and there was no one left ⁞ FUBUKI

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FUBUKI ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰

Minuit se réveille en sursaut, accompagné d'une sueur froide - comme à la fin d'un mauvais rêve. Il fait nuit noire dans la chambre parentale, pourtant il sent tout de suite que quelque chose ne va pas. C'est son instinct, c'est la seule chose sur laquelle son corps peut compter. Il se redresse sur les coudes, observe la porte entrebâillée, qui donne sur le salon. Aucun filet de lumière, aucune lueur lointaine. Il n'y a rien. Rien d'anormal, et pourtant.

C'est une nouvelle sueur froide - une inquiétude qui grandit dans son ventre, dans ses tripes, qui le prend à la gorge. Il s'arrête dans ses pensées et écarquille les yeux.

Graham n'est pas là.
Fubuki dort encore, ou peut-être pas, parfois il lui arrive de se réveiller et de ne pas bouger, de ne pas ouvrir les yeux, sa respiration change à peine de rythme, s'allège à peine. En tous points, elle dort.

Au moins... au moins, elle est là. Au moins il n'est pas seul... il se dit qu'ils auraient pu partir - une voix pernicieuse lui murmure qu'ils auraient pu le laisser là, l'abandonner. Non. Ils n'auraient jamais fais ça. Ce n'est pas eux. Cette voix peignait des personnages cruels à la place de ceux qu'ils considéraient comme les personnes les plus gentilles de son monde.

Minuit se reprend et secoue doucement Fubuki au niveau de l'épaule. Fubu. Hé. Tu dors ? Petite pause. Il attend qu'elle soit revenue à lui pour lui avouer à mi-mots, nerveux. Gram est pas là.

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Tes nuits se font de plus en plus difficiles. Rythmées par les insomnies ou bien les cauchemars. Tu ne sais plus ce que c’est que de te reposer. Parce que la situation est spéciale. Du jamais vu. Et tu ne sais pas comment gérer ça. Persuadée d’avoir à porter tout le monde sur tes épaules parce que c’est comme ça. Parce que c’est ton rôle. Parce que tu as peur qu’ils s’effondrent tous. Graham. Minuit. Même les enfants que vous essayez de garder loin de ce secret. Ils n’ont pas besoin de savoir. Ils n’ont pas de besoin d’être plus inquiets ou en colère qu’ils ne le sont déjà. Alors tu les portes tous à bout de bras. Tu essaies.

Tu dors. Tu dors comme tu n’as pas dormi depuis longtemps. L’épuisement qui te rattrape. L’épuisement qui ne laisse même pas le temps aux cauchemars de se former. Rien ne semble pouvoir te réveiller en cet instant. Rien si ce n’est la main de Minuit sur ton épaule. Et puis sa voix. Tu ouvres un œil, puis l’autre. Les faits cligner. Bailles. « Ce n’est rien Chéri… Il a dû partir aux toilettes. Il va revenir. » Tu embrasses sa joue pour le rassurer. Poses ta tête contre son épaule. Mais quand ta main vient se poser sur l’oreiller de Graham, tu sens qu’il est totalement froid. C’est comme s’il n’avait jamais été là. Comme si personne n’avait posé sa tête sur ce bout de tissu depuis un long moment. C’est le déclic. Les sourcils froncés, tu te redresses. Tes doigts viennent chercher un mot, une note, un post-it, n’importe quoi, que ton mari aurait pu laisser sur la table de chevet. Ils ne trouvent rien d’autre que la froideur du bois. « Attention à tes yeux, je vais allumer. » Tu le préviens sans lui laisser le temps de se préparer, de s'accommoder. La lumière est presque aveuglante pendant quelques secondes. Juste le temps que tu t’y fasses. « Il y a quelque chose de ton côté ? Un papier, un truc, peu importe ? » Demandes-tu la voix presque tremblante, assise au bord du lit.

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FUBUKI ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰

Son cœur se serre à la même cadence que la lumière qui s'allume, d'un coup, un seul, terrifiante, angoissante. Ses yeux restent aveugles un instant alors qu'il les ferme fort, le temps de s'accoutumer à cette nouvelle luminosité.

Sur la table de chevet, rien. L'oreiller, froid. Graham, disparu. (Un hôtel ? Trivago.) Minuit contemple le bois sombre de la table de chevet pendant un long instant, avant de soupirer, épuisé, fatigué. Une partie de lui, traîtresse et cruelle, a envie de laisser tomber immédiatement et de remettre ça à demain, protestant que ce n'est pas le moment, suppliant de ne pas s'en occuper, et peut-être que Graham sera de retour demain matin, et peut-être qu'il est juste parti faire un tour, et peut-être, et peut-être. Mais l'entièreté de son être hurle de panique, traduisible par des petits tremblements qui le parcourent, incontrôlables et paniqués.

Il relève des yeux écarquillés vers Fubuki. C'est le regard d'un animal sauvage, pris au piège dans un recoin, une impasse. L'impasse résidait dans ses pensées, au fond de son crâne. Y a rien, il croassa d'une voix étranglée alors qu'il se redressait.

Il avait vite glissé du lit et finissait sur ses deux jambes, un soudain regain d'adrénaline le parcourant. Son cerveau s'activait fort, vite. Graham avait disparu. Ca avait un lien avec les étoiles. Avec ce Hazel. Cet homme au visage inconnu qui torturait leur Graham, qui l'avait affublé de ce pouvoir dangereux, étrange, terrifiant. Putain, putain de merde. Qu'est-ce qu'ils étaient censés faire ? Graham pouvait être partout, et nulle part à la fois. Minuit avait relevé les yeux vers Fubuki et la dévisageait, bouche-bée. On fait quoi ?

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On fait quoi ? Des mots qui résonnent dans ton esprit. Une question à laquelle tu n’as pas de réponse. Tu ne sais pas. Y a-t-il seulement quelque chose à faire ? La seule chose de certaine, c’est que tu n’as pas le droit de céder à la panique. Tu n’as pas le droit ou tu ne t’en donnes pas le droit. Persuadée de ne pas pouvoir craquer devant Minuit. Ô Minuit, mon amour. Ne me regarde pas comme ça mon chéri. Je suis aussi perdue que toi. Tu ne supportes pas ses yeux paniqués. Tu ne supportes pas les craquements dans sa voix. Tu le rejoins après avoir traversé le lit. Avec une infinie délicatesse, tes mains se posent sur ses joues. « Regarde-moi. » Même si ce regard me brûle. « Je suis là. Je suis avec toi. Je ne pars pas. Tu n’es pas tout seul. » Repose-toi sur moi. Je serais forte pour nous deux. « On va retrouver notre mari. Peu importe comment. Et on reprendra notre vie comme avant. » C’est impossible. « Je t’aime Minuit. Et il t’aime aussi. Il t’aime tellement. Il va nous revenir. Je sais que, là où il est, il se bat pour être à nos côtés à nouveau. Je sais qu’il ne pense qu’à nous et aux enfants. » Tu lui souris. Un sourire faible. Un sourire triste. Un baiser sur son front et tes mains qui le lâchent enfin.

Plusieurs appels manqués. Plusieurs messages. Et aucune réponse. Rien. Tu as vérifié tous les tiroirs de la chambre. Tout est là. Rien n’a bougé. On fait quoi ? Tu ne sais toujours pas. « La police ne fera rien… » Tu réfléchis à voix haute. Vilaine habitude de ronger la peau autour de ton pouce quand le stress est trop lourd. « On ne sait même pas s’il a été enlevé ou si sa putain d’étoile l’a appelée ou bien… On ne sait pas. » Sa putain d’étoile. Tu la hais. Tu la hais tellement. Pourquoi lui ? Pourquoi Graham ? Graham qui est d’une gentillesse et d’une bienveillance que tu n’as jamais vu chez qui que ce soit d’autres. Graham est un homme bon. Il sauve des vies. Il aime sa famille. Sa femme et son mari. Graham ne mérite pas ça. Et vous non plus. « On peut aller faire un tour dans le quartier… Ou dans la ville. À pied ? En voiture ? Mais s’il revient … S’il revient et qu’on n’est pas là ..? » Il y a des microfissures dans ta voix. Dernier texto. Je t’aime Graham. Seize appels manqués.

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attendez-moi

Un sms, tremblant, de froid et de fatigue. A peine intelligible, mais ça ferait l’affaire, au moins il était vivant, ça la rassurerait, au moins il était en vie et il rentrait à la maison.

à la maison

Seize appels manqués. Seize. Tant d’heures où ils avaient dû se demander où il était, ce qu’il faisait, s’il était toujours vivant.
Il n’avait jamais vu Fubuki aussi stressée que depuis qu’il avait été lié à Procyon, jamais de leurs nombreuses années de vie commune. Minuit était plus réservé, il l’avait toujours été, mais il savait qu’il n’en pensait pas moins. Il devinait à ses regards, à ses silences.
Il devinait, il savait, il les connaissait par coeur.
Il était un poids pour sa famille, et il s’en voulait mortellement. Il aurait tout donné, absolument tout pour revenir en arrière. La vie était déjà assez compliquée à gérer avant qu’il ne puisse plus rien toucher sans crainte de détruire ou de blesser, la vie était déjà assez compliquée quand il ne voyait pas sa famille pendants des jours entiers, parfois, quand il avait besoin de se défoncer pour tenir le coup, deux heures de plus, une journée de plus, quand il devait cacher son deuxième amour en public par peur, par peur, tout était régi par la peur, c’était une constante dans sa vie et elle devenait de plus en plus présente, un monstre qui lui mangeait le coeur et l’éloignait de ceux qu’il aimait.
Il aurait tout donné pour revenir en arrière.
Mais ce soir il avait plongé un peu plus profondément dans les problèmes, ce soir, maintenant c’était acté, il était lié corps et âme à son Étoile, il était lié corps et âme à d’autres gens, maintenant c’était officiel, la Chasse avait rendu tout cela bien réel, bien trop réel.
Ce soir il avait tiré sur un homme. Ce soir il avait connu la mort, par l’esprit d’un autre.

Il avait aidé l’Étoile à se soigner, c’était le minimum à faire, même s’il ne savait pas si c’était une bonne idée, après tout ils étaient censés être ennemis, pas vrai ? Il s’en foutait, en réalité, ça n’avait aucun sens pour lui, il n’avait rien demandé, il n’avait jamais voulu prendre part à ces querelles débiles d’astres génocidaires, mais il n’avait pas eu le choix, on ne leur avait pas laissé le choix, et maintenant quoi ?
Maintenant sa veste était tachée du sang d’un autre, le sang d’un homme sur lequel il avait tiré, une trace indélébile qui lui rappelerait à jamais cette nuit d’angoisse, cette nuit d’horreur.

Il avait enfilé sa veste, en silence, hagard, les mains rougies du sang de l’homme, avec l’impression très distincte de marcher à côté de lui-même.
Il s’était dirigé vers la maison, sa maison, leur maison, guidé par il ne savait pas bien quoi, utilisant ses dernières forces pour rentrer et les voir, il n’y avait rien dont il avait besoin de plus que sa femme, son mari, leur chaleur, leur présence, et dormir pour ne se réveiller que dans un mois, et tout oublier.

La rue. Sa rue. Leur maison. Ses clés sont dans sa poche, miraculeusement, il ouvre la porte d’une main tremblante, il voit flou, la fatigue, le stress, la douleur de la mort d’Hazel qui revenait par vagues, il tient toujours debout pourtant, et il ne sait pas vraiment comme il fait.

Graham entre, la maison est silencieuse, mais elle a la chaleur, l’odeur qu’il connaît, ici c’était l’endroit utopique où rien ne pouvait leur arriver de mal.

Il ferme la porte derrière lui, et soudain sa vue se brouille, il serre les dents, mais rien ne peut contrôler la vague qui le submerge, et Graham fond en larmes, debout sur le paillasson de l’entrée, couvert de sang et de vase.

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FUBUKI ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰
GRAHAM ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰

Finalement, ils auront attendu. Longtemps. Minuit ne se rappelle pas de grand-chose, comme si ce laps de temps était passé en un éclair. Il se rappelle avoir serré la main de Fubuki dans la sienne,
et d'être resté figé, catatonique presque peut-être. Il ne pouvait se faire à l'idée de perdre Graham.
Perdre
Graham
C'est une idée qui lui est insupportable. Ca ne peut pas exister -
Et il ne comprend rien à ces histoires d'étoiles, d'hôtes, et de liés. Parce que c'est forcément lié à ça, n'est-ce pas ? Il lève les yeux vers Fubuki. Elle comprend mieux. Elle aura toujours mieux compris que lui. Et Fubuki
Il sent qu'elle aussi, peut-être
Bientôt
Non.
Il déglutit et se relève d'un bond. Animal à l'instinct développé, il sent Graham arriver avant que Graham n'arrive vraiment - sa main lâche celle de Fubuki.

Quand Graham entre, Minuit ne bouge pas. Il le regarde pleurer avec la distincte impression que Graham n'est pas dans son propre corps et qu'il fait face à un fantôme. Il ne bouge pas de là où il est planté, si Fubuki se jette sur Graham comme une mère tigre paniquée d'avoir perdu son petit, Minuit reste figé, interdit. Sur la défensive, comme si Graham avait ramené son étoile avec lui chez eux.

Finalement, il prend la parole. C'est ton sang ? Il croasse, peu sûr de lui, observant le sang sombre sur les vêtements de son mari.

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La peur qui te serre les tripes. La main de Minuit comme seule ancre dans ton océan de noirceur. Et le silence qui vous enveloppe. Tu n’as pas envie de parler. Rien à dire. Ton cœur s’affole. Tu es presque sûre qu’à ton grand âge, ça pourrait être dangereux. Tu es perdue. Et effrayée. Et paniquée. Alors quand Minuit te lâche, quand tu perds la sécurité de qu’offrait son touché, tu te perds un peu plus. Tu restes assise là, sur le lit, seule, quelques instants. Puis la porte qui claque. Puis des sanglots qui te parviennent. C’est lui n’est-ce pas ? C’est Graham ? Soupir de soulagement quand tu le vois là, debout dans l’entrée. Et la boule d’angoisse dans la gorge quand tu remarques qu’il pleure. Il pleure toutes les larmes de son corps. Tu ne sais même pas s’il vous a remarqué.

Tu te précipites à lui. L’attrapes dans tes bras. Tu te moques de son pouvoir. Tu n’y penses même pas. Tu ne remarques pas tout de suite qu’il est couvert de sang. C’est quand Minuit élève la voix, quand tu te détaches de lui, que tu aperçois le rouge carmin sur ses vêtements, sur son corps. Un hoquet de surprise dans un demi-sursaut. « Tu es blessé ? » Demandes-tu à la hâte alors que tes mains viennent se poser sur ses joues pour relever la tête. Pour l’examiner. Aussi pour qu’il vous voit, qu’il comprenne que vous êtes là. Tu ne sais pas comment l’aider et ça te tue. Regard perdu que tu lances à Minuit. « Qu’est-ce qu’il s’est passé mon amour … ? »

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attendez-moi

Graham se noie et se perd dans ses larmes, elles coulent sans qu’il ne puisse s’en empêcher, il pleure jusqu’à l’hypnose, il ne ressent plus que les larmes sur ses joues et le reste n’existe pas, il ne voit rien, il est entouré de brouillard, il est dans le noir le plus complet, tout ce qu’il arrive à faire c’est pleurer, pleurer encore pour chasser la pression de la nuit

(de la mort)

il a l’impression de ne rien avoir vécu et pourtant c’est trop, c’est bien trop trop trop et il craque et il tremble et il

C’est quand Fubuki se précipite dans ses bras qu’il prend à nouveau conscience du monde qui l’entoure. Il ne pense pas à son pouvoir, il ne voulait pas y songer, au moins quelques secondes, il ne pense qu’au corps de sa femme contre le sien et il serre, il la serre fort, et il tente comme il peut de calmer sa crise de larmes, le visage dans ses cheveux. Il respire son odeur, les yeux fermés, il s’ancre dans la réalité de sa maison, de son quotidien, il retrouve le contact familier du corps de son premier amour, et c’était ce dont il avait le plus besoin, en ce moment. De Fubuki, de Minuit, de ses deux plus grands piliers, d’un retour à la normale, d’un semblant de retour à la normale, l’illusion, seulement l’illusion que tout allait bien, pour quelques instants seulement, c’était tout ce qu’il voulait, avoir l’impression que sa vie n’était pas totalement gâchée par les Étoiles.
Il serre les dents et tout d’abord les larmes redoublent. Il est tellement soulagé d’être entouré de bras familiers qu’il se permet d’être plus vulnérable qu’il ne l’avait jamais été.

j’espère que les enfants ne m’entendent pas

Après quelques minutes, il se calme, petit à petit, le visage dans le cou de sa femme, et enfin il se sent le courage de relever la tête.

Il ouvre les yeux et croise le regard de Minuit qu’il n’avait pas vu, et se laisse attraper le visage par Fubuki, mouillant immédiatement ses mains des larmes qu’il essayait d’arrêter. Tant bien que mal.

- Je sais pas, renifla-t-il, la voix saccadée des sanglots qui se calmaient. Je crois pas. Je sais pas.

Il reprend une inspiration tremblottante et appuie sa joue contre la paume de Fubuki. Il ne voulait pas y repenser. Pas déjà. Plus jamais. Pitié.

- J’étais dans les égouts. Je devais… Il déglutit avec diffuculté. Je devais chasser les autres liés. Pour les tuer. J’ai… Les mots ne veulent pas sortir de sa bouche. Il n’arrive pas à réaliser ce qu’il a fait. C’était un véritable cauchemar. J’ai tiré sur un homme. Mon Étoile est morte, annonce-t-il finalement. Son hôte. C’était… comme si c’était moi qui mourrais.

j’ai pas envie d’en parler, je vous en supplie

- … je suis content de vous voir, ajouta-t-il d’une petite voix encore mouillée de larmes.

Il attrape les mains de Fubuki dans les siennes, collé à elle autant qu’il le peut, et croise à nouveau le regard de Minuit. Chez son mari, ça valait mille mots. Et Graham n’avait pas besoin de grand chose de plus que de le voir, en réalité.
Il était vivant, avec eux, et c’était déjà beaucoup.

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FUBUKI ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰
GRAHAM ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰ ▰

Bouge.
Fais quelque chose.

Réagis, bon sang !
Le subconscient hurle, comme un chat crachant sur l'objet de ses angoisses. Minuit se retrouve figé, statufié par les aveux de son mari.

Il déteste la lueur d'espoir qu'il perçoit, qui lui réchauffe la cervelle à l'annonce de la mort de l'étoile. Il ne devrait pas. Il ne devrait pas se réjouir de la mort d'un être vivant. Humain. Etoile. C'est pareil. Il finit par approcher timidement.

Je suis content que tu sois rentré, il finit par murmurer, tout bas, presque inaudible. Graham est rentré, à peu près sain et sauf. Alors tout va bien. Une voix méchante chantonne dans son esprit qu'il aurait pu ne jamais rentrer. Qu'il aurait pu se faire tirer dessus, lui. Qu'il aurait pu mourir là-bas.

Un goût de sang sur le palais, il observe Graham sous toutes les coutures, effrayé à l'idée qu'il ait laissé un petit peu de lui là-bas, avec son étoile.

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De tes doigts fins, tu viens sécher ses joues. Ou du moins tu essaies. Parce que ses larmes ne s’arrêtent pas. Soupir de soulagement quand il te dit qu’il n’est pas blessé. Qu’il ne croit pas l’être en tout cas. Et tu as beau l'observer sous toutes ses coutures, tu ne vois effectivement aucune plaie. Ça te rassure. Tu ne supporterais pas de le voir blessé, de savoir que tout ce sang est le sien. Des guerres ont éclaté pour moins que ça. Et toi, tu es prête à traquer n’importe qui par rancune. Pour venger ton époux. Tes époux. Tes enfants. Parce que quiconque ose leur faire du mal et alors tu ne réponds plus de rien.

« Est-ce que… c’est fini ? Si ton étoile est morte, est-ce que tu es libre ? » La réponse t’effraie. Tu n’es même pas sûr qu’il sache lui-même. Comment le pourrait-il finalement ? C’est une situation inattendue. Une situation exceptionnelle. Tu n’oses pas relever le sujet de la chasse. S’il a tiré pour survivre ce n’est pas grave. Il n’y avait pas d’autre issue possible n’est-ce pas ? Tu tuerais mille fois si c’est pour qu’il puisse vivre. Tu sais pourtant que Graham et toi n'avez pas la même vision des choses. Avec Minuit non plus. Tes mains dans les siennes. Tes mains contre son torse. « Je suis contente moi aussi… » Soulagée plus qu’heureuse. Tu as imaginé des tas de scénarios. Des scénarios à en faire des cauchemars pour les vingt prochaines années. « J’ai cru t’avoir perdu… Et ça je ne peux pas… Je ne peux pas vous perdre. Ni l’un ni l’autre. » Avoues-tu dans un moment de faiblesse. Un moment de sincérité. Tu ne peux pas vivre sans eux, c’est un fait. Sans tes époux tu n’es rien. Ils sont les deux tiers de ton âme.

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attendez-moi

Graham s’essuya le visage d’un coup de manche, un peu allégé par sa crise de larmes, même si elle n’avait pas fait redescendre toute la nervosité de la soirée. Il s’autorisa un léger rire, même, à la timide réponse de Minuit, la pression retombait peu à peu de ses épaules, il était avec eux et tout le monde allait bien, ou presque ; Graham n’avait aucune blessure physique (à part un bleu à la mâchoire, témoin d’un stupide pétage de plomb), mais il savait que les souvenirs de la soirée

(de la mort)

allaient rester gravés en lui pendant un bon moment. La douleur s’était inscrite dans sa mémoire, dans sa chair, et il n’avait aucune idée de si la sensation terrible qui l’avait traversé allait disparaître un jour de ses souvenirs. Oh, il l’espérait. Il l’espérait vraiment. Il ne pouvait pas vivre avec ça dans un coin de sa tête. Il ne pouvait pas expliquer ce qu’il avait ressenti ; comment veux-tu expliquer que tu es mort en restant vivant ?
Et il y avait l’autre Étoile… ou son hôte, il ne savait pas bien.
Il n’oublierait jamais son regard, après qu’il lui ait tiré dessus.
Peiné. Même pas en colère.
Comment pourrait-il arrêter de s’en vouloir, pour ce geste absolument inconsidéré ? Pas sûr que ça ne le hante pas jusqu’au restant de ses jours.
Ce lien étrange aux Étoiles et aux mystères de Polaris l’avait changé. Beaucoup changé, manifestement. Plus qu’il n’aimerait se l’avouer, sans doute.
Mais l’heure n’était pas à la remise en question. L’heure n’était pas aux doutes et aux remords et à tout le reste, l’heure était à Fubuki et à Minuit, l’heure était aux retrouvailles, au soulagement qu’il ressentait d’être en vie et de les voir. Il ne supporterait pas de les perdre, et il ne supporterait pas de mourir sans les revoir. Il préférait directement se faire arracher le coeur, tant il lui faisait mal à cette simple idée.

étrange les réflexions qu’on se fait quand tout à coup on a sa vie en danger, hein ?

Il regarda Fubuki et lui adressa une petite moue embêtée.

- J’en ai aucune idée. Je sais pas ce que je suis sensé ressentir, mais…

Il fronça les sourcils, le regard soudain rivé vers le sol.
Il ne savait pas, techniquement, mais au fond de lui il savait. Il savait que ce n’était pas fini, loin de là. Le lien existait toujours, quelque part, il le sentait, il le devinait, c’était devenu un sixième sens, mais… mais où ? Où était ce lien, s’il n’était pas dissous dans l’univers ? Vers qui, vers quoi menait-il ?
Il n’en avait aucune idée, et il n’avait pas envie de savoir.
Mais il devinait qu’il n’avait pas le choix…

- Je pense que c’est loin d’être fini, hanni, ajouta-t-il, fatigué soudain par cette idée.

Il attrapa les mains de Fubuki, une fois de plus, et les serra doucement. Je suis là, maintenant. Il se voulait aussi rassurant que possible. La soirée avait été éprouvante pour tous les trois, autant ne pas en rajouter une couche. Autant ne pas leur dire à quel point il avait eu peur. Pas tout de suite, du moins.

Il voulu ajouter quelque chose, comme quoi elle ne les perdrait pas, pas comme ça, parce que l’univers ne l’autoriserait pas, tout simplement, ce genre de choses qu’aucun d’eux ne croirait mais qui ferait du bien à entendre, ne serait-ce que cette nuit, et il lâcha une main de Fubuki pour essuyer son nez qui coulait (du coin de la manche de sa veste qui était, de toute façon, déjà dégueulasse, même si ce n’était pas le comble du raffinement), quand le fond de sa gorge s’enflamma d’une sensation qu’il reconnaissait sans peine et avait appris à craindre

l ‘ a c i d e

Sa veste grésilla et Graham relâcha Fubuki brusquement, reculant d’un pas, de surprise, par réflexe, je ne dois pas les blesser je ne peux pas les blesser je ne veux pas les blesser
Il regarda la manche trouée, bouche-bée, un peu consterné, et serra les dents, de frustration et de colère.

c’est maintenant que tu agis ? au pire moment ?? pas quand j’ai besoin de toi ??

La sensation se tarit, aussi abruptement qu’elle était apparue, et Graham lâcha un soupir.

- … bon ben, je crois qu’on a confirmation, du coup … ?

✶

Merci

and there was no one left ⁞ FUBUKI