Tu sais que tu vas pas bien, tu sais que t'as mal et que tu peux pas t'empêcher de claudiquer comme une débile. Mais aujourd'hui tu t'es dit "Allez, go, faut que j'aille faire du shopping". Pourtant tu sais, tu le sais que quand tu fais du shopping tu dois rester debout et rester debout, c'est loin d'être une bonne idée pour toi, pas dans ces jours où tes genoux ont décidé de te faire souffrir le martyr. Tu dois vraiment avoir un truc qui fonctionne pas quelque part dans ta tête.
Tu t'étais levée dans ton immense lit, ce matin, l'idée t'était apparue comme ça, en même temps que la douleur rappelait son existence. Et te voilà, maintenant, debout, canne en main, fringuée un peu à l'arrache. Un tshirt trop large qui tombait d'une de tes épaules, floqué à l'effigie d'un groupe de métal quelconque et un mini-short en jean, qui était de toute façon masqué derrière le tshirt trop grand. Ca avait le don d'attirer le regard des passants, cette tenue. Les gens avaient l'air choqués, surtout quand tu traines dans les Clématis, il en faut peu pour choquer les gens.
Quand tu mets les pieds dans le centre commercial, tu te réjouis de l'air climatisé là dedans. C'est vrai que l'air climatisé c'est bien. En ce moment, il fait une chaleur de chien. Mais tout en profitant du frais, tes genoux se disent qu'ils profiteraient bien d'un peu de répis. Tu rentres dans la première boutique que tu vois et tu poses tes augustes fesses sur le premier siège que tu vois. Rah, ça fait du bien de se poser quelque part. La douleur est toujours là, mais tu sens que ça aide, au moins un peu, de plus avoir à supporter tout le poids de ton corps.
Tu profites de ce temps de repos pour observer autour de toi. C'est franchement une belle boutique, comme toutes celles de ce centre commercial, celà dit. Tu détonnes un peu, ici, avec tes fringues. Faut dire que le streetwear c'est pas le genre de la maison, on va surement venir te voir en te disant que t'es pas la bienvenue, mais agiter la black card de Papa suffira surement à les faire taire. Et en attendant qu'on vienne te causer, tu regardes avec beaucoup d'attention tous les modèles qu'il y a. Y'a certains trucs cools, que tu essaieras peut être. Quand tu te seras remise de ton escapade jusqu'ici.

Ca t'a clairement surprise. Tu t'attendais à quelqu'un et te voilà avec un chat. Il a sauté sur tes jambes, comme si il était chez lui. Mais vous étiez dans une boutique, dans une gallerie, dans un centre commercial, dans un quartier bourgeois. C'est pas trop ce à quoi n'importe qui peut s'attendre.

— Et ben, Chatounet, tu fais quoi là ? Tu t'es perdu ?

Il regarde ici et là. Surement qu'il cherche son maître ou sa maîtresse. Il prend place à côté de toi. Assis sur un fauteuil, comme un humain quelconque.

— Tu peux rester ici autant que tu veux. Tes propriétaires viendront bien te chercher au bout d'un moment

Puis tu le caresses doucement avec ta main.

— T'es sacrément mignon quand même

Tu continues de le caresser joyeusement jusqu'à ce qu'il s'allonge. Son regard est fixé sur la gallerie. Il attend quelqu'un ? Ou plutôt il regarde. Tu saurais pas trop évaluer lequel des deux.

— Y'a ton maître là ? Ta maîtresse ? Tu vois quelqu'un que tu connais ? Tu veux qu'on aille voir ?

Et tu fais mine de te lever, peut être que le chat réagira comme ça, au moins ?

La technique de se lever pour faire bouger le chat a visiblement échoué, tu le regardes droit dans les yeux pour essayer de capter son attention.

— Bon, bah ça a pas l'air d'être ton maître. Enfin, quand même, tu suis la personne si fixement...

Tu fais la moue, en te demandant ce qui l'obsède tant. Peut être quelqu'un qui se balade avec du poisson. T'en sais rien, t'es un peu perdue là à vrai dire. T'essaies de regarder ce qu'il voit, mais toi y'a rien qui te choque outre mesure. T'essaierais bien de suivre le faisceau de son regard, mais dans une gallerie marchande y'a trop de gens pour savoir exactement qui regarde le chat. Tant pis, on viendra bien le chercher à un moment. Tu te reposes sur ton siège et t'attends que quelqu'un arrive avec le chat comme compagnie

Tu profites de la présence agréable de l'animal. Ah, ça fait du bien. Tu te sens si bien. Mais l'instant d'après, lorsque tu baisses les yeux pour profiter de ce bel animal, il a disparu. Tu regardes à gauche, à droite. Peut être qu'il est parti sans que tu t'en rendes compte. Tu te lèves, tu regardes dans la gallerie marchande. Il n'est pas là. Tu continues à chercher pendant un moment. Et puis il est toujours nulle part. Tu soupires, tu te frottes les yeux. Et tu rentres chez toi, ayant perdu toute motivation d'acheter de nouveaux habits.