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RP #03 — FAUVE.
résidences privées, clématis06.03fauveYumi(?) s'est précipité. Enfin, à son rythme.
Il a
pris peur
que Celadon Hunter trouve sa rapidité étrange. Il ne devait pas être loyal. Il ne devait pas être attaché. Il ne devait pas être - aimant.
A son rythme, Yumi s'est précipité. Quatre jours plus tard, il arrive chez Bérangère ChaispasquoijmenfousrendezFauve, frappe à la porte - il frappe toujours quatre fois, Bérangère commence à connaître, et après il entre. La politesse, chez Skogtruc, ça se cultive. Il n'a jamais eu la main verte.
Il a traversé le salon. N'a pas salué Bérangère. S'en mordra les doigts plus tard, lorsqu'il aura tout dit à Fauve et qu'il reviendra dans le salon et qu'elle, inévitablement, lui demandera s'il veut prendre le thé. Il dira... qu'il était pressé. Qu'il travaille. Qu'il a pas le temps, il est pas venu avant quatre jours entiers - quatre jours à se demander comment va Fauve, comment son corps se porte, comment il a fait pour se sortir de là, comment comment comment -
Il ouvre la porte à la volée.
Fauve.
Le silence est d'or, il est surtout de plomb.
Re: RP #03 — FAUVE.
réflexions
J'ai mal aux jambes.
Bon, j'ai encore mal partout, soit. Ça ne fait que quatre jours que je suis de retour dans notre bon vieux monde réel et j'ai droit à tout un tas de symptômes rigolos qui laisseraient n'importe quel médecin confus. Au milieu des vertiges, des bouffées de chaleur, des céphalées et autres pertes de sensation dans certains membres, mes douleurs aux jambes – mes impatiences – sont comme de vieilles amies.
Des années que je me traîne ce syndrome des jambes sans repos. Si j'ai l'outrecuidance de rester assis ou allongé plus de quelques minutes, je vais commencer à ressentir des fourmillements, des tiraillements, des démangeaisons qui ne disparaissent que si je me relève et que je marche. Bien sûr ça s'intensifie au moment de m'endormir, sinon c'est pas drôle. Résultat, j'ai un sommeil qu'on pourrait qualifier «de merde».
Mon corps a toujours été taillé pour la fuite. Et il est tout ce qu'il me reste d'avant. On change plus difficilement d'apparence que d'identité, surtout quand on est comme moi terrifié par les opérations et les hôpitaux. Alors je vis avec cette épée de Damoclès au-dessus de ma tête, la peur constante d'être un jour reconnu comme celui que je ne suis plus, qui est mort là-bas à Valtameri Falls. Je porte toujours son visage, son image (imago: masque mortuaire moulé en cire sur la face des défunts). C'est pour ça que j'aime autant Jade, et c'est pour ça que je suis si jaloux de Yumi.
(ça aurait dû être moi moi m o i)
La porte de la chambre s'ouvre grand et je sursaute. Je ne reconnais pas l'homme qui rentre. Bérangère ne m'a prévenu d'aucune visite. D'instinct je lève un bras devant moi pour me protéger, bordel pourquoi y a pas de miroir dans cette chambre, où est Bérangère, est-ce qu'elle va bien, est-ce qu'il l'a…?
– T'es qui? je crache, prêt à tout pour faire honneur à mon nom.
Re: RP #03 — FAUVE.
résidences privées, clématis06.03fauveYumi(?) reste bouche-bée. Vraiment, comme un con. Le geste rapide se meurt et toute la vitesse qu'il avait accumulé se tarit misérablement et il se retrouve à laisser sa main retomber le long de l'encadrement de la porte, puis sur le côté de son corps mollement.
Ah mais oui putain.
Une pensée pour Deva Kassianenko. Brève et futile - la pensée, pas Deva, quoique. Yumi(?) ne la connaît pas; ne l'a jamais réellement connue, si ce n'est à travers d'épais documents, son pense-bête pour se souvenir du rôle à jouer. Un outil bien pratique pour observer Danaé Aoibheann, qui au final s'est retrouvée inutile au moment où la jeune fille est morte.
Yumi(?) n'a jamais voulu tourmenter qui que ce soit, pourtant il agit très fort comme si c'était son intention.
Il finit par le cracher comme une arête coincée dans la gorge, presque honteux, presque coupable.
Re: RP #03 — FAUVE.
réflexions
– Yumi?
Et puis je réalise.
– La dernière fois que je t'ai vu, tu avais… plus de cicatrices. Et de poitrine.
Son pouvoir. Celui qui aurait dû être le mien. Pendant mon absence, Yumi a abandonné l'apparence de Deva pour celle d'un grand ténébreux. J'ai envie de lui dire que ça lui va mieux, mais j'ai pas envie de le blesser encore plus.
Yumi sait qu'il y a eu quelqu'un avant Fauve. Je n'ai aucune idée de comment il a remonté la piste et ce qu'il a pu découvrir, mais il sait. Sevket aussi se doute d'un truc: le mec te flaire les mensonges comme si ils étaient des truffes et lui un cochon fouisseur… et quand je l'ai rencontré pour la première fois, je n'étais pas encore très habitué à ce nouveau moi. Alors je me sens toujours mal à l'aise en leur présence. Ça ne m'empêche pas de sourire à Yumi, un pauvre sourire désolé. Maintenant que je suis calmé, bien sûr que je ressens le lien entre nous, un lien qui aurait dû m'alerter.
– Spica n'a pas voulu me récapituler tout ce que j'ai manqué ces six derniers mois, et… disons que ça n'a pas été de tout repos, là-bas. Donc je suis un peu à cran.
Re: RP #03 — FAUVE.
résidences privées, clématis06.03fauveLa remarque passe au dessus de sa tête - vient s'écraser dans un bruit de verre brisé sur le mur du couloir. Yumi(?) n'offre aucune réaction à Fauve et se contente de le regarder platement, apparaissant blasé. Cette apparence lui permet d'afficher beaucoup mieux ce genre d'expressions peu avenantes. Ce n'était pas le cas de Deva Kassianenko. Elle avait toujours cette expression semi-effrayée, dans l'imaginaire de Yumi(?). Et son corps tombait en lambeaux. Et il n'arrivait pas à s'y habituer. Cela dit, il n'arrivait pas non plus à se faire à Aedan Stellaa. Il avait l'impression que rien ne lui convenait, que tout pesait comme un membre coupé qu'on ressent encore.
Il répond avec sa chaleur habituelle. Cela a toujours été la marque de fabrique de Yumi(?), qu'elle que soit sa forme. Une aimabilité à faire pleurer une porte de prison.
Mais il n'était pas venu se payer sa tête; au contraire. Cela ne se discernait même pas, mais Yumi(?) était inquiet.
Re: RP #03 — FAUVE.
réflexions
Plutôt calme. Je hoche la tête mécaniquement, je sais que c'est faux. Tout ce qui se passe dans le monde réel se reflète de l'autre côté, d'une façon ou d'une autre. Mais je n'insiste pas. Pas le courage. Pas avec Yumi.
– Je crois. C'est… très étrange. Très désagréable surtout. Comme si j'avais du mal à me décider entre être un corps et être un reflet.
Intuitivement, dans mes tripes, je comprends très bien ce qui m'arrive, mais je suis incapable de l'expliquer. Il faut connaître le miroir pour ça. Alors je me contente de regarder mes mains, de revenir au visage de Yumi – au masque de Yumi (je me demande à qui il a volé cette identité?).
– Tu veux bien m'aider à me lever? J'ai besoin de marcher un peu ou je vais devenir fou.
Re: RP #03 — FAUVE.
résidences privées, clématis06.03fauveIl déteste cette idée du small talk. Il y a dans la chambre un air de malaise, en même temps il faut dire que lui et Fauve n'ont jamais réellement réussi à bien s'entendre, à son goût. Pour Yumi(?), ils se tolèrent tout juste, et ils ont chacun bien trop de secrets pour que l'amitié puisse naître.
En tous cas, c'est ce que Yumi(?) se répète en son for intérieur, comme il l'a fait avec tous les autres, et sûrement que comme avec tous les autres, il échouera - et finira par considérer Fauve comme un frère, un camarade, un ami. Nique.
Il ne répond pas favorablement à sa requête mais ne refuse pas non plus ; se contente d'approcher et de l'aider à se lever. Il n'y a plus grand-chose sur les os de Fauve, et si lui ça le fait juste soupirer intérieurement, il se doute bien que Bérangère doit en cauchemarder la nuit.
Re: RP #03 — FAUVE.
réflexions
– Nulle part. J'ai juste besoin de m'étirer un peu.
Appuyé sur Yumi, je me relève un peu vacillant. Je retiens à grande peine un gémissement de satisfaction en sentant les impatiences quitter mes jambes.
– Merci. Je crois que je peux me débrouiller seul maintenant.
Je tente quelques pas vers la fenêtre, une main contre le mur, me concentrant sur chaque pas, sur les sensations que me communique chaque pas. Les nœuds et boucles veloutées du tapis de Savonnerie, la texture lisse et froide du parquet, le voilage translucide, un peu rêche, que mes doigts écartent pour me laisser voir la rue sans être vu.
– Yumi… Tu penses qu'on sera en sécurité encore combien de temps?
Re: RP #03 — FAUVE.
résidences privées, clématis06.03fauveIl reste impassible, observant Fauve se dégourdir les jambes, s'étirer un peu, comme il le dit si bien. Une partie instinctive de lui crie de rattraper Fauve, de l'aider, lui venir en aide d'une façon ou d'une autre. La majorité de ses cellules grises se complaisent dans leur soudaine extinction des feux. Yumi(?) fixe. Son visage est la reproduction parfaite de l'impassibilité.
Tu parles d'une figure rassurante.
En sécurité ? L'ont-ils déjà été ? Dans le doute, rassurer, apaiser. Consoler.
Raté.
Reprend-toi, sac à merde.
Un coup d'œil timide.
Re: RP #03 — FAUVE.
réflexions
Grimace. C'est toujours aussi difficile de parler à Yumi. Non – c'est pire, parce que j'ai perdu l'habitude de parler tout court, j'ai perdu l'endurance, les codes, la patience et qu'en plus de ça je suis fatigué, et j'ai mal, et j'ai peur, j'ai peur de ce monde-ci et de son reflet, j'ai peur de l'impact de ces six mois sur mon corps et mon esprit, de si je m'en remettrai jamais, j'ai peur pour mon cercle, j'ai peur du cercle, j'ai peur de moi, d'eux, de nous, de tous ces liens enroulés autour de mon petit doigt.
Un long, si long soupir.
– Pas besoin de chercher à me rassurer, Yumi. J'apprécie l'attention, mais…
Je me mords les lèvres, incertain de la façon de formuler les choses. Le voilage est retombé, je me plonge dans ses jeux de plis, d'ombre et de lumière, le grain fin de son tissage, sa teinte écrue.
– … Mais rien. Tu as raison. Je ne retiens pas plus longtemps, Béré doit t'attendre. Merci d'être passé.