Elle avait ce syndrome du pauvre qui vous fait douter de vos propres intentions dans les lieux qui ne vous sont pas destinés. Le doute ne cessait de guerroyer contre sa confiance. Une confiance déjà bien fragilisée après la myriade de refus reçus. Le fait de n’avoir que le baccalauréat en poche et une expérience composée essentiellement d’emplois à mi-temps ne l’aidait pas.

Un soupir s’échappa, suivit d’un autre, puis d’un troisième et enfin, un bâillement. Atalante se donna une petite gifle afin de se réveiller, “mais quelle attitude déplorable, ma petite”. Une quarantenaire que les rayons du soleil rendaient éblouissante venait de lui adresser ses adorables paroles. Incapable de lui répondre sous le coup de la surprise, les couettes au vent, l’éveillée fuit. Son sens de l’orientation impeccable lui sauva la mise, car déjà, les larmes venaient, encore une fois, brouiller son champ visuel.

Elle arriva haletante devant la porte du fameux logement privatif, une porte étrangement ouverte. Un courant d’air discret lui chatouillait l’épiderme, suivi d’une belle odeur rappelant une lessive fraîchement étendue. La curiosité lui donna la force d’entrer sans avoir reçu d’invitation, sa seule excuse subsistait en l’heure de l'entretien réellement proche. L’entrée laissait penser qu’on devait enlever ses chaussures, en l'occurrence des chaussures de sport la concernant.

Le salon se trouvait à sa suite, une pièce relativement impersonnelle, mais soigneusement décorée. L’unique hic s’incarnait en des fils traînant au sol et formant une sorte de toile d’araignée. Ils partaient ensuite sous des portes diverses que ce soit à gauche ou à droite, mais toujours aucune trace du propriétaire. Alors elle s’élança à sa recherche, inquiète qui lui soit arrivée une fâcheuse bricole. Elle ouvrit donc une première pièce et le trouva à son bureau, mystère archivé. Des gouttes de sueur se formèrent sans attendre.

“Je, je, je ne voulais pas, enfin, je suis votre rendez-vous de 17 heures, la porte était ouverte, je pensais qu’il vous était arrivé quelque chose, oui enfin, enchanté.”

Il manquait une information vitale.

“Je m’appelle Atalante, j’espère que nous pourrons travailler ensemble.”

Ce semblant de confiance, peut paraître incongru, presque de trop et se confondre avec de l’arrogance. Le peu de son physique qu’elle parvenait à entrevoir entre les écrans lui fit monter le rouge aux joues de telle sorte à lui faire pousser des ailes. Rien de concret, mais être en présence d'une jolie personne ne pouvait la laisser de marbre, du moins espérait-elle que rien ne transparaisse. Sinon cela était un motif valable de refus envers sa candidature, une perspective inimaginable.

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Entretien d'embauche

Huit, douze ? Non plutôt dix-huit heures au minimum que Iouri n'avait pas fermé l'œil. L'ouverture imminente de sa société le faisait stresser, douter, cogiter sur le sens le plus profond de son existence, ses objectifs, son don d'animer les objets également. Pourtant, il gardait la tête haute et tentait tant bien que mal de s'organiser pour les entretiens d'embauche qui arrivaient, suite aux candidatures reçues.

Mercredi, jeudi ? La date, était-elle vraiment importante à ce moment précis ? Se demandait l'homme en nettoyant ses lunettes. Parcourant ses mails, il vit la prochaine personne qu'il avait conviée à l'entretien. Peu de diplômes, mais un profil intéressant, une photo atypique et un joli visage qui le fit sourire. Néanmoins, il fallait s'assurer de quelques compétences, de ses expériences, mais surtout de son caractère pour le poste que tu proposais. La prétention salariale était également un point important.

Presque apeuré, Iouri sortit de ses songes par une voix inconnue qui venait de lui dire que la porte d'entrée était ouverte et qu'elle avait rendez-vous avec lui ? Portant son regard sur l'inconnue, il vit la même tête que sur le CV qu'il avait consulté. Ne comprenant pas de suite ce qui se passait. Regard plutôt vide et perturbé, il pensa immédiatement qu'un objet qu'il avait animé s'était fait la malle ou voulait lui faire une farce. C'était quelque chose qui arrivait de temps à autre et il ne pouvait pas y faire grand chose. Certains objets étaient plus obéissants que d'autres et semblaient prendre vie sans son accord.

En se relevant, le jeune homme regarda ses vêtements et vit qu'il était quand même présentable, un t-shirt noir et un pantalon gris. A peu de choses près, il aurait pu être chez lui en slip, mais l'honneur fût sauvé de justesse. Décidant de lui répondre, il prit un dossier de son poste et se dirigea vers la jeune femme.

- Oh, merci de l'information concernant la porte d'entrée, je suis navré, je ne vois pas toujours le temps passer, si vous voulez bien me suivre, on va s'installer dans le salon pour commencer l'entretien.

La laisser passer devant était la moindre des choses. Reprenant petit à petit son calme, Iouri se dirigea vers la porte avant de la refermer tout en la laissant déverrouillée, si un objet l'avait ouvert, il reviendra sûrement tôt ou tard.

- Pardon d'ailleurs ! Iouri Cohen, fondateur du futur réseau S.T.A.R, alias Start a talk and reply. Vous voulez boire quelque chose ?

Se dirigeant vers la cuisine ouverte qui donnait sur le salon, il reprit un dernier dialogue avant de la laisser poursuivre.

- Faites comme chez vous ! Si vous voulez, on peut commencer dès à présent, parlez-moi un peu de vous, et si vous avez des questions, n'hésitez pas ? Si l'on peut se tutoyer ce serait peut-être mieux ?

Sortant deux verres, dont l'un pour lui et le second pour son invitée prête à la servir, tout en observant son environnement et regardant si l'un des objets allait se mettre à bouger en douce.

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Entretient d'embauche

En le voyant se lever, la candidate regretta presque qu'il ne soit pas en sous-vêtements, ni qu'il ne soit gêné par sa présence. Bon, certes, aujourd'hui, sa tenue ne l'avantageait pas, ni même les autres jours : un débardeur bleu, un jean près du corps et un sac à dos jaune pâle. Pas de maquillage, une simple paire de boucles d'oreille en guise de bijoux et une chevelure tressée. Lui, malgré son air débraillé, significatif de quelqu'un qui vient à peine de s'éveiller, du charisme se dégageait de sa personne. De quoi l'impressionner un peu plus que les trente centimètres qui les séparaient. Il n'attendit pas, la remercia même comme si elle ne venait absolument pas de le déranger.

Alors, l'éveillée le suivit, toute gentillette vers ce salon qu'elle venait de quitter il y a peine quelques minutes. Puisqu’il le proposait si gentiment elle s’installa sur le canapé et se repassa son prénom en boucle pour le prononcer au mieux.

“Oui, c’est vrai, on peut se tutoyer, à vue d’œil nous devons avoir presque le même âge, je crois… Je veux bien de la limonade si tu en as. Il fait chaud aujourd’hui.”

Parler d’elle ? Quelque chose de délicat, mais logique si l’on veut lors d’un entretien d’embauche. Que devrait-elle mettre en avant ? Son passé, ses diplômes, ses qualités ou au contraire ses défauts ?

“Et bien comme tu dois déjà le savoir, j’habite l’île depuis plusieurs années maintenant. Pour être un peu plus précise, je n'ai pas vécu à la capitale, une autre grande ville, Ameratu town, peut-être la connais-tu. Je suis donc à la capitale depuis six mois, quelque chose comme ça. Depuis mon baccalauréat, j'ai enchaîné les petits boulots en tout genre, mais rien de prestigieux. Mes bagages sont légers, malheureusement. Pourtant, je pense être faite pour ce travail, je possède dans mon entourage des individus, disons... Complexes et je crois les aider, en tout cas, ils me le disent.

En attendant sa boisson, elle bascula son menton vers le plafond, une sorte de manie prise, réactivée à chaque situation stressante. À la voir pourtant, on ne se douterait de rien, Atalante cachait ses émotions, à son sens, les plus honteuses. Après tout, que savait-elle sur lui ? Demeurer à l'intérieur d'un appartement qui abritait un homme ne l'aidait absolument pas. Pour tout avouer, son expérience avec la gente masculine, si elle n'était ni ridée, ni en train de se déplacer avec une canne, s'avouait nulle. Afin d'y pallier, pleine de courage et entraînée par cette promesse de salaire, elle le rejoignit en deux temps, trois mouvements.

"Je peux aider..."

Et consciente de sa bêtise, tout juste arrivée vers son torse elle enchaîna.

"As-tu reçu beaucoup de candidatures ? Et le salaire est-il négociable ? Pourquoi ne pas avoir ouvert des bureaux ? Et...."

Et rien ne venait plus.

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Entretien d'embauche

Elle semblait nerveuse et stressée, Iouri remarqua qu'elle l'avait dévisagée de haut en bas, mais ne s'était permise aucun jugement, un bon point pour une première rencontre. Le jeune homme en fit de même et regarda ses habits, rien de spécial, mais au moins elle était propre sur elle, ce qui n'était pas le cas de tous les candidats précédents. Elle accepte le tutoiement et cela le soulagea grandement, n'étant pas fan des politesse, c'était sans doute l'un des meilleurs moyens pour briser une première couche de glace. Malheureusement tout ne pouvait pas toujours continuer sur une bonne voie, faute du manque de limonade. Il n'y avait chez lui que des boissons alcoolisées ou de l'eau, compliqué de proposer la première option à une jeune femme conviée pour un entretien d'embauche...

En regardant de plus près, Iouri trouva du sirop de citron qui semblait trainer là depuis un moment, il semblait encore bon, avec de l'eau fraiche, ça allait passer ! Ca devait passer !
C'est alors qu'elle se mit à parler d'elle, récapitulant tous les points déjà inscrits sur son cv, ses expériences, son vécu et aborda même un sujet assez étrange parlant d'individus complexes ? Ce n'était pas un point négatif, c'était peut-être même un point positif pour le job, pensa Iouri.

Ayant à peine le temps de relever la tête et se retourna, l'homme fut surpris de la voir d'aussi près, gêné car n'ayant pas entendu ses déplacement, il resta méfiant au premier abord puis se retrouva bombardé de questions.

- Euh, non merci, voilà du sirop de citron avec de l'eau froide, j'espère que ça te conviendra.

Plutôt gêné Iouri rougit, puis s'éloigna un peu en passant juste à côté d'elle pour retourner se poser sur un fauteuil donnant en face du canapé.

- J'ai reçu environ une centaine de candidatures, mais j'en ai sélectionne qu'une sur cinq pour passer un entretien. Pour ce qui est du salaire, j'ai envie de te dire de tenter de négocier ? Quelles sont tes prétentions et qu'est ce qui fait de toi non seulement la bonne personne, mais en plus une personne à qui je devrais donner plus que ce que j'avais prévu ?

Son ton se voulait taquin, il ne voulait pas non plus l'emmerder, mais il voulait être convaincu par sa présentation, si cela se trouvait elle connaissait des choses dans plusieurs domaines qu'il ne connait pas et Iouri appréciait particulièrement apprendre.

- Pour ce qui est des bureaux, c'est en projet ! Je ne sais pas encore si le projet va se concrétiser ou non, mais travailler depuis chez sois avec un matériel fournis n'est t-il pas agréable ? Tu peux travailler en sous-vêtements et personne ne le remarquera, liberté total. Si tu as d'autres questions n'hésite pas !

Attendant à être surpris, Iouri, regarda une nouvelle fois son CV avant de décider de quoi que ce soit.

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Entretient d'embauche

Sirop de citron et eau froide, on pouvait mieux faire question limonade, mais en tournant rapidement la tête elle ne vit rien d'autre à part différents alcools, son choix la rassura d'un coup. Il ne resta pas bien longtemps à ses côtés et lui aussi sensiblement gêné lui répondit sans faire de commentaires.

Une centaine de candidatures ? Rien que pour ce poste ? Soit la demande attira énormément de monde, soit la population en recherche d'emplois était d'une grande importance à la capitale. Une sur cinq signifiait qu'il reçut d'autres personnes, avant ou après elle, de quoi lui faire de nouveau monter la pression. Quant à la négociation de salaire... Elle voulait lui répondre que peu importe la somme, tant qu'elle pouvait vivre humblement, mais cela suffisait-il ?

"A vrai dire, je pourrais te mentir, te sortir un discours tout préparé qui cite mes qualités et mes défauts, défauts qui n'en sont pas vraiment. J'enchaînerai en te prouvant à quel point je te suis indispensable, qu'à mes côtés, ton entreprise s'épanouira..."

L'éveillée s'approcha encore une fois d'un peu trop près et vint lui ébouriffer les cheveux afin d'en faire tomber une poussière, puis sans un mot s'installa en face, son verre à la main. Elle réfléchissait et cela perturbait ses capacités sociales, depuis ces dernières années, on le lui avait rarement demandé de se vendre.

Quand vous vous occupez d'une caisse, de ranger des rayons, voir à faire le ménage chez quelqu'un. On vous demande quoi à part d'avoir, au mieux un casier judiciaire vierge, au pire, de rester discret. Là, se jouait une partie importante de sa future carrière, qui lui ouvrirait, qui c'est, des portes insoupçonnées. Après quelques minutes, elle posa sa boisson sur la table basse et continua de lui répondre.

"Je ne vis pas seule, donc je ne peux pas me promener dans la tenue que je souhaite et puis je ne préfère pas, si quelqu'un me voyait par mégarde ou non je me sentirais sale. Et puis avec toutes ces technologies autour de nous, je me méfie.

Parler de sous-vêtements de manière si détachée ? Atalante ne sut pas si cela lui plaisait ou non. D'autres questions... D'où venait-il, que faisait-il avant l'ouverture de cette entreprise, de qui provenait sa petite fortune, etc. Une curiosité un peu mal placée vu le contexte, alors elle préféra la faire taire, au moins le temps des présentations et d'avoir le contrat entre les mains. D'un coup, une ombre se faufila derrière son fauteuil et s'enfonça quelque part dans la pièce d'en face, trop sombre pour y discerner quoi que ce soit. Elle bondit dans ses bras totalement effrayée par ce qu'elle venait de voir.

"Je, je, là ! J'ai vu quelque chose entrer, Iouri pardon, je..."


Elle ne parvenait plus à articuler quelques paroles tangibles. Elle restait la tête contre son cou, pleurant un peu et ses bras autour de sa taille. D'habitude, la jeune femme se comportait ainsi avec ses grands-parents de cœur qui ne voyait là rien de tendancieux. Lui, n'en savait rien, il se retrouvait avec sa candidate presque avachi tout près de lui, totalement apeurée.

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Entretien d'embauche

Iouri appréciait son honnêteté et souriait en notant sur son smartphone ce qu'elle disait. Soudain son geste perturba le jeune homme lorsqu'elle se permit de lui ébouriffer sa chevelure, pourtant ils venaient à peine de se rencontrer et ce geste le laissa quelque peu sans voix, ne sachant pas comment réagir. Continuant à l'observer de haut en bas, mais surtout à observer ses gestes.

Elle ne vivait donc pas seule, mais cela ne posait pas de problème tant que le travail n'en était pas perturbé, et puis une idée soudaine lui vint à l'esprit.

- Si t'as besoin de calme en attendant de trouver une solution aux locaux, tu pourras venir travailler d'ici si ta candidature est retenue, il y a plusieurs chambres non utilisés, c'est quelque chose dont on pourra rediscuter si besoin.

La scène d'après devenait totalement irréaliste. D'un seul coup, la jeune femme bondit sur Iouri ce qui le rendit tout rouge. Ne sachant absolument pas comment réagir, il l'écouta attentivement lorsqu'elle parla et sembla voir quelque chose bouger. Elle avait sans doute raison, plusieurs objets se baladaient chez lui en liberté totale et cela lui permettait de s'entrainer en permanence sur son pouvoir. Relâchant ce dernier, un petit bruit se fit entendre dans la chambre d'où il était sorti précédemment. Tentant de garder son calme face au joli minois de son invitée, il se releva en douceur tout en la gardant contre elle, avant de la décoller gentiment et la prendre par la main pour la rassurer.

- Je pense juste qu'un objet à du tomber ! Viens allons voir ensemble.

Marchant doucement en passant devant, ils arrivèrent ensemble dans l'entrée de la chambre, on pouvait y distinguer par terre un pc portable qui semblait être tombé de nul part, mais à part cela il n'y avait rien de plus. Se rapprochant de ce dernier, Iouri le ramassa et le posa sur son bureau.

- Bon il semblerait que le pc soit tombé sans doute du bureau, rien de très grave, il ne devait pas être en équilibre ! Ca va mieux ?

Lui souriant il tentait de faire passer la peur tout en reprenant ses esprits, son geste d'avant ne le laissa pas indifférent et il du se contenir pour pas dire une bêtise ou la repousser violemment. Néanmoins, il savait à présent qu'il pouvait s'attendre à tout avec elle.

- Pour en revenir sur ton parcours, quels sont tes projets sur le moyen et long terme ?

Il sortit simplement de la chambre en accompagnant toujours la jeune femme afin de la rassurer, tout en tentant de rester professionnel.

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