Le noir, l’absence de tout. C’est le visiblement ce qui te tient, avant. Avant tu ne sais pas quoi. Juste que soudainement tu reviens à toi, vieux, et ça explose en toi. Un bruit, ou plutôt le résonnement de la détonation. Ton cœur s’emballe, comme si tu étais de retour à des vieux souvenirs de gosses. Tu ne le savais pas, mais t’es yeux étaient clos, puisque tu soulèves tes paupières aussi sec. Noir, froid. Il fait nuit, tu ne sais même pas où tu es. Et alors que l’angoisse explose en toi, accélérant ton cœur d’une manière dangereuse, tu entends des voix.

« Qu’est-ce qui se passe ? Ta voix est basse, sombre, rauque comme si tu n’avais pas sorti un mot depuis des heures, peut-être mêmes des jours. Ta main se glisse dans ta poche, réflexe d’ado. Tu n’as plus de couteau, mais ton téléphone, que tu récupères pour éclairer autour de toi. Ceylan ? Tes yeux vont à lui, la panique crève le plafond. T’es qui toi ?! »

L’autre, tu ne le connais pas, et si t’es un type qui est sociable, quelque chose te hurle qu’il se passe des trucs graves. Un inconnu, c’est une menace, voilà ce que ton esprit te hurle, alors que tu sers ton poing libre. Tu te remets debout, prêt à cogner, à attaquer, sans même savoir ce qui te fait penser à ça.

« Qu’est-ce qu'on fou là ? Je... Paniques, tes souvenirs sont brumeaux, rien n'a de sens. Je me souviens de rien. »

Tête qui tourne, à la lumière, tu scrutes le visage de Ceylan avant que la lumière ne meurt. Putain de téléphone ! Tu grognes, avant de plisser les yeux et tu essaies de regarder l’autre type. C’est en sentant que tu vas galérer que tu as le réflexe de plus en plus naturel de venir mettre une paire de lunette ronde, fine, sur ton nez.

« Ah. Que tu lâches en comprenant qui il est, avant d’avoir cet énorme élan au cœur en entendant ce qu’il dit de toi. Tu frisonnes, relâches ton poing. Comment peut-il t’adoucir si facilement. Sortons alors. Tu préfères lâcher alors que tu détournes les yeux de Ceylan pour le fameux Dallas. On va s’en sortir, aie confiance. »

C’est dur, mais ta voix se fait plus confiante, probablement plus douce un peu, parce que tu ne vas pas laisser quelqu’un qui peine sans aide. Ce ne serait pas toi. Tu te mets à bouger, marcher un peu en regardant autour de toi, mais franchement, ta vue baissante ne te donne rien alors tu fermes les yeux, jusqu’à sentir (ou penser sentir ?) un souffle sur ton visage.

« Du vent ! Allons par là. Ceylan, tu peux rester auprès de ton ami, ça le rassurera. Ca te tue de dire ça, même que ton regard hurle la douleur de prendre le risque de le perdre, mais tu n’en démords pas. Je passe devant… Parce que tu vas les protéger, bien sûr. »

Marcher droit devant et ne pas angoisser. Plus simple à dire qu’à faire, mon vieux Dusk, mais pourtant tu le fais. Tes yeux fouillent les ténèbres qui sont impénétrables, malgré tes lunettes. Tu gardes un coin de regard sur les deux masses mouvantes dans ton dos, et tu vois, tu es de leur avis, alors t’avance encore, en faisant en sorte de ne pas douter. Pourtant, tu ne peux pas cacher que tu es sensible, comme type, alors une fois, tes yeux vont à Dallas et Ceylan. Une seconde fois. La troisième, tu souffles :

« Tu es… Tu t’arrêtes, le visage contracté entre curiosité et inquiétude. Ta main, ça va aller ? »

Tu sais même pas ce que t’as vu, au final, t’es juste presque certain qu’il souffre, qu’il ne cesse de tenir sa main, son bras peut-être. Et toi, tu ne peux pas simplement continuer sans demander, sans chercher à savoir si tu peux faire quelque chose. Alors tu leur offres un regard tendu, avant de ramener tes yeux vers l’avant en carrant les épaules.

« Il doit y avoir un animal perdu dans le coin… Méfiez-vous, on ne sait pas s’il aura peur de nous. »

Est-ce que cette nuit est assez étrange pour que tu finisses par devoir sauver ta vie contre un animal perdu ?

C’est de mal en pis… T’as jamais eu peur des animaux, vieux, mais clairement, là, alors que c’est carrément une meute qui semble se rapprocher, tu piles net. Vous allez vous faire bouffer. C’est exactement la 1ere pensée qui te vient en tête et te fait dire que vous allez droit dans la gueule du loup (sans mauvais jeu de mot). Te voilà à te retourner, pour regarder les deux hommes qui t’accompagnent et tu cesses de foncer droit devant à la réaction de Ceylan, avant de glisser les yeux à Dallas et ne pas oser en demander plus.

Tu recules d’un pas, puis d’un second, avant de te statufier sur place. Tu devrais les regarder, trouver ton courage dans leur présence, mais le bruit devient si fort, si présent et si proche que tu ne fais que tourner ta tête vers les ténèbres environnantes. Peut-être que tu ne verras rien en surgir, que ces cris sont le jeu de vos esprits malades. Pourtant, c’est de l’adrénaline pure qui coule dans tes veines, te tendant comme un arc prêt à relâcher sa flèche. T’es qu’un truc, Dusk : réagir assez vite pour leur permettre de s’enfuir… c’est tout.

« Si vous le pouvez… fuyez… Tu souffles, alors que le reste de ton corps est figé devant eux. »

Il ne faut pas qu’ils meurent. Les deux. C’est ce que tu te dis, là, en boucle, avec la sensation que tu ne seras pas à la hauteur pour autant. Et franchement, Dusk, quand tu découvres la bête qui arrive, tu comprends combien c’est vrai. Un chien ? Un loup plutôt. Une chose énorme qui hérisse aussi sec les poils sur tes bras alors que tu te figes. Que faire ?

Pendant quelques secondes, tu te dis que tu vas te jeter dessus. Ouais voilà tu vas te jeter dessus et espérer qu’il te prenne le temps de te dévorer et que ça leur laisse le temps de fuir. C’est la meilleure solution ! C’est ce que tu dois faire ! Voilà, maintenant bouge ! Et tu te le hurles dans ta tête. Tu le martèles, te le hurles, te l’ordonnes. Et pourtant, Dusk, ton corps est figé. Tu es immobile. C’est terrible, ça, que ton esprit veuille une chose et que ton corps le refuse. Tu te hais, tu te détestes, tu t’insultes, mais rien n’y fait.

Et puis soudainement, c’est la main de Ceylan dont tu reprends conscience. Tes yeux tournent vers lui, comme pour lui demander de t’aider à bouger. Et tu vois l’arme dans sa main. Tu ouvres la bouche sans rien dire. Est-ce une bonne idée ce qu’il compte faire ?