persister.
Tu serais bien partie directement ce soir-là. Tu t'es éloignée de cet homme étrange, avec une seule idée en tête : celle de prendre la voiture et d'aller voir. Puis, tu es rentrée pour récupérer tes clés de voiture. Et là, tu t'es enfin demandée où tu devais aller exactement. Un vieux manoir à la périphérie de la ville, c'est un début, certes, mais Polaris n'est pas une petite ville et de ce fait, sa périphérie est vaste. Si tu y étais allée à l'aveugle, tu aurais probablement passé la nuit entière à chercher, le stress au ventre.
Du coup, tu as essayé de te montrer plus intelligente, tu as sillonné internet à la recherche des manoirs qui se trouvaient aux abords de Polaris. Il y en avait plusieurs, tous sacrément espacés, tous dans des styles différents. Certains habités, d'ailleurs, alors, tu les as éliminés. C'est finalement une vidéo, trouvée par hasard grâce à quelques mots clés qui a fini de t'arrêter sur une adresse. Deux gamins étaient entrés dans un manoir et selon la description, avaient été attaqués par un espèce de vieux type effrayant … c'était étrange, certes, mais c'était une piste plus que valable alors, tu avais noté l'adresse et en fin d'après-midi, te voilà plantée devant cette vieille baraque digne d'un film d'horreur. Abandonnée, c'est certain. Possédant un certain charme, d'ailleurs, et ça, c'est l'agent immobilier que tu es qui y songe, un instant.
Tu montes les quelques marches du vieux perron, et tu viens frapper contre la porte épaisse grâce au vieux marteau de porte rouillé.
persister.
La maison est encore assez éclairée. Le soleil ne va pas tarder à décliner, mais visiblement, son orientation fait que tu conserves une bonne visibilité, assez bonne pour t'orienter, du moins. A l'intérieur, tu t'arrêtes, tu regardes autour de toi et surtout, tu tends l'oreille pour écouter si on répond à ta voix. Il n'y a rien. Aucune voix pour te répondre, pas un bruit non plus. Tout est étrangement calme, et ce calme, dans une maison pareille, te fait rapidement froid dans le dos.
Ce malaise monte en toi. C'est calme, oui. Le silence règne, oui. Et pourtant, tu as la désagréable impression de ne pas être seule ici, comme si quelqu'un était là, dissimulé, ne voulant pas se montrer, en train de t'observer, pourtant. Alors tu cherches, tu avances, tu observes, tu essaies de faire le moins de bruit possible jusqu'à t'arrêter, voir ce point rouge sur le sol, qui est là, bel et bien là et puis qui disparaît, tout à coup.
persister.
C'est évidemment la peur qui te fait parler, agir. C'est presque mécanique, en réalité. Tu n'es pas là pour mettre la main sur du vide, tu soupçonnes ton père de se trouver dans les parages, ou au moins d'y être passé. Si tu appelles, c'est pour savoir s'il est encore là. Si ce n'est pas le cas, le plan, c'est de fouiller les environs pour voir s'il n'a rien laissé derrière lui. Cependant, la situation devient particulièrement étrange, lorsque ce point rouge passe furtivement dans ton champ de vision.
Tu n'es pas seule, ici. Et tu le sais.
Ton dernier appel ne donne rien, du moins, pas au début. L'intérieur de la maison demeure silencieux, c'est à peine si la maison grince en réalité. Cela dit, à l'extérieur c'est autre chose. Les feuilles craquent. Crissent sous des pieds. Tu distingues le bruit régulier, caractéristiques des pas. On avance. On approche. Quelque vient, Alyth, et tu te demandes si c'est ton père. Si tu dois aller à sa rencontre. Et puis, tu te rends compte que tu es seule ici, que tu es éloignée de la ville, que tu peux bien crier, que personne ne t'entendra et ça, ça te pousses à bouger, rapidement, tu ne sais pas où tu vas, tu fonces au grand salon, tu regardes, rapidement autour de toi, et tu vas te cacher, derrière les immenses rideaux épais et poussiéreux qui traînent au sol, te dégageant une toute petite vision sur la pièce, juste au cas ou …
et comme il est venu,
repart.
Tu perds la sensation d'être observée, et le silence reprend ses droits sur le manoir abandonné...
persister.
Il entre. Ses pas résonnent maintenant bien plus clairement sur le plancher du manoir. Tu ne bouges pas, tu respires au minimum, comme si tu craignais qu'il ne puisse t'entendre et puis, tu le vois, il approche pour finalement s'arrêter. Tu l'observes de ta cachette. C'est un inconnu, tout de sombre vêtu. Tu graves son visage dans ta mémoire, tu t'en fais une description dans la tête que tu t'empresseras de noter, pour ne rien oublier et puis, tu espères qu'il parte vite.
Il ne reste pas plus de quelques minutes ici. Finalement, il repart comme il est venu et tu te prends à souffler légèrement, derrière ton rideau. Les pas s'éloignent, disparaissent, tu patientes encore un peu, et enfin, tu te glisses hors de ta cachette, dans le salon, tu t'approches avec précaution de la fenêtre, pour observer l'extérieur avant d'en revenir à la maison. Tu avances, à nouveau, avec précaution, repasse dans l'entrée, avant de te précipiter dans le large escalier, comme si tu fuyais la mort. Hors de question de partir, avant d'avoir fouiner un peu…
persister.
Il n'y a rien ici. Tu fouilles, tu prends le temps, tu observes, tu déplaces, mais il n'y a rien. Tu sens qu'il y a eu du passage dans ce vieux manoir, il y a des traces dans la poussière qui recouvre le sol, les vieux meubles et les objets anciens qui se trouvent là, mais il n'y a rien de récent qui attire particulièrement ton attention. Bien vite, la conclusion, difficile mais réelle, s'abat sur toi : si ton père était là, il n'y est déjà plus. Tu l'as manqué, de peu, peut-être, mais il s'est envolé. Il est reparti.
Par contre, alors que tu redescends, que tu ressors sur le perron, observant l'extérieur d'un air inquiet, tu te dis que ton père s'est attiré des ennuis. Cette histoire d'étoile t'intrigue. Et cet homme ne semble qu'une preuve de plus qu'Andromède est impliqué dans quelque chose qui, pour l'heure, te dépasses. Est-ce que c'est ton père, qu'il cherchait, cet homme en noir ? Peut-être. En tout cas, maintenant, tu as de quoi faire. Tu as le visage de cet homme. Tu as sa description. Tu peux peut-être découvrir qui il est, ça pourrait t'en apprendre un peu plus sur tout ça.