Lèvres pâteuses, entrouvertes, tu laisses échapper le miaulement de ton rêve… Tu as de la chance d’être seul dans cet immense salon… car rien que d’y penser t’empourpre les joues d’une honte avilissante…. Humpf... Encore un peu endormi, tu tournes et vire, dans ces draps frais, tout droit sortis de l’armoire de Nori. Ça sent un peu comme lui. Ça rassure.

Ces rêves.
Ces songes,
ces chimères fantasmagorique
ils sont...d̵̮̣͐̀é̶̠̻̼̾r̵̭̜̓̅͒o̸͖̅͗͌ŭ̶̹͚̉̕ṯ̷̫̓a̵̬̐̊͘n̷̬͐ṫ̶̰̌̐.

Ils arrivent, ils repartent, te laissant là, tantôt con, tantôt mort. Emmitouflé dans le drap, cocon de sûreté, tu te dis que ce soir tu as de la chance. Rêver d’être un chat… il y a quand même …. bien …. p  i  r...e… que… ç...ça.

n
o
n
?

ZzzZzzz…

Sursaut de douleur.
Souffle lourd.
Bond de l’esprit.

Ça veut quitter ton corps, fuir mais il n 'y a aucune issus et tout ce que tu sens dans ta cage thoracique et ton estomac sont les coups et les à-coups d’une frousse démesurément grande. Elle fourmille sur le long de tes bras, crépitent le long de tes jambes. Tu as le cœur en feu et les extrémités frigorifiées.

a͠ư̢͜ s͢҉͏҉̧͠͠è͏̴̵̛͘͞͠ç̛͟͞͞҉̕͜͠ó̡͘͡͠͡͡͠u͡͏̸̡̧̢̀r̶̀͡͝͡s͘͡͞

Avec cet hurlement en nœud de gorge, tu as l’impression d’étouffer, de céder à une panique qui pourtant n’est pas tienne. Tremblant, autant de froid que de peur, tu cherches à quitter le canapé, à mettre les pieds à terre.

Est-ce que tu rêves encore ?
Comment le savoir...
Comment en être sûr ?

Nori.

Nori saura.
Sirius saura.

Confus, tu trébuches, manque de manger le coin de la table basse, mais la peur te redresse aussitôt. Tu patines, glisses,  sur le carrelage froid de l’appartement, t’appuie sur les angles des murs, te laisse guider jusqu’en dans un couloir étroit. tes yeux s’écarquillent quand tu crois sentir les murs autour de toi rétrécir, t’engloutir dans leur obscurité morbide. Non. Non. Tu dois atteindre la chambre. L’heure qu’il est ? Allez savoir, on s’en fout ! Tu cavales, coupant ton souffle, par peur d’avaler tu ne sais trop quoi.

Puis tu ouvres la porte.

Mais il n’y a personne.
Il n’y a jamais eu personne.
Le lit est vide.

Pas là.

On dirait que tu as oublié.

Sentant alors les larmes monter, tu t’empresses d’aller t'écraser dans ce lit, son lit, et enfouit ton visage dans l’un des coussins, pour te retenir de pleurer.

Il est là.

Il ?

Oui, lui. Fenrir. C’est comme ça qu’il s’appelle. Ça tourne en boucle dans ta tête, comme pour rattraper un temps perdu, un temps oublié…Un temps que tu n’as jamais vécu. Ça s’inscrit tout naturellement dans ton esprit, alors que l'espace d’un très court instant, tu aurais juré ne l’avoir jamais vu. Et pourtant, tout semble te crier le contraire.

Bah oui, Lycaon, qui d’autre que Fenrir se tiendrait là ?

Tu tournes un peu, le laissant ramener les couvertures sur toi, recouvrant ton corps encore parsemé de soubresauts, de plaies béantes mais invisibles. Tu saignes de partout, tu as l’impression d’avoir été roué de coups, qu’on t’as brisé le cœur, qu’on t’as trahi… Et pourtant, tu aurais presque envie de rire, de pousser ce même gloussement que dans tes rêves.

Haha.

Sous les draps, tes bras s’y glissent pour s’en extirper. Fenrir est juste là, installé sur le lit et, sans trop réfléchir, tu viens toucher son dos, comme pour t’assurer que tu n’es pas entrain de rêver.

Fenrir, tu crois qu’on peut mourir en rêvant ?

Mourir dans un rêve...

Cela fait quelques semaines, quelques mois maintenant, que tu es comme assailli de ces rêves étranges. Avant rien ne dépassait l’idée de trouver réconfort dans les bras de ta mère. Maintenant que tu es lié à une étoile tu rêves d’ailes, que tu es un chat, de rire et de bruits merveilleux ! Mais aussi de gens qui hurlent, qui souffrent, qui pleurent et de lames incandescentes qui ôtent la vie autant qu’elles la donnent.

C'est
bizarrement
agréable.

Fenrir te dit qu’il a un moyen de te sortir de tes rêves les plus tordus, des plus voraces, alors tu te redresses, calant ton dos contre la tête de lit, grimaçant un peu.

C’est con ce que j’vais dire mais. Ok, j'ai peur - Tu lui montres ta main qui tremble, le tout accompagné d’un rire nerveux - mais… j’ai pas envie que ça s’arrêtent, tu vois?

Tu ne saurais trouver les bons mots, pas après une nuit pareille, pourtant tu sens que ces rêves, sans pour autant les qualifier d'importants ( car tu ne comprends pas tout) ont semé en toi une forme de plaisir coupable, comme une drogue malsaine… L’addiction à cette peur viscérale, de comprendre le monde dans lequel tu évolues.

De quel puzzle ? De ce qui se passe dehors ? J'ai l'impression d'avoir les pièces d'un jeu auquel je sais même pas jouer ! La fatigue et la frustration te font doucement lever la voix... Calme toi Lycaon. Et puis... comment t'en sais autant sur ces rêves? Toi aussi t'en as? Tu sais comment on fait pour y voir plus clair ?

Geste tendre.

Doigt posé sur ton front, tes traits de visage se calment, s’adoucissent. Tu lâches un soupir, profond, quelque chose qui s’apparente à un nouveau souffle, comme si tu avais passé toute la nuit en apnée.

Puis il te dit que ça vient de lui.
tes rêves.

H-hein ?  Tu plisses les yeux. Cherche à comprendre. Mais rien ne vient, rien si ce n'est un néant. Consumé, vide, en un instant fatigué, tu cales ta tête contre le dossier. Sans Nori, tu as l'impression que Fenrir est la seule chose qui te maintient en vie. Ça veut dire que c'est toi qui - Tu passes ta langue sur tes lèvres entre pâteuses. - donne ces "capacités" dont me parlé Nori ? Ça veut dire que t'es avec nous ?

Avec vous ?
Mais contre qui ?

Tu doutais pas.

Ou si peu. Mais dès que Fenrir t’avoue être de ton côté, de votre côté, tu lui décoches ton plus beau sourire. Si beau que la fatigue et les larmes ne peuvent en gâcher la joie qui s’en dégage. Dans les draps, tu gesticules un peu et te rapproche de Chien, en tailleur à ses cotés, pour mieux le voir, mieux le cerner.

Tu fais donc parti de la meute, ça c'est cool, ça fait un peu de toi un frère!

Tu t'étires, levant les bras au plafond et viens vite fait frotter tes yeux en grognant, en colère contre toi même d'avoir osé chialer.

Tu dois mieux connaitre Sirius que Nori non ? Vous êtes amis ?

Rassurant.

Un peu à la manière de Nori et de Sirius, Fenrir dégage quelque chose de pur sans que tu ne puisses clairement définir quoi. Tu n’arrives pas à t’en méfier, alors que quelque chose en toi continue de te dire que tu ne le connais pas… mais c’est plus fort que toi, plus fort que tout. La confiance à été donnée sans que tu n’es eu ton mot à dire. Alors tu retournes un peu dans ce lit, de manière désinvolte, l’adolescent reprenant doucement le dessus de cette enveloppe d’enfant dont il essaye désespérément de se débarrasser.

Fenrir est sérieux et tu l’écoutes avec l’attention que tu ne donnes généralement qu'à Monsieur Nori et Sirius. T’as envie de lui demander où il va, mais tu n’oses pas, virant cet attachement qui grandit en toi d'un coup de volonté d'adulte.

C’est promis. Après t'sais j'suis du genre tenace. En vrai t'en sais rien, mais t'as envie de croire que t'es pas facilement crevable, que t'es un attaché de la vie, un prota' dans une série, que tu tiendrais le coup, même avec une balle dans le cœur. Mais comment ? Je crie “Fenrir” et t’arrives?

Il n’y a pas plus doux.
À moins que Nori et Sirius soient tout aussi doux ?
Tu ne saurais dire.

Mais à le voir s’éloigner comme ça, le voir partir, tu te laisses glisser dans le lit, sous les draps chauds. Tu ne le quitte pas des yeux quand il fait le tour du lit, sentant encore sa main sur ta tête. Est-ce que Leith a déjà eu ce genre de comportement avec toi ? Est-ce que tu as déjà eu un frère aussi tendre ? Tu ne crois pas…Non impossible. Et c’est sur cette lourde pensée que tu te laisses partir, que tu coules dans de nouvels abysses, dans de nouveaux rêves.

Epaisse brume qui se colle aux poumons, tu es transporté dans un autre temps, dans un autre corps...

Et dans le silence de la chambre, tu es parcourus de légers soubresauts et pour la première fois, tu parles...

un grognement.
un aboiement.

Je ne... travaille pas en équipe.