recommencer.
Cette adresse, tu ne l'avais pas sortie du GPS. Mieux. Tu avais pris le soin de la sauvegarder, de la mettre juste en dessous de celle de l'appartement que tu louais à Polaris, et pourtant, très honnêtement, tu n'avais pas prévu d'y remettre les pieds de sitôt. La dernière fois, tu étais sortie de là tremblante, un peu déboussolée, perdue, pleine de questions et avec une féroce envie de courir loin de cette dernière surtout. Tu n'y avais pas trouvé la moindre trace de ton père, mais tu y avais acquis la désagréable impression que ce dernier était en danger. Probablement pour ça, d'ailleurs, que tu avais fini par décider de te tourner vers un Détective. Tu avais besoin d'aide, Alyth, tout ça avait pris une tournure bien trop étrange à ton goût et franchement, tu n'étais pas mécontente d'être tombée sur Calum …
Lorsque tu l'avais contacté, la première fois, tu t'imaginais presque tomber sur un vieux bonhomme grisonnant un peu trop fan de Sherlock Holmes avec une pipe à la bouche et une odeur de thé accroché à sa veste … autant dire que le soir où tu l'avais rejoins dans ce café pour parler de ton affaire, chacun de tes préjugés et chacune de tes attentes étranges étaient tombés de sacrément haut. Calum était jeune, plus que tu ne l'imaginais du moins, un peu mystérieux sur les bords certes, mais plutôt agréable à regarder, c'est une réflexion que tu t'étais faite, en remontant dans ta voiture, après votre premier entretien. Tu avais déduis de tout ça, peut-être un peu trop rapidement d'ailleurs que tu pourrais lui faire confiance et compter sur lui, c'est d'ailleurs bien pour ça que tu avais accepté de revenir à ce Manoir.
Depuis la dernière fois, l'endroit n'avait pas énormément changé, si ce n'est pas du tout. La voiture garée juste devant, tu avais pris l'audace de t'avancer vers la bâtisse, toute seule. Hors de question d'y entrer, cependant, mais ça ne t'empêche pas de longer la façade jusqu'à l'une des grandes fenêtres pour te mettre à lorgner à l'intérieur, comme si tu t'attendais à y voir quelqu'un prendre le thé dans le grand salon …
Tu avais travaillé sur son affaire plus que tu ne l’avais prévu. Commençant à gratter, effleurer peut-être plutôt, toutes les pistes que la jeune femme t’avait offert autour d’un café, tu avais fini par t’arrêter au milieu de ton salon. Pendant de très longs instants, tu t’étais rendu compte que tu avais plus pensé, ce jour-là, à elle, à son histoire et à son père disparu qu’à ta sœur. Ça t’avait mis dans une colère monstre, te faisant renverser tout ce qui était passé sous ta main. Et puis, quand tu étais tombé au sol, en te vidant de tes larmes pour évacuer la pression, tu avais simplement pensé à Moyra. Tout semblait lier… tu en avais… le pressentiment !
Les jours suivants t’avaient probablement mis dans un état de nerfs que tu n’avais pas tout à fait prévu, c’est vrai. Pourtant, tu t’étais secoué, tu avais continué à saluer la voisine qui te rendait marteau, tu avais fouiné du côté de l’école, rencontrant une jeune femme qui t’avait parlé de la démission de l’homme que tu avais cherché. Et puis tu étais allé du côté de la police avant de devoir repartir en grondant, parce qu’on t’avait sorti illico de l’endroit. Ta tête y était connue, maintenant.
C’était pour cela que tu avais finalement recontacté Alyth, plus rapidement que tu ne l’avais songé, pour tenter la piste du manoir. Comme quand vous aviez discuté ensemble, elle avait accepté de venir et tu avais fixé le rendez-vous dans l’après-midi, puis après des hésitations, tu avais passé une arme à feu à ta ceinture. Tu ne t’en servirais pas, mais tu ne voulais pas prendre de risques… surtout pour tenir ta parole, en fait.
« Bonjour. »
La voiture garée plus haut sur le chemin qui allait vers le Manoir, tu arrives à grands-pas vers elle. Habillé d’un long manteau sombre, qui cache parfaitement l’arme dans ton dos, tu accroches ce sourire qui n’est pas aussi atroce à sortir que pour ta voisine, et te voilà à aller vers elle, en tendant la main.
« Comment allez-vous ? Tes yeux l’observent, sérieux et protecteurs. Toujours partante pour qu’on fouille un peu dedans ? Si vous vous en sentez capable, on tentera un petit exercice pour faire travailler vos souvenirs aussi. »
Déjà dans le bain, déjà sérieux. C’est comme si tu étais un robot. Et pour une fois, tu t’en rends compte, en rougissant un peu, avant de passer une main dans tes cheveux, très naturellement.
« Excusez-moi, je manque un peu de naturel. Encore ce sourire à moitié cassé, en coin. J’espère que vous avez pu découvrir un peu Polaris, ces derniers jours. C’est si maladroit, et si franc, aussi. »
recommencer.
Tu sursautes, lorsque sa voix te parvient brusquement tandis que tu observes toujours l'intérieur de la grande bâtisse. Visiblement, tu étais si concentrée, focalisée, que tu n'as même pas entendu sa voiture approcher, ou se garer. Tu es plus tendue que tu ne l'imaginais, aussi, il subsiste en toi plus de crainte que tu ne l'aurais cru, cet endroit te donne la chair de poule et très honnêtement, tu n'es pas ravie à l'idée d'y remettre les pieds.
Tes yeux le quittent un instant, cherchant sa voiture, regardant aux alentours pour vérifier que vous êtes bien seuls, et puis, tu reviens à lui, avec un sourire une nouvelle fois rassurant. Ta main vient se poser de façon rapide et furtive sur son épaule, un geste d'encouragement.
En tout cas, c'est du pied que tu pousses la lourde porte. Elle s'ouvre sans mal, en grinçant et le bruit résonne dans toute le manoir, te faisant grimacer un peu.
Tu vois clairement qu’elle a été surprise, oui, mais aussi qu’elle est nerveuse. C’est ce qui marque le plus ton esprit à l’instant où elle se retourne, et tu lui trouves quelque chose de courageux… ou de fou, tu ne sais pas. Elle est si jeune et si frêle, elle paraît si éloignée des noirceurs que tu distingues dans cette ville… Et si tu n’abandonneras pas ta quête, pendant un instant, tu ressens cet élan de vouloir… la protéger sûrement.
« Je peux comprendre. Tes yeux glissent sur la maison, en ruine, et tu finis par les ramener à la jeune femme. J’ai fait confiance à mon GPS, alors ça a été. Ceci dit, je ne m’attendais pas à un tel lieu si près de la capitale. C’est… Tes yeux reviennent à la bâtisse. Hors du temps. »
Tu finis par avancer vers elle, et quand elle excuse si facilement ton manque d’humanité, ça te touche plus que si elle t’avait serré dans tes bras. Tu tressailles, Calum, en lui laissant apercevoir combien tu es perdu, malgré cette fausse sévérité. Tes yeux s’accrochent aux siens. Tu ouvres la bouche, la refermes et puis tu proposes, sans réfléchir.
« Il faut parfois prendre le temps de souffler, ou vous ne tiendrez pas sur la longueur. Si vous voulez, je pourrai vous montrer quelques endroits agréables, le jour où vous aurez besoin d’alléger votre esprit. »
Et puis en te rendant compte de ce que tu proposes, tu t’échappes, tu passes la porte pour avancer dans les ombres du bâtiment qui provient d’un autre temps. Un instant, tu fouilles dans ta poche pour sortir une lampe torche, puissante, et tu balaies les murs sans te précipiter.
« Vous pourriez retrouver le chemin de l’endroit où vous avez vu cet homme ? Je reste devant vous, mais dîtes moi par où aller. Tu te retournes et un sourire, confiant, lui est offert. Nous allons avancer lentement, je ne veux pas prendre de risques inutiles. »
recommencer.
Tu dois être forte. C'est une chose que tu répètes en boucle dans ta tête depuis … tout ça. Tu voulais y aller doucement, au départ, tu avais prévu d'arriver, de prendre tes remarques, de faire un peu de repérage, tu te disais que tu n'allais probablement même pas oser approcher Andromède immédiatement et puis … et puis rien. Dès les premiers jours à Polaris, tu étais déjà assise dans le bureau d'un Policier en train de répondre à des questions, des questions auxquelles, pour la plupart, tu n'avais même pas de réponses. Honnêtement, ça ne s'était pas amélioré depuis, c'était même de pire en pire, de jour en jour.
Pourtant, Alyth, tu pénètres dans cette maison, un nouveau frisson parcourt ton dos, le plancher craque de façon bien sinistre sous tes pieds.
Tu souffles, comme si c'était une épreuve de raconter tout ça, tu fais fonctionner ta mémoire à plein régime pour ne rien oublier, et puis, tu avances dans le salon. Le plancher continue de se faire entendre. Tu observes l'immense pièce, à la recherche d'indices, de traces de passage. Tout est poussiéreux, et une partie des meubles qui se trouvent ici sont cachés sous des draps blancs, immenses.
Tu ne sais pas ce que tu penses de son accord pour que tu lui offres un moment hors de toute cette histoire. Peut-être que ça te fait plaisir. Sûrement que la peur qui coule au fond de toi est censée. Probablement que tu parviendras à te décider à un autre moment. À cette pensée, tu détournes la tête, pour simplement l’écouter te raconter ce qu’il s’est passé.
« Un point rouge ? Tu lui demandes, en fronçant les sourcils, pas certain de comprendre. Un point rouge comme… une lumière ? Ou quelque chose de plus… Tu t’arrêtes, ta bouche se tord sur une moue gênée. Ésotérique ? »
Tu n’as pas oublié cette histoire d’étoiles et de cercles et force est de constater que tu n’as aucun argument véritablement établi pour contrecarrer cette histoire. Tout ce que ta sœur a laissé derrière elle c’est ce mot, et là aussi tu n’as rien. En fait, à bien y réfléchir, c’est comme si tout, ici, baignait dans quelque chose de surnaturel et d’incompréhensible.
« Bon, il n’y a plus de traces de pas, dommage. Tu regardes le sol là où l’homme aurait pu laisser sa taille et marque de chaussure. Je propose de commencer par l’étage, comme ça si ça vous rappelle des choses, vous pourrez me le dire. »
Tu as surtout besoin de t’assurer que l’endroit est sécurisé, que tu ne vas pas l’entraîner vers quelque chose de plus grave. Continuant de rendre les détails du lieu plus visible avec ta lampe, tu te diriges vers l’escalier et grimpe les marches lentement, en pesant ton poids dessus pour t’assurer que ça tiendra le coup.
« Je vous propose de chercher tout ce que nous pourrions trouver en objet qui semble avoir été abandonné/oublié, ainsi que la paperasse encore lisible. Tu te tournes vers elle avec un sourire. D’accord ? »
recommencer.
L'endroit est calme, silencieux, comme la dernière fois. Il n'y a que le bois qui travaille, et qui craque sous votre poids. Parfois, tu as l'impression d'entendre le vent d'automne qui s'infiltre à travers les espaces créés aux fenêtres par le temps. Tu ne saurais dire si c'est rassurant, ou au contraire, si c'est plutôt effrayant, à vrai dire, tu préfères éviter de penser à ce genre de chose.
Tu reviens après de Calum, dans l'entrée, près des escaliers qui se trouvent tout au fond, dans la pénombre. Tu l'écoutes, un instant, avant de hocher la tête pour accepter de suivre son "plan".
Une arme à feu. Ça tombe au fond de ton estomac comme une brique glacée. Pendant un instant, un très court instant, Calum, tu te dis qu’il ne faut pas venir ici. C’est un instinct de survie, bien entendu, mais le fait de le penser fait monter une très forte bouffée de colère en toi, après toi-même. Tu n’as pas le droit d’abandonner, Quel que soit le risque ! TU DOIS LE FAIRE !
C’est ce mugissement d’ours en colère qui finit par te faire détourner la tête de la jeune femme, sans répondre, comme si tu n’avais pas entendu la réponse. Tu t’avances vers l’escalier et après son accord, tu montes. Et heureusement que vous trouvez aussi vite cette pièce, parce que ça t’empêche de penser à la haine qui est monté en toi.
« En effet. Je regarde cela, attendez-moi. »
La vérité, Calum, c’est que tu ne la vois même pas s’éloigner. Tu es bien trop curieux pour l’observer, la garder sous ta protection que tu te l’es pourtant promis. Tu avances dans le bureau, et tu viens tout de suite attraper un paquet de feuilles… Elles sont illisibles, détrempées, tâchées. Bien vite, tu comprends que la majorité de ce qu’il y a ici ne servira à rien. Tu trouves juste quelques pièces qui sont encore en partie déchiffrables et sans hésiter, tu les mets dans une pochette du sac en bandoulière que tu portes.
C’est en voulant parler à Alyth que tu découvres qu’elle a disparu. Le cœur battant, te voilà à quitter la pièce pour voir une autre pièce ouverte, la jolie brune à l’intérieur. Tu t’approches sans un bruit, en gardant la lumière à tes pieds et tu souffles, dans son dos :
« Cette pièce vous évoque quelque chose ? Tu oublies qu’elle risque d’avoir peur de te voir débarquer comme ça. Vous y étiez entrer la dernière fois ? »
recommencer.
Et dire que tu étais censée être prudente, le suivre, rester derrière … Vous sembliez d'accord, sur le fait que l'endroit n'est pas sûr, cependant, tu n'as visiblement pas assez de patience pour simplement l'observer fouiller dans la vieille paperasse du bureau. La chambre est familière, en y repensant, tu es même pratiquement certaine que c'est toi qui a laissé cette porte grande ouverte en repartant, la dernière fois. Au départ, tu restes à l'entrée, tu jettes un œil derrière toi, pour voir si Calum en a terminé et ne le voyant toujours pas sortir, tu finis par entrer. Le volet ici est à demi ouvert, tu as donc un peu de lumière pour regarder autour de toi. Le lit est froissé, la poussière, à certains endroits, ne semble pas si ancienne. Il y a des traces de pas, sur le plancher, impossible à identifier, tant elles sont mélangées, mais on voit que des gens sont venus par ici, il n'y a pas si longtemps. Sur le secrétaire de bois, il y a un stylo et une espèce de vieux carnet, un bouquet de fleurs complètement séchées, pratiquement complètement décomposées sur la table de chevet … Tu soupires.
Et une nouvelle fois, la voix de Calum te surprend. Cette fois, tu ne fais pas que sursauter, non, tu échappes littéralement un hurlement de terreur et tu te retournes, à la vitesse de la lumière pour juste … venir empoigner sa chemise, des deux mains, en lui lançant un regard empli de terreur et de folie. Il faut quelques secondes, visiblement, à ton cerveau pour comprendre les choses.
Tu ne penses pas à mal, c’est quelque chose de certains, mais parfois, Calum, tu ne réfléchis pas assez aux autres. Ou plutôt, tu ne le fais plus assez. Il y a quelques mois, tu aurais prévenu de ta présence, tu aurais fait attention à elle, mais c’est comme si ta vie à Polaris te déconstruisait totalement. Et franchement, quand tu la vois se retourner en hurlant, tu comprends que tu t’es drôlement trompé. Parce qu’elle a l’air faible, et qu’elle semble jeune. Pourtant, elle empoigne ton vêtement si fort que tu restes immobilisé. Elle a une bonne poigne, un instinct de survie présent. Discutable, peut-être, mais bien présent.
Tu ne dis rien. Tu la laisses extérioriser, ignores sa question et quand elle relâche enfin ta chemise, tu comprends que le gros de la panique est passée. Elle se reprend, et enfin, toi, tu acceptes de bouger. Lentement, pour ne pas la surprendre à nouveau, tu viens poser une main sur son épaule, et tu espères que tes doigts chauds parviennent à la contaminer un peu.
« Excusez-moi, je n’ai pas réfléchi à ce que je faisais. Ton visage est calme, bien que ce demi-sourire revienne s’y poser. Vous n’êtes pas seule, vous pouvez vous reposer sur moi si vous avez peur, sachez-le. »
Rien de plus, tu relâches son épaule et la dépassant, tu t’avances un peu dans la pièce pour observer autour de toi. Cette pièce possède une ambiance particulière. Pas vraiment glauque, tu as surtout la sensation d’avoir un poids sur toi, comme s’il y avait eu beaucoup de vie. Sortant un petit appareil photo, tu prends les traces de pas en photo, et enfin tu reviens vers elle.
« J’ai trouvé quelques feuilles que j’étudierai plus tard. Des détails vous reviennent en tête ? Tu es sérieux, pragmatique presque. Voulez-vous que l’on ressorte ? »
recommencer.
Tu souffles, et tu tentes de dompter ta respiration, de te reprendre. Quelle image est-ce que tu offres, hein ? Celle d'une gamine à cran qui ne parvient pas à dominer ses peurs et ses appréhensions. Ce n'est pas ce que tu veux, Alyth, ça, c'est l'image que ta mère a voulu donner de toi, l'image d'une fille banale et faible qui n'a rien pour briller. Tu supposes qu'elle jugeait que, si tu étais banale, rien ne pourrait t'arriver de mal. En tout cas, tu acceptes cette main sur ton épaule qui t'aide sûrement à t'ancrer comme il faut dans la réalité, à reprendre pied.
Tu vois sa peur, tu sens que tout cela est une épreuve pour elle, et pourtant tu ne dis rien de plus. Tu pourrais peut-être lui offrir la vérité, comme quoi toi aussi, tu n’aimes pas les ondes du manoir. Tu pourrais lui rappeler qu’elle n’est pas seule. Mais tu ne fais rien, parce que pendant quelques minutes, tu te rends compte que tu ne sais plus comment faire.
« Continuons, alors. Plus vite on s’y remet, plus vite on aura fini. »
Ce n’est pas toi. Tes parents, ta sœur, personne ne te reconnaitrait, mais dans le fond, tu sais que c’est ce que tu es devenu. Comme un automate, tu photographie ce qui pourrait te servir, avant de recevoir son avis sur la pièce sans broncher. Oui, angoissant, oppressant, tu comprends. Et tu vois, c’est de la voir faire demi-tour si vite que tu comprends que tu ne peux pas la laisser comme ça. Alors ouais, tu t’empresses de la suivre et quand elle en vient à questionner l’utilité de cet endroit, tu agis, enfin.
« Alyth. Ta voix est douce, alors que tu prononces son prénom, ramenant son attention à toi. On ne vient pas ici pour le trouver entre ces murs, mais pour avoir une idée de qui aurait pu le voir, de l’état de son esprit quand il y était. Tu étires tes lèvres sur la droite, avant de glisser une main sur son épaule. Si c’est trop dur, laissez-moi vous raccompagner à votre voiture, je fouillerai le reste moi-même. Tu es sincère, sans jugement. En fait, tu renoues juste avec toi-même : dévoué et protecteur. Je suis vraiment désolée de vous imposer ça. »
C’est vrai. Au fond de toi, tu aimerais pouvoir changer les choses, mais il n’y a pas de bonne solution, tu le sais. Alors tu la relâches, tu t’éloignes d’un pas, et tu l’observes. L’étage ne donne rien, il va falloir plonger dans les entrailles de la maison en ruine. Tu sais que c’est trop pour elle, mais tu te doutes qu’elle veut sincèrement retrouver son père alors oauis, tu tends la main, paume ouverte, doigts tendus vers elle.
« Vous voulez continuer ? Lui demandes-tu, prêt à lui tenir la main si cela lui donne un peu de forces. »
recommencer.
Tu as l'air d'une enfant effrayée, et le pire c'est que tu le sais, que tu en as parfaitement conscience, tu n'as jamais aimé être seule, tu as toujours craint la solitude et c'est étrange en un sens, hein, parce que finalement tu n'as jamais été très entourée. Tes craintes de la nuit ? Maman appelait ça des caprices. La vérité, c'est qu'après le départ de ton père, ces peurs d'enfants sont devenues monnaie courante mais évidemment, elle n'a jamais voulu l'entendre, ou le comprendre, persuadé sans doute qu'elle avait fait le meilleur choix du monde en s'éloignant d'Andromède. Tu as toujours eu besoin de t'accrocher à quelqu'un, tu as rarement eu quelqu'un à disposition pour le faire … ta mère n'était pas fondamentalement une mauvaise mère, il t'as fallu de longues réflexions solitaires pour en arriver à cette conclusion, elle n'est finalement qu'une femme brisée et perdue qui n'a jamais su s'accrocher à rien. Elle pensait faire ce qu'il fallait, pour elle, pour toi, peut-être a-t-elle tout simplement fait trop d'erreurs te concernant …
En tout cas, Alyth, en t'éloignant d'elle, en venant à Polaris, tu as découvert cette volonté de t'éloigner de cette image qu'elle avait fabriqué pour toi, tu as des tonnes de défauts qu'elle a cherché à cacher au reste du monde, des qualités qu'elle a essayé de transformer en d'autres, aujourd'hui, c'est comme si tu découvrais qui tu es vraiment au fil des jours, parfois, tu te déçoit, parfois, tu te fais peur aussi et puis, à d'autres moments, un peu plus rarement cependant, tu te surprends, en bien. Tu as décidé de t'écouter, de cesser d'aller contre tes instincts, tes envies, juste pour voir, alors, certes, le comportement de Calum est un peu rude - un peu comme celui de ta mère, non ? - mais, tu t'adaptes, tu l'écoutes. Il a raison, tu ne peux pas nier ça. Ce que tu veux, c'est retrouver ton père et tu as intégré depuis longtemps que ce ne serait pas simple et même que ce serait dangereux … du coup, tu ne fais que hocher la tête, simplement, sagement, et ta main vient saisir la sienne. Peut-être n'était-elle là que pour t'encourager, cette main tendue, mais toi, tu l'attrapes, tu la sers dans la tienne et tu avances, peu décidée à la relâcher, visiblement. Au moins, tu ne risques plus de t'éloigner comme tu l'as fait, comme ça.
Tu veux l’aider, et si une part de ton esprit chuchote que c’est tant qu’elle te sera utile, ton coeur lui voudrait le faire sans contrepartie. Tu sais pertinemment que cet entre-deux va finir par te faire grand mal. Pourtant, tu ne retires pas ta main de la sienne quand elle finit par venir vers toi et attraper tes doigts dans les siens. C’est bizarre, de la tenir de cette manière-là, pourtant, tu ne fais rien. Incapable de savoir si c’est égoiste ou altruiste…
« Je reste près de vous, alors. Ta voix est un doux souffle qui cherche sincèrement à la rassurer. On termine le tour du propriétaire et partons. Nous verrons s’il faut revenir ici un jour… »
Sous-entendu, probablement, que tu y reviendras seul si tu penses qu’il le faut. Après tout, elle ne pourra rien donner de nouveau en parcourant le vieux manoir, non ? Détournant les yeux d’elle et de ces questionnements qui finiront par te rendre fou, tu finis par passer l’escalier et quand vous abandonnez le rez-de-chaussé pour vous enfoncer dans les entrailles du lieu, même toi tu commences à ressentir une tension étrange. De la crainte ?
« Si vous avez froid, je peux toujours vous prêter ma veste. Tu forces pour ce sourire maladroit, tendu aussi. Je suis résistant au froid ! Et voilà que vous posez le pied dans le sous-sol dont l’air est empli d’odeurs entêtantes et plutôt désagréables. Vous y étiez déjà descendu, la première fois ? »
Tu balaies l’espace de ta lampe torche, sans trembler, mais en ne laissant rien être capable de vous surprendre.
recommencer.
L'étage, c'était une chose. A l'étage, il y a des fenêtres et à ces fenêtres, quelques volets cassés qui laissent encore passer les rayons faiblards du soleil automnal. C'est angoissant, poussiéreux, certes, mais on y voit clair. Le sous-sol, en revanche, c'est une autre paire de manches, la dernière fois, tu as ouvert la porte qui y mène, tu as descendu très exactement quatre marches avant de faire demi-tour et de passer à l'étage.
Cela dit, tu refuses de te montrer réticente une fois de plus, tu te raisonnes en te répétant que si vous êtes ici, c'est parce que c'est toi qui a été chercher Calum, qui l'a payé pour te filer un coup de main. Tu ne peux décemment pas continuer de faire l'enfant … Néanmoins, tu ne te prives pas de cette main offerte, tu la gardes même précieusement entre tes doigts pour descendre, rejoindre le rez-de-chaussée et finalement, t'engager sur le chemin qui vous mène droit dans les entrailles de ce vieux manoir dont tu ignores l'histoire …
Ici, il fait frais. Froid, même. L'odeur d'humidité vient te saisir à la gorge tel un assassin caché dans les ombres et tu sers encore un peu plus la main de Calum, comme pour t'assurer qu'il est toujours là.
Sa réponse ne t’étonne pas vraiment. A vrai dire, il fut une époque où toi même tu n’aurais jamais accepté de mettre un pied dans un endroit pareil. Tu n’étais pas assez courageux ou fou pour te lancer dans une telle idée. Les choses ont visiblement bien changer, puisque, lorsqu’elle tire ta main, tu fais un pas et repousse aussi sèchement tes craintes. Tu avances en serrant ses doigts entre les tiens.
« Je peux comprendre. Cet endroit est parfaitement glaçant. Ta voix est étrangement basse, quoique froide comme si ça ne te faisait rien. Des gens qui ont les moyens d’avoir une tel maison, je dirais. Tu lui lances un sourire en coin, comme pour lui donner un peu de courage. Vous n’avez qu’à penser à ce que vous aimeriez faire en sortir d’ici. »
Pour toi ça fonctionne pas si mal. Concentré sur les notes à rajouter à ton dictaphone ou ton carnet, tu continues de balayer les ombres en avançant dans la première pièce et repérer une porte tout au fond. Tu vas droit vers celle-ci, avant de tendre la main pour l’ouvrir. Ce que tu ne prévois pas, par contre, c’est ce bruit qui se fait entendre derrière. Une respiration paniquée et un grattement puissant. Quelque chose passe entre tes jambes et dans un instinct de protection, tu attires Alyth dans tes bras en la plaquant à un mur avant de reprendre ton souffle et regarder à la lumière de la torche les environs.
« C’était… Tu te retiens de dire un ‘rat’ de peur de la faire paniquer. Un animal qui a dû avoir plus peur que nous. Tes yeux reviennent à elle, alors que tu la relâches, soudainement. Ca va ? T’as clairement l’air gêné. Il y a un couloir après la porte...»
recommencer.
C'est vide. Cette maison est vide et elle l'est depuis un bon moment, maintenant. La première fois, il n'y avait pas grand-chose, c'est un fait, mis à part cet homme étrange qui a bien failli te surprendre, il n'y avait rien à voir, rien à emporter. Aujourd'hui ? C'est encore pire. C'est pire, parce que rien n'a bougé, c'est comme si tu étais réellement la dernière personne à être passée par ici. Si ton père est venu ici, il n'y est pas revenu, il est parti, il se cache ailleurs et tu n'as aucune piste pour savoir où … à moins de retomber sur l'homme de la dernière fois, et de payer cher une autre information bancale.
Tu avances pourtant, et Calum se charge d'ouvrir les portes auxquelles toi tu refuses de toucher. Et pour cause. Alors que l'une d'elle s'ouvre, il y a ces bruits, il y a ce mouvement soudain et tu n'as pas spécialement le temps de comprendre que tu sens les bras du détective se refermer sur toi, il te pousse contre le mur glacé.
Tu jettes un œil à l'intérieur, il y a effectivement un couloir.
C’est un soupir qui t’échappe alors que tu comprends qu’elle ne semble pas aussi fragile que tu pourrais le croire. Il faut dire que tes seules femmes de référence, c’est ta sœur et ta mère, et pour elles, déjà, aller dans ce genre d’endroit n’auraient pas été normal. Du coup, oui, tu surréagis, c’est certain et quand tu le comprends, tu la relâches rapidement.
« Ah oui, c’est possible. J’ai toujours été sur le terrain, du coup, j’ai vu de sacrés trucs, j'imagine. »
Sans le voir, tu parles là de tes années de journalisme d’investigation et pas de ton prétendu titre de détective privé. Quand tu t’en rends compte, tu es déjà remis en marche avec elle et franchement, Calum, tout cela commence à devenir fort pesant. Un instant, tu appliques ton propre conseil à toi-même. C'est-à-dire imaginer ce que tu voudrais faire en sortant. Et l’image qui s’impose et d’offrir un verre à la jeune femme pour s’assurer qu’elle se remette de ses émotions… t’es franchement mal barré.
Et puis, tout à coup, alors que tu passes dans ta tête la liste des bars que tu connais, elle s’exclame et elle disparait en courant. Pourtant, vieux, t’es vif hein, mais là, tu te retrouves à courir comme un idiot, de toutes tes forces. Ton coeur bat la chamade mais au détour de ce labyrinthe, comme elle le disait, tu perds sa silhouette et la panique devient violente.
« ALYTH ? ALYTH OU ES-TU BON SANG ?! Tu tournes sur toi-même, avant de faire le silence pour essayer de l’entendre courrir ou crier. C’est pas possible, putain ! »
Ca fait mal, la panique, hein Calum ?
recommencer.
Visiblement, Alyth, tu n'es pas réellement faite pour bosser en équipe … peut-on réellement te le reprocher ? Tu n'as jamais eu à faire équipe avec qui que ce soit, pour quoi que ce soit. Alors forcément, toi qui visiblement ne sait qu'être portée par tes instincts. Tu ne penses même plus à Calum, c'est triste et égoïste mais c'est comme ça, tu te contentes de partir en avant, tu traces à travers les couloirs, suivant cette ombre qui se déplace et puis, finalement, alors que tu te retrouves dans une impasse, un cul de sac, tu glisses, tu ne sais pas dans quoi tu te prends les pieds mais, tu finis au sol, roulant dans la poussière humide pour finalement te retrouver face à un énorme chat visiblement sacrément en colère qui te gratifie d'un bon coup de griffes. Tu n'épargnes ton visage que grâce à un réflexe qui propulse ton bras à la place. Tu échappes un cri, le chat détale et … tu te sens sacrément idiote. De toute évidence, ce n'était pas ton père, ou alors, il a bien changé.
C'est seulement à ce moment que tu entends la voix de Calum qui appelles ton nom, tu ne te rappelles même plus quel chemin tu as emprunté, en courant, du coup, tu te redresses et tu mets un moment, quelques très longues minutes en fait en écoutant le son de sa voix pour le retrouver. Tu débarques, le regard baissé, du coin d'un couloir en te tenant le bras - parce que ça saigne, la teigne ne t'as pas loupée - et tu soupires.
T’as peur. Mais c’est une drôle de peur, en faite. Comme si tu venais de perdre Moyra pour la deuxième fois, ça te prendre aux tripes et te les tournes dans tous les sens. Vraiment, Calum, ce n’est pas agréable et pendant un instant, tu te dis que tu n’aurais jamais du venir ici avec elle. Même pas accepter son affaire, même si tu es sûr d’y trouver des indices pour ta propre quête. C’est un bête instant où tu te mets à maudire tout et surtout toi, puis tu souffles et t’apprêtes à te remettre à marcher pour la trouver.
« Alyth ! Le soulagement doit clairement s’entendre dans ta voix, alors que sa voix te fait braquer la lumière sur elle. Il t’a griffé ou tu es tombé ? Tu t’approches, sans même voir que tu la tutoies, sans y penser. Je suis désolé, je n’ai pas eu le temps de t’arrêter… »
En même temps, si tu avais cru y voir ta soeur, n’aurais-tu tout bonnement pas fait la même chose ? Si, tu le sais, tu en est absolument sur aussi… Te voilà donc à soupirer, profondément, alors que tu attrapes sont bras blessé pour l’observer sans faire mal et à sa question, tu hoches la tête. Toi aussi, tu en as marre…
« Allons-y. Je dois avoir un kit de soin dans le coffre de ma voiture, on va s’occuper de ça. »
Et si tu fais demi-tour, pour éclairer le chemin vers l’extéireur, que tu te mets à marcher devant elle, pour ouvrir le chemin, tu finis par ralentir le rythme. Au final, tu te cales à côté d’elle, alors que vous remontez au rez-de-chaussé, et tu bouges, enfin, vers elle.
« On le retrouvera, je te le promets. Tu souffles, en bougeant la main pour venir frotter doucement son dos, entre ses omoplates. Ne perds pas espoir. »