C'est son neveu -sa nièce ?- qui est assis là, une main sur son genou et l'autre sur une tasse de chocolat chaud qui demeure intouchée. Mai Sinistros-Liu n'a jamais été un enfant bavard, mais alors là, c'est pire. Il n'a rien dit, ou presque rien dit, depuis qu'il a frappé à la porte. Et il reste là, prostré, silencieux. Et Minuit reste là, adossé contre l'encadrement de la porte, les bras croisés. Qu'est-ce qu'il est censé dire ? Mai est à des années lumières de Sunny.
Tu sais que tu peux me parler de ce que tu veux, il commence, presque penaud. Peut-être un peu strict. Mais il ne veut pas l'obliger à parler - il n'est pas ses parents, merci bien. Il n'approuve pas leur façon de faire, en même temps... Mai est un joyeux bordel, une ambulance en feu, quelque chose du genre. Il soupire. Fais comme tu le sens, ok ? Je te force à rien. Et puis, tu peux rester autant de temps que tu veux, ici. J'dirai rien à tes parents, si c'est ce que tu crains.
grosse ambiance
01:07 - octant - minuit sinistros
Pfff. C'est tout ce que t'as envie de répondre à Minuit, honnêtement. T'as sonné chez lui, avec la sensation d'avoir nul part ailleurs où aller. Ça te fait mal à avouer, Mai, mais... Tu sais plus où t'en es. Tu sais plus ce que tu veux, et ce que tu vaux. Tu as mal, constamment, partout. Les ténèbres sont un enfer à parcourir, et hors des ténèbres tu étouffes purement et simplement. Ton cœur fait des bonds au moindre bruit, tu as l'impression que tout le monde te veut du mal. Ton cœur n'est plus complet, Mai, et c'est même pas une histoire d'amour. Comment t'en es arrivé là, sérieusement ? Tu ne sais pas. Tu observes la fumée chaude s'échapper de la tasse, tes doigts brûlent contre la porcelaine, mais tu fais ça pour te sentir vivant.
◇ Je peux fumer ?
C'est pas très correct, mais tes mains tremblent si fort qu'on dirait un drogué en manque. C'est un peu le cas, tu sais pas depuis quand tu t'es pas allumé une cigarette, en vrai ? Des semaines maintenant. Ton regard, si fuyant, vient de se braquer dans le sien, l'accrochant comme un naufragé cherche une bouée, et tes lèvres s'entrouvrent.
◇ J'peux avoir un câlin ?
C'est bien la première fois depuis des siècles que tu demandes ça à quelqu'un.
La seconde demande le prend un peu plus au dépourvu, il faut l'avouer. Un câlin, sérieux. Un câlin. Lui, faire un câlin ? Il affiche une moue hébétée. Un câlin quoi. Mais le petit a l'air de tellement en avoir besoin. Si seulement Fubu était là, hein. C'est elle qui fait les meilleurs câlins - surtout aux naufragés comme Mai. Minuit en sait quelque chose. Ouais, pas de soucis, il acquiesce d'une voix étranglée, un sourire absolument nul à chier sur les lèvres. Un peu maladroitement, il approche son neveu et le serre contre lui, pose sa main doucement dans ses cheveux. C'est un peu embarrassant. Mais c'est pour la bonne cause. Il le serre jusqu'à ce que ce soit Mai qui se détache de l'étreinte - les efforts qu'il met dans ce câlin sont incommensurables. Avec Graham, il se serait déjà tortillé dans tous les sens pour s'échapper de l'étreinte en se plaignant.
grosse ambiance
01:07 - octant - minuit sinistros
L'étreinte te fait autant de mal que de bien, et tu manques de le brûler avec ta cigarette. Tu déteste ça. Tu déteste te sentir au piège, tu déteste sentir un autre être humain aussi proche, contre toi, tu déteste sentir sa chaleur et son odeur. Mais. Tu as demandé. Et, clairement, tu en as besoin. Même si tu déteste ça, que ce n'est pas un bon moment, tu as besoin de ça. Pendant de longs jours tu n'as été qu'un étranger pour ton propre corps, ton propre esprit, il fallait que ça cesse. Il fallait que tu te remettes sur pieds. Tu avais pensé à aller voir Eliwen, mais tu ne voulais pas qu'il te voit comme ça. Fray ne répondait à aucun de tes messages, et Prudence non plus. Tu n'avais pas voulu déranger Ofelia - l'instinct que ça ferait plus de mal que de bien, sans doute - et tu avais besoin d'autre chose. De quelqu'un que tu ne connaissais pas assez pour que ce ne soit pas bizarre. Ton oncle était parfait pour ça. C'était un étranger, et un parfait reflet de toi même, à la fois. Tu le voyais dans toute sa façon d'être, finalement. Lorsque tu te détaches, le repousse, un peu, tu ne veux même pas le regarder. Tu as un peu rougis.
◇ Merci.
Mal élevé, peut-être, mais tu sais au moins dire merci. Il faut que tu penses à autre chose que tout ça. Il faut que tu cesses d'être à la dérive.
◇ Il faut que j'arrête de faire n'importe quoi.
Tu n'as pas envie de l'entendre approuver, mais d'un autre côté tu pourrais comprendre. Cependant, ton coeur est si lourd, tu peines à le porter tout seul, comment pourrais-tu espérer faire quelque chose de constructif ? C'est un enfer, cette vie dont tu ne veux rien. Tu as si mal, si mal, si mal... Tu ne sais pas pourquoi la douleur s'éternise comme ça, est-ce que c'est pareil pour les autres ? Est-ce que c'est la faute d'Orion ? Tu ne sais pas.