Les absences vont et viennent, ces derniers temps. La solitude tape contre tes tempes comme l'alcool englouti ces dernières heures. Trois verres, à moins que ce soit sept ? Tu ne sais pas, tu n'as pas compté, tu marchais encore droit lorsque tu es parti, ce n'est pas si grave. Ton téléphone vibre dans ta poche et tu décide de l'ignorer. Tes yeux se posent sur le parc, désert à cette heure avancée de la soirée, un lundi soir... un lundi nuit, un mardi matin, allez savoir. Mais tu décide de l'ignorer. La tête te tourne et tes doigts te font mal. Quelque chose a changé, quelque chose à changé, tu le sais. Tu n'es pas inquiet, pas vraiment, tu n'as jamais su l'être en vérité.
Un coup d'œil à ton téléphone, tu fronces les sourcils. Vingt-deux notifications, et tu n'as pas le courage de les lire, on verra plus tard.
Pourquoi les oiseaux chantent-ils encore, dans les grands boulevards aux lumières aveuglantes ? Tu as besoin de t'asseoir un moment. Contre le capot d'une voiture là, c'est bien.
Soudainement, un homme est debout vers toi, les mains derrière le dos. Il observe les arbres érigés artificiellement pour décorer les rues, où les oiseaux piaillent, déboussolés. Quand il baisse les yeux sur toi, il te sourit, aimable.
* Et vous ? Vous chantez encore, à une heure pareille ?
L'homme qui te parle a l'air malheureux. Tu le sais sans le savoir. Tu l'observe un long moment, sans répondre. Il n'a sans doute pas besoin de réponses, d'ailleurs, juste tes yeux près des siens, puis tu les reposes sur les arbres dépouillés avant de sourire.
Le chant du cygne, peut-être ? Tu ne réalises pas le ton que tu emploies, ni que tu t'es redressé, tu chancelles, te rattrape malgré toi à un lampadaire, et non avant qu'on me demande il ne clignote pas.
Tu n'es plus certain de parler de l'appartement, ou de quoi que ce soit d'aussi concret. Soupir faible, vibration dans ta poche, tu souris à l'inconnu.
Ou l'inverse, tu ne sais plus.
* Je crois que c'est moi qui vais vous raccompagner.
Il n'a pas répondu à ta première question. Sans le comprendre, tu perçois à peine la bête qui hurle en lui, un hurlement triste et désespéré, comme un animal piégé dans une cage qui dépérit.
Le silence qui s'installe entre vous n'est pas vraiment confortable, ou agréable. Tu ne saurais le qualifier et ta tête est aux prises de la noyade, tu n'as pas le loisir d'y réfléchir. Il fait quelques pas pour t'accompagner, pour te lancer dans le mouvement, alors tu te mets à marcher, tu ne sais plus si c'est la bonne direction, mais malgré de nombreuses absences, tu as toujours trouvé la route de chez toi.
C'est un peu brut, et tu sais pourtant que tout le monde meurt, il pourrait te retourner la question. Mais ton coeur se serre sans que tu ne comprenne vraiment pourquoi. Tu ne le connais pas, il n'est qu'un étranger dans ta vie, comme tu es un étranger dans la sienne. Et pourtant. L'idée que ce visage puis disparaître et ne jamais revenir t'arrache une vague de malaise. Qui s'écrase contre les rochers. Le brouhaha est constant dans ton esprit.
Tais toi Ismène, tu ne sais pas ce que tu dis.
* ... Rentrons, il te propose avec un sourire fatigué, après un long silence.
terminé de mon côté.