Tu avais beaucoup re-penser à Danaé, depuis qu'elle t'avait ramenée à la maison, l'autre soir. Au départ, pas tant que ça, et puis, un beau jour, comme ça, tu t'étais aperçue qu'elle était là, dans tes pensées, que ça t'avait donné envie de la revoir. Evidemment, tu avais trouvé ça largement stupide, alors, tout bêtement, tu t'étais efforcée de ranger ça dans un coin de ton esprit … sauf que, ça n'avait pas fonctionné. C'était resté là, en toi. Pire, ça avait empiré, et bientôt, tu t'étais mise à te dire qu'il fallait que tu la vois, que tu lui parles, tu te sentais comme si tu avais besoin de lui poser des questions, comme si tu étais en mal de réponses. Pourtant, tu avais beau réfléchir, tu ne savais pas ce que tu avais à lui demander.

Tu avais résisté. Longtemps. Trop longtemps, peut-être. Et puis, finalement, il y avait eu cette nuit, et si tu étais restée blottie dans ton canapé, sous une couette, en serrant un coussin face à la fenêtre par laquelle tu pouvais voir le ciel, sa couleur, la lumière, tu t'étais décidée, lorsque les choses avaient fini par s'apaiser à retourner voir Danaé.

Tu ne savais rien, d'elle. Tu savais qu'elle vivait dans les Clématis, tu avais entendu, par les médias, qu'elle avait été très souvent vu chez Aether Lab alors, c'est par-là que tu avais commencé, en errant autour du siège de la gigantesque entreprise en espérant la voir, l'apercevoir pour avoir l'opportunité de l'aborder, espérant qu'elle veuille t'écouter.

Mal à l'aise, tu fais littéralement les cents pas, te faisant très certainement remarquer plus que que quiconque, ici, au beau milieu de ce quartier huppé dans lequel d'habitude, tu ne mets même pas un pied. Tu continues de te demander ce que tu fiches ici, en triturant le bandage que tu as enroulé, grossièrement autour de ta main mystérieusement entaillée sans que tu ne saches comment, ou encore à quel moment c'était arrivé … Danaé est une personne inaccessible pour la majorité des gens qui vivent dans cette ville, elle s'est hissée haut, toujours plus haut et si tu as eu la chance de la rencontrer, par hasard, un soir, tu doutes que le simple fait de ressentir l'envie de la revoir ne suffise à réaliser ce souhait à la limite du ridicule.

Et pourtant. Pourtant, elle ne met pas si longtemps à apparaître à nouveau devant toi, et quand tu la voix, quand sa voix pénètre ton esprit, tu as ce réflexe de souffler un grand coup, comme si tu étais soulagée qu'elle soit là, soulagée de pouvoir enfin l'approcher à nouveau. Le plus étrange, c'est qu'elle semble savoir, elle vient à toi comme si elle savait précisément pourquoi tu te trouvais ici et si à sa première affirmation, tu hoches la tête comme une enfant, te voilà juste après à trottiner derrière elle pour la suivre, comme elle te l'as demandé. « Je vous dérange sans doute. » Que tu lui lances, un peu dans la panique, ne sachant pas par où tu dois commencer pour expliquer ta venue, à l'improviste. « Je crois que j'ai besoin de vous parler, vous allez trouver ça étrange, mais … j'ai le sentiment qu'il fallait qu'on ait une discussion bien que … je n'arrive pas à comprendre pourquoi. » C'est bien là toute la complexité de ta situation, et, une fois près de la voiture que tu reconnais bien, tu te figes, un court instant. « Vous avez l'air fatiguée … Danaé. »

Elle dit que tu ne déranges pas, elle essaie de laisser entendre que ta présence n'est pas gênante, qu'elle attendait même que tu viennes à elle, parce qu'elle a des choses à te dire et, tu n'y crois qu'à moitié. Tu sens bien que quelque chose ne va pas, peut-être est-ce la fatigue que tu décèles en elle, ou bien autre chose, mais, tu n'es pas encore complètement stupide, Vega, et tu sais voir quand tu mets une personne dans l'embarras. Pour le coup, tu aurais dû le voir venir, cependant, ça te fiche quand même un sacré coup au moral, même si tu t'efforces de rester neutre, même si tu parviens à forcer un sourire.

Tu hoches simplement la tête, avant de monter dans la voiture. Des gestes mécaniques, maintenant, tu n'as plus tellement envie, tu ne songes qu'à rentrer à la maison pour te cacher sous un gros coussin, au fond de ton lit. « Mh … petit, oui. » Mensonge. Tu as faim, parce que l'après-midi avance, la soirée approche, et tu n'as encore rien avalé de la journée. De toute façon, tu n'as pas envie de prendre les devants ou de participer à prendre des décisions, tu veux juste quelques réponses, Vega, tu veux comprendre, au moins un peu ce qui t'arrives parce que tu sens que tu en as besoin. Tu ne demandes pas la lune, c'est ce que tu te dis. Tu aimerais juste souffler un peu, t'apaiser, parce que ces dernières semaines ont été éprouvantes. Alors, tu suis. Tu la laisses t'emmener, jusqu'à obtenir quelques réponses qui allègent un peu ton esprit, certes, mais viennent aussi te glacer le sang…