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VENUS FLY ⁞ ANDREA
VENUS FLY
Tu as décrété dans la matinée que les sorties scolaires ne t'intéressaient pas. D'ordinaire, ç'aurait été un bon moyen pour passer une journée à flâner et discuter avec tes amies de tout et de rien en attendant la fin de la journée de cours, mais pas cette fois. Tu es troublée. Embêtée, même, peut-être. Tu n'irais pas jusque là. Tu sais juste que ce qui t'attend à la fin du parcours, c'est une ambiance délétère à la maison, pesante, triste, silencieuse. Tu as l'impression que quelque chose a changé depuis ta fugue qui s'était terminée misérablement au mcdo. Tu sais que tu t'infliges des maux.
Donc, tu ne sais pas ce qu'il se passe. Tu es entre une jeune fille qui se plaint depuis vingt-trois minutes que ses pieds lui font mal et qu'elle en a plus qu'assez de piétiner lentement à travers les allées du musée (tu ne peux pas lui en vouloir, vous étiez réellement en train de piétiner, c'était épuisant) et une jeune fille qui refuse visiblement catégoriquement de s'arrêter de parler, sinon elle mourra sûrement - et tu commençais à chercher une porte de sortie, métaphorique ou littérale. Tu ne sais pas pourquoi la fuite est ton moyen d'expression de prédilection ces derniers temps. Mais Dieu savait que tu passais ton temps à filer à l'anglaise.
Ce que tu fis, prétextant de devoir faire un arrêt express aux toilettes pour semer le groupe. Tu t'y faufiles une fois la pièce trouvée. Le plan ? Attendre suffisamment de temps pour ne pas croiser la route de ta classe, et te barrer de là. Oh, tu visiterais le musée plus tard, toute seule, si c'était si important pour les cours. Tu en doutes. Mais en soi, le musée n'est pas inintéressant. C'était juste... épuisant. Et tu n'avais pas la tête à ça. Tu te cherches des excuses. Tu cilles, tu observes un lavabo. Une tache de sang. Ton instinct s'emballe automatiquement et ton coeur se met à taper, fort, dans ta poitrine. Peut-être que tu en fais des tonnes. Peut-être que le tueur en série dont ton père t'a tant parlé est enfin venu pour toi. Peut-être...
Peut-être que c'est juste la femme en face de toi, appuyée contre un lavabo, qui est en train de saigner du nez. Ah. Mais, oui, d'accord. Bon, après, toi quand tu saignais du nez, ce n'était jamais avec autant d'intensité. Mais... Mue par un instinct qui te paraît encore aujourd'hui incompréhensible, tu t'avances, ta main droite timidement tendue vers elle, comme pour venir lui frotter amicalement l'épaule.
Madame ? Ca va ?
Re: VENUS FLY ⁞ ANDREA
venus fly
La fatigue ne semble pas vouloir te relâcher, à aucun moment. À peine quelques pas fais dans le musée que tu sens ta tête te tourner dangereusement, à peine quelques pas dans l'allée principale que tu es forcée de trouver refuge dans les toilettes. Accoudée au dessus de l'évier, tu observe ton visage, tâché de sang. Tu saignes du nez, et ce n'est pas si grave, ça t'arrivait souvent lorsque tu étais enfant, dès qu'il se mettait à faire un peu chaud, lorsque le soleil te tapait sur la tête un bon moment. Mais ce n'était pas arrivé depuis longtemps. Machinalement, ton premier réflexe c'est de porter ta main sur ton ventre, de retenir ta respiration, de laisser ton cœur paniquer. Non. Non. Non. Ça n'a rien à voir, et tu ne peux pas être enceinte, ça fait longtemps, tu le saurais. Tu es trop paranoïaque pour faire un déni. Tu as fait deux tests la dernière fois, juste pour être sûre. Tu expires, un peu bruyamment, profite qu'il n'y ait personne dans les toilettes des femmes, et qu'ils soient parfaitement propres.
O Dio, arrête de psychoter pour rien... Et plus bas, alors que tu te mets à tamponner ton nez avec un mouchoir en tissus extirpé de ton sac. Ce n'est qu'un peu de sang. Ça n'a rien à voir avec cette ville infernale, avec l'avion, avec le jet lag, avec la fatigue, avec l'angoisse qui te serre l'estomac depuis que tu as mis un pied ici, et avec ces sensations de vertige et d'angoisse qui te soulèvent le cœur depuis la veille. Tu ne sais pas si c'était le repas qui t'avait rendu malade, ou l'angoisse à trouver un guide que tu arrivais à comprendre, ou... C'était sûrement juste un coup de froid. Rien de plus qu'un simple coup de froid.
La remarque de la jeune femme que tu n'avais pas remarqué te fait sursauter et tu échappes un léger son de surprise d'entre tes lèvres, puis te crispe un peu sur l'évier, le mouchoir contre le nez. Ossignore ! Je ne vous avais pas vue. Un vague rire gêné, troublé, alors que tu jettes un œil à ton reflet, il va falloir que tu te remaquilles un peu. Oui, oui, tout va bien, je me suis simplement mise à saigner un peu. Plus bas, autant pour toi que pour elle. C'est sans doute la fatigue...
Re: VENUS FLY ⁞ ANDREA
VENUS FLY
Cette femme est extrêmement cheloue. Mais elle était aussi très jolie, et elle avait l'air en détresse. Aussi, tu avais croisé les bras et affiché ton air le plus perplexe possible - ce qui n'était pas très difficile.
Ca fait beaucoup de sang. tu lui fais remarquer. Tu adoptes cette expression que tu tires totalement, à cent pourcents de ton père. Lèvres pincées et yeux plissés. Les bras croisés. L'air dur. Tu es en train de faire subtilement la morale à une inconnue qui essaie de te faire croire que tout va bien alors qu'elle est en train de pisser le sang par le nez - dans les toilettes d'un musée où tu t'es réfugiée pour fuir ta classe. On a vu plus courant, comme situation. Il faudrait voir un médecin, quand même. Ton expression s'adoucit pour se muer en une moue inquiète alors que tu fais un pas vers elle, les yeux sur le lavabo. Il vous arrive quoi... ?
Re: VENUS FLY ⁞ ANDREA
venus fly
La jeune femme à tes côtés a l'air pleine d'inquiétude, au moins autant qu'elle a l'air jeune. Elle ne doit pas être plus vieille que Dalia ou Lissandro, les plus jeunes de ta fratrie. Oh ils te manquent, et ça ne fait pas si longtemps que tu as quitté la maison. Elle te fait d'ailleurs un peu penser à Dalia, dans ses traits, sa façon d'être aussi. Tu te redresse, nettoie comme tu peux l'évier avec l'eau qui en coule, tes doigts son pleins de sang, mais au moins tu as la satisfaction de ne pas t'être tâchée. C'est sûrement le jetlag, je viens d'arriver d'Italie. Le sourire se fait désolé, alors que tu presses le mouchoir contre ton nez de ta main propre, cherchant à machinalement nettoyer l'autre sous l'eau tiède. Tes doigts tremblent. Tu sais que le jetlag n'y est pour rien, Andrea.
Ce n'est pas grand chose, ne t'en fais pas pour moi. Silence. Comment tu t'appelles ? Tu te fais un peu plus familière, sans doute pour brouiller les pistes. Au pire elle prendra la fuite, tu te dis. Au pire elle te laissera là, elle te laissera tranquille. Mais tu as besoin de parler un peu, de te rappeler de ce que tu fais là, et d'où tu iras ensuite. Tu ne peux pas éternellement prendre peur et rentrer chez Vassili. Pas aujourd'hui, en tout cas.
Re: VENUS FLY ⁞ ANDREA
VENUS FLY
Etrangement, tu ne crois pas à la théorie du jetlag - mais tu ne dis rien, te contentant de la regarder d'un air inquiet et concerné, en silence. Tu ne sais même pas pourquoi tu ne la crois pas. Parce que tu penses que tout le monde te ment ? Parce que ça fait vraiment un paquet de sang ? Parce que tu n'as jamais vu quelqu'un saigner du nez, alors tu ne peux pas dire ? Tu ne sais pas.
Anja. Et vous ? Peut-être que tu as juste un mauvais pressentiment. Peut-être que cette femme ne t'inspire rien de bon. Pourtant, elle a l'air très gentille. Elle est très belle, en plus. Mais une beauté accueillante, chaleureuse. Tu lui adresses un petit sourire timide, les joues rosies. Tu ne sais pas sourire sincèrement. Vous venez d'Italie ? Ou vous êtes née ici ?
Re: VENUS FLY ⁞ ANDREA
venus fly
Andrea.Elle est jolie, la petite. Elle a l'air bien élevée, et d'une bonne famille, c'est ce que tu te dis, avant de te demander ce qu'elle peut bien faire ici. Si elle est lycéenne, elle devrait être au lycée, si elle est étudiante, elle devrait probablement être en études. Je viens de là-bas. Pas très loin de Naples. Pas tout à fait, mais bon, flemme d'expliquer à quelqu'un qu'elle ne reverrait probablement jamais. Je visite mon fiancé. Oui, justement, parlons en vu qu'elle l'a esquivé ce matin, esquivé la moindre chance de le croiser. Elle se tend un peu, jette un oeil au mouchoir, ça se calme mais ça saigne encore.
Tu es étudiante ? Tu sembles réfléchir et quand plusieurs voix semblant chercher la jeune femme se font entendre, elle repose son regard sur la porte. Visiblement, elle était plutôt lycéenne. Je ne vais pas te balancer.
Re: VENUS FLY ⁞ ANDREA
VENUS FLY
Tu considères Naples. L'image de bâtiments colorés te parvient et tu te dis que ça doit être tellement sympa de vivre par là-bas. Tu n'aimes pas Polaris, quelle surprise, qui l'eut crû. Tu accueilles ses réponses avec des petites onomatopées presque silencieuses de compréhension, hochant de temps à autre la tête. Tu ne sais pas pourquoi cette femme a piqué ta curiosité, mais il y a quelque chose qui te pousse à ne pas la quitter des yeux, comme si elle pouvait disparaître en petites particules de lumière à l'instant où tu détournerais le regard, comme si elle pouvait s'évanouir dans la nature et ne plus jamais te recroiser. C'est un sentiment étrange.
Tu te tends et sors de ta rêverie en entendant ton prénom être appelé, hors des toilettes. Au moins, l'inconnue des toilettes a l'air suffisamment compréhensive. Tu lui adresses un sourire embarrassé. Euh... ouais... je suis en première, au lycée. Tes joues sont un peu roses, elles complètent bien ton sourire. Les voix se rapprochent et une voix masculine raconte, peu ou prou, qu'ils vont chercher une "meuf" pour "checker si elle est pas dans les toilettes". Tu ouvres de grands yeux et souffle. Et merde. Euh... j'vais me cacher dans une cabine. S'il vous plaît, vendez pas la mèche. Tu lui offres un regard suppliant jusqu'à ce qu'elle accepte puis te réfugie dans la première cabine, te juchant sur les toilettes. Quelle aventure.
Re: VENUS FLY ⁞ ANDREA
venus fly
Anja t'invite à ne pas la laisser tomber, et tu penches la tête sur le côté, l'observe s'éloigner vers la cabine des toilettes et disparaître à l'intérieur. Lorsque l'homme entre dans la salle principale, tu fronces les sourcils et le fusille du regard. Tu as eu le temps de nettoyer ton nez et ton visage, mais ça ne t'empêche pas d'avoir gardé le sang sur les mouchoirs, ça pourrait être utile pour faire illusion. Non mais oh, pour quoi est-ce que tu te prends au juste, sombre imbécile ? Tu fais un pas dans sa direction, il fait un pas en arrière dans le couloir. Tu es bien mal avisé de rentrer dans les toilettes des dames sans même t'annoncer. Qui a bien pu t'élever aussi mal ?! Et vas-y qu'il se confond en excuses, se plie en deux et prend la poudre d'escampette, sans avoir eu le temps de t'interroger.
Une fois que tu es certain qu'il est loin, tu fronces les sourcils, range tout ton bazar et vient toquer à la cabine de la jeune femme. À demi-mots, tu annonces : ils sont partis. Un instant de silence, puis tu soupires. Tu veux sortir du musée, c'est ça ? Elle te fait penser à Dalia, mais d'une façon si violente que c'est dur de ne pas laisser l'image de ta sœur s'imprimer dans ton esprit.
Re: VENUS FLY ⁞ ANDREA
VENUS FLY
Ça te fait sourire; cette petite scénette, ce jeu d'actrice absolument immaculé que cette parfaite inconnue vient t'offrir. Pourquoi est-ce qu'elle t'aide ? Après tout, tu sèches les cours, et puis surtout, vous ne vous connaissez pas. En fait, ce n'est pas le fait qu'elle t'aide qui te surprend, c'est le fait qu'elle t'aide avec autant de ferveur.
Tu te glisses hors de la cabine quand elle t'annonce que la voie est libre et tu lui adresses un regard en triturant la hanse de ton sac à dos. En gros, oui. Ça ne va pas être de la tarte s'ils sont encore dans les parages. Après tout, tu ne passes pas inaperçue avec tes cheveux écarlates et ton long manteau noir. Tu croises les bras, pensive. J'en ai ma claque, de cette journée. Tu annonces d'un ton peut-être un peu trop déterminé. Et... j'ai d'autres choses à faire. C'est un mensonge et tu es sûre qu'elle va voir à travers immédiatement. Tu ne sais pas pourquoi tu te justifies, Anja.
Tu observes cette inconnue, et le même pressentiment étrange qui t'avait saisie en regardant ton père te revient.
Re: VENUS FLY ⁞ ANDREA
venus fly
Elle a l'air si déterminée, ça fait autant plaisir à voir que ça fait peur, finalement. Tu l'observe durant de longues secondes, évidemment qu'elle est en train de mentir, elle veut juste s'échapper d'ici, et tu peux comprendre, il te semble. Tu es là uniquement pour échapper à autre chose, aussi ... Oui, ça fait sens. Mais ça te met un peu de baume au coeur. Tu restes quelques instants à l'observer avant de sourire doucement, puis tu approches du mur du fond, te met sur la pointe des pieds et déverrouille le loquer de la toute petite fenêtre qui donne sur la rue à l'arrière du musée. Il n'y a pas de barreaux. Je peux te faire la courte échelle, si tu veux. Pourquoi est-ce que tu tiens tant à l'aider ? En vérité tu ne sais pas. Sûrement parce qu'elle te fait penser à Dalia, sûrement parce qu'elle fait écho à quelque chose que tu as été, il y a longtemps.
Tu la gratifie d'un sourire sincère avant de la désigner et de désigner la rue déserte, derrière la petite fenêtre. Ce serait sportif de passer, mais clairement pas impossible, pour aucune de vous deux. Mais seulement si tu me promets de rattraper ça en te faisant visiter moi-même le musée à l'occasion. Beaucoup des pièces exposées t'étaient familières, et l'optique de pouvoir la revoir te mettait un peu de baume au cœur.