Ether était apparu et s'était appuyé contre un arbre d'une main, épuisé. C'était - de plus en plus dur. Mais il ne devait pas céder. Il lui fallait plus de temps, juste un peu plus -
pour faire quoi, au juste ?
Son rôle avait été attribué à quelqu'un d'autre. Il n'avait plus rien à faire ici.
Est-ce qu'il allait disparaître comme tous les autres?
Est-ce que le moment était venu?
Les battements de son coeur étaient rapides, plus rapides que lorsqu'il était totalement humain; il n'a jamais été totalement humain
Il préfère s'asseoir. Bastet ne viendra pas. Mais avec un peu de chance...
Il soupire. Il n'aurait pas dû venir, il n'aurait pas dû l'appeler, mais le voilà. Tout ça parce que Fenrir ne sait pas dire non. Tout serait tellement plus simple, dans sa vie, s'il avait apprit à dire non, à un moment. Il n'a néanmoins pas la force de lui dire d'aller se faire voir. Quoi qu'on puisse en dire, Ether est comme lui, et à un moment où à un autre, il sait qu'il sera comme Ether.
* Je peux faire quelque chose ?
Il demande, en s'accroupissant près de lui, il pose sa main sur le crâne du vieux goupil et soupire faiblement. Ce n'est pas le premier renard dont il assiste à la chute, et certainement pas le dernier.
- Mieux vaut fermer les yeux -
Ether sourit et ne répond pas. Il n'est sûrement pas le premier renard à venir terminer sa chute dans ces bois, la forêt des astrales est un sacré havre de paix. Un soupir épuisé lui échappe et il se cale contre Fenrir.
- Mieux vaut attendre la fin en silence -
De toutes façons, il se trouve soudainement incapable de prononcer le moindre mot.
* Je viendrai t'apporter à manger aussi souvent que je le peux.
Ils ne pouvaient pas le punir pour ça, en plus de tout le reste. Ils ne pouvaient pas punir Fenrir d'essayer de se raccrocher à ce qui lui semblait important, ce qui, envers et contre tout, les différenciait des pires crapules qui régnaient ici.
- que de toutes façons, mon bon Fenrir, tu ne me reconnaitras pas parmi tous les autres -
mais les mots lui manquent. Il observe la ville qu'on peut apercevoir à l'horizon, en contrebas. Il y avait encore tellement de choses à faire !
- peut-être que j'aurais pu être une meilleure entité, j'aurais pu accomplir ma tâche comme tous les autres -
mais être le Renard était un travail difficile et tout aussi brillant qu'il l'était, Ether n'avait pas réussi à aller à contre-courant.
- finalement, comme tous les autres -
ça l'avait rendu fou.
* Écoute moi bien, il entama, en posant sa main entre les oreilles du goupil à ses côtés, l'obligeant à relever la tête. Quoi qu'il m'arrive, Ether, je ne t'oublierai pas.
Il aurait aimé lui dire qu'il en serait de même pour Bastet, mais aujourd'hui il n'était plus sûr de rien le concernant.
Il n'y a pas de lumière agonisante
où d'abysses murmurantes
là où je vais, les étoiles ne sont que dans le ciel. J'aurais quand même aimé entraîner quelques entités pourries avec moi... j'aurais bien aimé rester un peu plus longtemps au milieu des humains.
Le renard se redresse, surpris et effrayé. D'un regard, il observe Fenrir qu'il ne connaît pas. Farouche, l'animal grogne un peu avant de s'enfuir en courant entre les broussailles.
On entendra plus jamais parler d'Ether.
Ether n'était plus. Ether n'était plus qu'un renard sans nom - probablement immortel - qui trainerait - probablement pour toujours - dans la forêt des Astrales. Fenrir ne savait qu'en penser. Il n'avait pas toujours été aussi triste pour d'anciens compagnons d'infortune, mais tout s'était précipité depuis l'apparition massive des étoiles.
Ether était parti
et Fenrir était triste.
Fenrir eut envie de convoquer Bastet, c'était une solution, en vérité, mais Bastet lui dirait de ne pas s'en mêler, et Bastet aurait raison. Par la force des choses, Fenrir était au courant qu'il serait le prochain. Il espérait que quelqu'un se souviendrait de lui, comme il se souviendrait d'Ether.
Il pensa à quelqu'un à contacter, quelqu'un qui pourrait l'aider. Les liés avaient besoin de réponses, il ne pourrait pas tout faire tout seul. Il lui fallait quelqu'un d'intouchable.
* Au revoir, mon ami.
Il s'enfonça la forêt.