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miroir d'eau ((fubuki))
— Bonjour Docteur.Docile, tu hoches la tête en rentrant dans son cabinet.
Tu n'aimes pas venir à l'hôpital. Il y fait froid, tout y est figé dans une atmosphère délétère. Tu n'aimes pas parcourir ces couloirs qui sentent la mort aseptisée, c'est une odeur qui prend à la gorge, qui te donne des maux de tête. Tu les traverses toujours en apnée, les yeux fermés, comptant les pas. Puis il y a le cabinet. La porte est blanche, comme toutes les autres, mais la traverser te fai voyager dans un tout autre monde.
De toutes les chambres et pièces que tu as pu visiter de l'hôpital, le cabinet de Madame Ota-Ikeda est l'un, pour ne pas dire le plus doux. Il y a tout un tas d'objets ici, de tableaux et de livres. Alors machinalement, tu t'installes à ta place habituelle, sur l'un des sièges confortables mis à la disposition des patients. Tu sembles calme, mains dans ton sac, sur cette vieille peluche porte clé toute sale.
De quoi allez vous parler aujourd'hui ?
Re: miroir d'eau ((fubuki))
miroir d'eau
« Bonjour Selkie. Entrez je vous en prie, installez-vous. »
Tu sais que tu n’as même plus besoin de ces formalités. Elle vient depuis assez longtemps pour savoir qu’elle peut entrer. Qu’elle peut s’installer. Elle peut s’asseoir où elle le désire. Sur l’une des chaises en face de ton bureau. Sur le canapé un peu plus loin. Ou bien le fauteuil adjacent. Et même si elle ne veut pas s’asseoir. Qu’elle veut juste vagabonder dans le cabinet, c’est possible aussi. Mais non. Selkie est de ces personnes qui ont une place bien précise et qui ne changent pas.
Ton carnet et un stylo entre les mains, tu la rejoins sur le siège d’à côté. Jambes croisées. Cahier ouvert sur une page vierge. Oh le papier. L’envie d’en faire des origamis de toutes formes. De toutes tailles. Ce n’est pas l’endroit. Pas le moment non plus. Mais ça te démange. Comme une sensation d’inconfort dans la paume de tes mains. Tu ne dois pas te laisser distraire. C’est tentant. C’est facile. Mais il y a une personne qui a besoin de toi dans ce cabinet. Quelqu’un que tu ne peux pas te permettre d’ignorer. Que tu ne veux pas ignorer non plus. Alors tu pares tes lèvres ton plus beau, plus doux, sourire.
« Est-ce que vous vous souvenez d’où nous nous étions arrêtées la dernière fois ? »
Tu ne sais pas si elle se souvient de quoi que ce soit en réalité. Mais tu jauges. Et tu t’adapteras en conséquence. Tu t’adaptes toujours.
Re: miroir d'eau ((fubuki))
— La dernière fois ?Tu as ce sentiment que rien n'allait la dernière fois. Que les mots avaient eu du mal à sortir, que ta langue s'était faite de plomb. Tu déglutis difficilement, écrasant la petite peluche dans le creux de tes mains.
On a essayé de parler de moi. De mon moi d'avant.
Et le néant fut.
Le chant de la mer, ton cœur qui se serre et ton envie de partir, de les retrouver.
Tu n'aimes pas venir ici.
Tu redresses les yeux, captes ceux de la psychologue et ils te rassurent, autant qu'ils te mettent mal à l'aise, avec leur éclat doré. Deux perles luminescentes qui ont tout l'air de se faire chasseresse. Ils semblent traquer tes moindres faits et gestes, s'en délectant avec appétit.
Es tu une proie facile ?
Tu ne penses pas.
Mais après un silence, ne voulant plus parler de toi, tu lances avec une forme de rancune la première chose qui te vient à l'esprit.
Vos yeux, ils ont la même couleur que ceux de Kees.
Re: miroir d'eau ((fubuki))
miroir d'eau
Hochement de tête quand ta patiente te répond. Et l’encre qui noircit le papier de mots et d’observations. D’acronymes et d'abréviations. Tu vois Selkie depuis un moment maintenant. Pourtant, elle n’en reste pas moins une énigme. Une serrure dont tu cherches encore la clef. Toutes les séances ne sont pas simples. Aucune ne l’est vraiment. C’est pour ça que tu es là. Pour l’aider. Égoïstement, pour t’aider aussi. Surtout pour t’aider en fait. Penser aux problèmes des autres pour ne plus avoir à te focaliser sur tes propres démons.
Vos regards se croisent, s’accrochent. Elle ne parle pas. Toi non plus. Le silence s’est installé entre vous. Comme un mur qui vous sépare. Tu tiens à lui laisser l’espace qu’elle veut, le temps qu’elle veut. Tu pourrais lui poser un milliard de questions. Tu pourrais rejeter le calme. Rompre le blanc. Mais non. Ce n’est pas utile. Et ce n’est pas comme ça que tu travailles. Puis, elle ouvre la bouche à nouveau. Ses paroles te prennent de court. Elle connaît Kees ? Sait-elle que tu le connais aussi ? Ou bien n’est-ce que le fruit du hasard ? Sourire qui ne quitte pas tes lèvres pour te donner contenance.
« Qui est Kees ? Un de vos amis ? » Demandes-tu d’un ton peut-être un peu faussement naïf.
Ce n’est probablement rien d’autre qu’une coïncidence. Kees n’est pas un prénom commun par ici. Du moins pas que tu saches. Elle parle peut-être d’un autre homme. Non, sans doute pas. Elle a raison, les couleurs de vos yeux se ressemblent. La situation te met soudainement mal à l’aise. Mais de l’extérieure, tu restes stoïque.
Re: miroir d'eau ((fubuki))
Un ami ? Non. C'est autre chose. Ce n'est ni bon ni mauvais. C'est une chose sans nom. Mais si tu devais vraiment y mettre des mots, alors Kees ne serait rien de plus qu'une bouteille remplie d'eau pure. Il serait tout un océan à lui tout seul. Un océan que tu as essayé de rejoindre sans y parvenir. Tu as pourtant tenté de l'aider, de le libérer, de lui faire comprendre les choses autrement.Mais elle est intervenue.
Tu soutiens le regard du Docteur, n'y trouvant qu'un rappel de la peur du garçon. Puis c'est une ombre à la fenêtre qui t'interpelle. Les yeux fixés sur cette tache sombre (que tu sembles êtres la seule à voir), c'est d'une voix calme que tu parviens à déglutir.
On s'est rencontrés sur la plage artificielle. Il n'allait pas bien, mais ses yeux m'ont marqué.
L'ombre s'évanouit au milieu de la fenêtre et tu réajustes ta position dans ton fauteuil. Elle reviendra. Elle revient toujours.
J'ai essayé de l'aider. Vous pensez que j'ai bien fais ?
Mots d'une sincérité déconcertante.
Re: miroir d'eau ((fubuki))
miroir d'eau
Elle fixe la fenêtre et tu ne sais pas pourquoi. Tu tournes la tête pour voir ce qu’elle voit. Mais il n’y a rien. Rien que l’extérieur barbant de l’hôpital. Des passants. Des voitures. Alors tu imagines qu’elle est simplement perdue dans ses pensées.
« La plage artificielle ? Il y a beaucoup d’eau là-bas. C’est un endroit où vous vous sentez à l’aise ? »
Selkie est obsédée par l’eau et tu ne sais pas vraiment pourquoi. Et maintenant que tu y penses, ce n’est plus si étonnant qu’elle connaisse Kees quand l’on sait de quel pouvoir il a hérité. Tu songes un instant à en parler directement avec le principal intéressé. Mais tu ne peux pas. Ce serait rompre le secret professionnel et tu tiens bien trop à ton métier pour cela. Tes mains se joignent sur ton genou.
« C’est une question délicate, Selkie. » Réponds-tu doucement. « Et ce n’est pas à moi de décider si oui ou non vous avez bien fait. Je ne connais pas ce garçon ni ses problèmes. Je ne sais pas non plus ce que vous avez fait pour l’aider. Ceci étant dit, l’intention, l’acte en lui-même par d’un bon sentiment. Vous êtes-vous sentie mieux après avoir essayé de lui venir en aide ? »
Une part de toi s’inquiète pour lui. Il sait que s’il va mal, il peut venir te voir non ? Toi, ou Cursa, ou n’importe lequel d’entre vous. En vérité, vous n’êtes pas si proches. En vérité, vous n’êtes globalement que des inconnus. Des inconnus forcés à vivre dans cette apocalypse stellaire. C’est logique qu’il ne vienne pas te voir. Toi aussi, tu aimerais l’aider. Tu aimerais l’aider comme tu aides parfois Vassili. Tu ne peux pas le forcer. Tu n’as pas à l’obliger. Alors tu attends qu’il fasse un pas vers toi si le coeur lui en dit.
Re: miroir d'eau ((fubuki))
Tu fais non de la tête.J'aurais préféré que Polaris soit à coté de la mer. C'est tout.
Ce point d'eau te donne le sentiment d'être sous le joug d'une trahison constante. La plage artificielle te laisse un gout fade. Son bleu est morne, ses vagues sont monotones. Et l'▓▓▓▓ te manque. Un jour de plus avec cette absence, un rajout de vide dans cette fosse. Le temps t'engloutit, minute par minute et tu te demandes quand est-ce que l''▓▓▓▓ reviendra. N'est-il pas temps de l'entendre ? Ce doux chant de la mer ?
C'est ton cœur qui bat, aux abois, et qui se plaint en silence quand tu essayes de te rappeler.
mh..
Un tic de douleur te pousse à poser le regard sur la psychiatre. Elle te maintient éveillée, alors que la fatigue rode comme requin. Une seule morsure te ferait succomber.
Tu prends la peine de réfléchir à sa question. Et c'est étrange, parce que tu es sûre et certaine que la réponse devrait être instantanée, que c'est le genre de chose auquel on ne réfléchit pas et qui s'impose d'elle-même.
Et pourtant.
J'aurais dû ? Tu demande, te redressant dans ton siège, t'avançant un peu vers elle et tu répètes. J'aurais dû me sentir mieux ?
Si, et seulement si vous n'aviez pas été interrompu... alors peut-être... peut-être que tu aurais ressenti quelque chose.
Re: miroir d'eau ((fubuki))
miroir d'eau
Sourire compatissant sur tes lèvres teintées de rouge.
« Moi aussi je préfère la vraie mer. »
Tu as grandi sur les côtes nippones. C’était fréquent que ton père vous emmène sur les plages. Qu’il vous emmène pêcher. Mais c’était il y a longtemps. C’était quand tu étais petite. C’était avant qu’il… Avant qu’il… C’était avant. Osaka te manque. Tu ne la reverras probablement jamais.
Vos regards s’accrochent à nouveau. Tu veux te faire bouée, ancrage. Tu veux te faire rassurante. Autant que faire se peut. Tu cherches toujours à créer un climat de confiance entre elle et toi. C’est vrai pour n’importe lequel de tes patients. Mais c’est surtout vrai avec Selkie. Tu ne sais jamais vraiment si elle te dit tout. Si elle te cache une part de vérité. Ou bien si elle ne s’en souvient pas. Tu sais que tu n’as pas tout le tableau. Tu es patiente. Tu es prête à attendre tout le temps qu’il faudra pour qu’elle s’ouvre complètement à toi. Peut-être est-ce déjà le cas. Et peut-être es-tu simplement trop bornée à vouloir en savoir toujours plus pour le comprendre.
« Pas forcément. C’était peut-être quelque chose de simplement logique à faire pour vous. Pas quelque chose de bien. Juste de normal. Et même si ce n’est pas le cas, il n’y a pas de “j’aurais dû”. Nous sommes toutes et tous différents, personne ne ressent les choses de la même manière que son voisin. Mais il est vrai que l’on a tendance à remarquer que certains se sentent un peu mieux quand ils viennent en aide à autrui. »
Tu n’es en revanche pas certaine que ce soit la meilleure des méthodes.