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pourtant, ce mercredi, et comme tous les mercredis à la même heure, daria se tient sur le même banc, dans le même parc. elle attend.
danaé va venir, s'asseoir, peut-être parler.
daria répondra sans la regarder
(par respect, bien sûr – danaé lui a bien fait comprendre qu'elle n'était pas un joyau que daria pourrait posséder),
peut-être même qu'elle la fera rire (oh, son rire, rivière d'or et de diamants ! quel fabuleux trésor !)
qui sait ? qui pourrait prédire des humeurs de la Dame, comme daria aime à l'appeler, entre Reine de cœur et Fille de joie aux bonnes manières ?
si elles parlent, elles parleront de tout et surtout de rien.
et puis, la Dame repartira,
et elles se reverront
la semaine suivante.
alors, daria attend.
elle essaie de ne penser à rien, mais ça n'est pas simple (il y a tant à penser !) : est-ce-que l'autre abruti a bien pris contact avec le fournisseur, non, pas l'habituel, celui d'il y a quatre ans, crétin, il m'en doit bien une, avec la merde qu'il m'a refourguée à l'époque, et est-ce-que le gugusse du ministère m'a rappelée, ou pas encore, il avait dit ça ne tardera pas, mon œil !
enfin,
on s'assied à côté d'elle,
à sa gauche,
dans l'angle (de son oeil) mort.
comme prévu, daria ne détourne pas la tête. elle suppose, imagine, rêve, que c'est bien danaé à ses côtés.
il y a un sourire dans sa voix.
* Je me suis amusée à flâner ce matin. Je n'ai pas vu l'heure.
Une seconde taffe pensive et distraite sur sa cigarette, qu'elle tend à Daria comme pour lui proposer. Gentille femme qu'elle est. Un sourire sur les lèvres rouges. Ses talons hauts crissent contre les graviers.
* Mais je m'en veux de t'avoir fait patienter.
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alors, impuissante, elle blague, arbore un sourire en coin, ronronnerait presque (fauve dompté).
on lui tend une cigarette, ou plutôt, on lui ordonne une cigarette.
pourtant daria la prend, du bout des doigts, avec toute la finesse qu'elle n'a pas, -tout faire pour ne pas offenser la Dame, tout faire pour ne pas la toucher, sacro-sainte idole- , et l'amène à ses lèvres (sans oser rêver baiser les siennes).
la fumée acre entre dans sa bouche, sa gorge, ses poumons ; elle souffle, fait la moue. décidément, elle n'est pas convaincue par la nicotine.
elle tend la cigarette en retour, puis s'enfonce au fond du banc, le dos courbé et les jambes étendues jusqu'au beau milieu du chemin. tant pis pour les passants, ils n'ont qu'à aller se faire...
le regard toujours fixé droit devant, posé sur le parc, bien tranquille à cette heure, on pourrait croire qu'elle est prête à sommeiller. pourtant, elle est d'autant plus sur ses gardes depuis que danaé l'a rejointe.
elle soupire, pense à ses fans envahissants à elle : le ministère de la défense astérienne. des crétins dans des bureaux, qui n'avaient jamais vu d'autre rouge que celui de leurs cravates en soie, jamais vu d'autre fumée que celle qui s'élève de la ville endormie que l'on aperçoit depuis les gratte-ciels. bande d'incapables.
elle balance la tête en arrière.
* Non, je m'en sors honorablement bien ces jours-ci. Quoi qu'en témoigne son déguisement à chaque fois qu'elle sort. Lunettes noires et foulard beige aux motifs délicats brodés ici et là, camouflant avec adresse les cheveux de soie blanche. C'est son go-to-look, ces jours-ci, ou alors c'est comme ça qu'elle l'appelle. Mais je sais où te trouver, oui.
Il y a un silence, pendant lequel elle tourne la tête vers Daria, assez longtemps pour la persuader de venir la regarder à son tour - une autorisation silencieuse.
* Et si je n'ai aucun problème ? Est-ce que je pourrais venir à toi ?