Rien, tout. D’un seul coup, North, c’est sous le couvert des arbres d’une jungle glacée que tu émerges. Des réflexes enfouis mais vivants, qui n’ont fait que se mettre en pause quelques années s’enclenche et alors que tu tends l'oreille pour savoir de quels côtés les combattants arrivent, tu bouges. Le jaguar s’accroupit, ses yeux jaunes glacés comme la nuit qui l’entoure découvre les deux silhouettes. Un médecin de l’hôpital qui te rappelle que tu es en ville, pas dans la jungle. Que la guerre n’est sûrement pas la même, mais que la finalité restera inchangée : survivre, quel qu’en soit le prix.

« C’était une arme à feu. Que tu lâches à l’homme blond qui a parlé de sécurité. Ça va, et vous ? Tes yeux vont au médecin, puis glisse à l’autre. Il y a un combat quelque part, mettez-vous en sécurité, je vais aller voir. »

L’instinct, que ça s’appelle. À tes yeux, ils sont justes humains, toi tu possèdes l’étincelle de Maddison pour t’aider… Et encore, c’est sur ton habitude de la guerre que tu te reposes. Assez pour commencer à te mettre en marche, penchée en avant, silencieuse comme un chat, les yeux partout.

« Vous savez ce qu’il se passe ? Un souffle, tu es presque inaudible, terriblement concentrée à ce qui arrive. »

Trouver ce qu’il se passe sans perte. C’est ce qui tourne dans ta tête, t’empêchant même de reconnaître le blond. Peut-être n’es-tu simplement plus toi-même North ? Comme un pas dans la jungle, l’autre à Polaris ? Si tu cherches ta mitraillette, tu finis par grogner et tes mains habiles sortent le couteau à cran d’arrêt que tu ne quittes jamais. Tu ne penses même pas au fait que tu pourrais leur faire peur, tu agis simplement comme un robot guerrier.

« Jouez aux héros si vous voulez, moi je veux juste survivre. Tu grognes, sans comprendre le sens de la remarque d’Aedan. Avancez en silence, en direction du bruit. Tant qu’on est dans les ombres, on devrait être discret. »

Tu as un drôle de regard, quand tu te tournes vers eux. C’est comme si un voile était posé sur ton regard mordoré. Tu ne les vois pas, tu les entends, tu les assimiles à de vieux souvenirs. Et puis tu te mets en route, en te fiant à ses oreilles pour essayer de trouver le bon chemin.

« Vous avez de quoi vous défendre ? Que tu penses à demander quand-même, comme s’il était normal qu’il soit armé… »

Un stylo. C’est ce que, soudainement, tu retiens du court échange que tu as avec eux. Un stylo. Tu ne sais pas comprendre la blague, alors tes pensées se mettent à filer, imaginant déjà le docteur enfoncer son putain de crayon dans la tronche d’un ennemi. Et ça dérive en bain de sang, qui te mettent en état d’alerte. Tes narines s’ouvrent, alors que tes oreilles ne captent soudainement plus rien.

Pendant une seconde, tu te figes, North. Tes yeux quittent le devant pour te retourner vers ceux qui te suivent. Et le temps d’une seconde, courte et anormale, tu poses sur eux un regard d’animal sauvage, qui pense être traqué par des humains idiots. Il te faut voir les lèvres du blond s’ouvrir sans que ses mots ne te parviennent pour secouer la tête, et reprendre toi aussi forme humaine.

Tu ne dis rien. Tu les observes juste quelques secondes avec un air perdu et surpris et puis tout se renferme en toi et tu te remets tout bonnement en route, sans un mot. Au fond de toi, une drôle d’émotion virevolte, comme si tu étais en train de te faire absorbé par un vieux souvenir.

Tu veux juste sortir de l’ombre, peut-être que cela suffira à te ramener à la réalité. En tout cas, sous le regard de la lune, tu es certaine de te sentir moins oppressée. Alors tu forces, tu avances, après ce regard étrange sur les deux qui te suivent. Il est fort probable, même, que tu aurais continué à ce rythme sans t’arrêter, si Aedan, dans ton dos, n’avait pas parlé du chat. Tu tournes la tête, et si le médecin choisi aussi sec de ne pas aller l’aider, tu dévies de ton chemin. T’es plus à ça prêt, non ?

Et puis, t’en sais rien. Il fait sombre, il fait silence. Et tout à coup, une explosion retentit tout près de toi et la première chose à laquelle tu penses, c'est qu’une bombe est tombée sur vous. Tu oublies le chat, pour te tourner vers les deux hommes et tu la sens… une douleur phénoménale qui s’arrache de toi en même temps qu’un cri inhumain. Tu hurles ta douleur, oui, alors que tu discernes la fumée dans ton dos. Un pistolet. La souffrance devient de la haine.

« TOI ! »

Ta voix ressemble à celle d’un animal, rauque et grave, alors que tu te courbes soudainement dans les ombres du métro. Tu devrais fuir ? Peut-être. En tout cas, tu bouges, tu continues sur le chemin, mais plus à leur rythme. C’est tes jambes et la puissance que Maddie y a insufflée que tu bandes pour t’écarter de ces fous.