Le moteur de la voiture coupé, Vladymire rassemble toutes ses affaires dans son sac. Évidemment, sans oublier son carnet avec de quoi noter. Une dernière fois, Vladymire repasse en revue tout ce qu’elle compte dire. Oh, voilà quelques années maintenant qu’elle fait son métier, mais, elle ne peut jamais s’en empêcher, quand il s’agit de devoir parler à des personnes qui ont un niveau social supérieur au sien, elle n’est jamais la plus à l’aise. Être professionnelle, juste dans ses mots, et laisser bonne impression ; voilà ce qu’elle se répète en boucle, Vladymire. Et, elle s’y accroche à cette pensée, Vladymire. Aussi fort qu’une huître à son rocher. Parce que, ce n’est pas tous les jours qu’elle a l’occasion d’avoir un entretien avec une personnalité telle que Kaho Artemiev. Sachant qu’en plus, il faut dire que Vladymire, elle est quand même plutôt admirative de la personne. Évidemment, jamais elle n’ira jusqu’à idolâtrer quelqu’un, mais en être un minimum admirative, ah ça, oui, totalement.

C’est avec ces pensées qu’elle entre dans le bâtiment, Vladymire. Rester professionnelle, laisser une bonne impression, être souriante, agréable. Des conseils qui sont, ma foi, on ne peut plus classiques et logiques. Mais, c’est comme ça avec elle, Vladymire joue la sécurité en tâchant de ne jamais rien oublier. Longues listes mentales, dans lesquelles tout est bien organisé, tout est bien trié. Elle fait face à l’entrée intérieure du bâtiment. Ah, les immeubles d’affaire des Clématis se ressemblent tous, qu’elle a l’impression de re-rentrer dans celui dont elle se trouvait ce matin… Qui se trouve pourtant dans la rue d’à-côté. Effectivement, d’extérieur, c’est… Joli - si on aime les gratte-ciel - mais à l’intérieur, aucune originalité, on sent qu’on est là pour faire du chiffre et rien d’autre. Elle en est presque attristée, Vladymire. Soit professionnelle, garde la tête haute, laisse bonne impression. Elle avance.

Arrivée devant l’accueil, Vladymire s’approche, et attend que la personne qui se tient derrière le bureau lui signale qu’elle est prête à l’écouter. « Bonjour, je suis Vladymire Vessel, journaliste au Polaris Daily News, j’ai rendez-vous avec madame Artemiev. ». Machinalement, elle présente sa carte de journaliste, Vladymire. Histoire de prouver son identité. Parce qu’elle suppose que n’importe qui ne peut pas déranger la présidente d’une entreprise… « J’ai quelques minutes d'avance, vous pouvez lui dire de prendre son temps. ». Quelques minutes d'avance… Mensonges, ce n’est pas juste quelques minutes mais une bonne vingtaine de minutes. Après tout, Vladymire a toujours préféré être trop en avance, quitte à devoir attendre. Elle prononce ensuite un ”merci” inaudible, lorsque la secrétaire compose le numéro et semble parler à quelqu’un au bout du combiné, et, elle s’en va patienter à proximité du bureau d’accueil. Elle sort son téléphone, Vladymire, prend une mine assez sérieuse… Mais ce n’est que pour alterner entre WhatsApp, sa boîte mail, et d’autres petites applications similaires ; Vladymire passion : faire semblant d’être très occupée alors qu’on cherche à faire passer le temps. Ah oui, elle en profite aussi pour mettre son téléphone sur vibreur, c’est qu’il n’y a rien de moins gênant que de parler avec quelqu’un et d’entendre soudainement une sonnerie venir tout interrompre.