les blessures laissées par l'humiliation mettent du temps à cicatriser. beaucoup de temps.

peut être jamais, pour un être aussi fier que Capri. surtout car c'est si injuste ! il ne comprend même pas ce qui est arrivé, toujours pas, et ne sait pas exactement à qui il est censé s'adresser pour espérer avoir une réponse. ce n'est pas comme si ses anciens supérieurs étaient prêts à l'écouter, de toute façon, ils le salue à peine quand ils entrent.

pourtant, on ne peut pas le rater, Capri, juste derrière le bureau de l'entrée, aujourd'hui. la douleur cuisante est toujours aussi vive qu'au premier jour, surtout quand il faut dire bonjour en souriant à tous les connards qui viennent travailler ici, et tous les fils de pute qui viennent voir quelqu'un qui travaille ici. et puis il faut ramener le café pour tous les autres secrétaires pour se faire pardonner la vacherie qu'il venait de lancer un peu sèchement à Jane.
et en revenant vers le bureau de l'accueil avec les coupes fumantes, le voila, le pire de tous, la source de tout ces problèmes ce...
cet enculé.

Capri voit rouge. il veut faire mal, et a de quoi le faire.
après tout, pourquoi pas ?

qu'est-ce qu'ils vont faire, le rabaisser encore ? c'est pas possible, à moins qu'on ai besoin d'un secrétaire pour le sous-sol.

donc Capri s'approche du bureau d'accueil qu'il avait quitté il y a quelques minutes, sourit à Jane et renverse une des tasses de café sur Vulcain Lionheart qui passait juste devant l'accueil. Oh, je suis si désolé monsieur Lionheart, je ne vous avais pas vu ! il s'empresse de s'excuser, mais en son for intérieur il remercie le Destin pour lui avoir offert cette minuscule vengeance mesquine. enfin, si.

si les employés d'Aether Lab sont tous des connards, alors Vulcain aussi, et Capri serait le roi des connards. oh oui, il en a bien conscience, en espérant au moins une brûlure au deuxième degré sur son ancien « patron », ce  c o n n a r d,
oui, c'est un mot central pour le secrétaire ce matin.

il n'aime pas Vulcain. il ne l'a jamais aimé. et en fait si, et il l'apprécie encore toujours un peu, et c'est peut être pour ça qu'il se déchaine ainsi, pour essayer d'étouffer la sympathie qu'il ressent encore.

pourquoi est-ce qu'il a gâché sa vie ? et pourquoi est-ce qu'il accepte maintenant les insultes sans sembler broncher ? de mauvaise humeur ce matin, Capri veut tester les limites. il répond au doux sourire par son propre sourire, faux et mesquin. oh non, tout va très bien. j'espère que vous aussi, ça va, maintenant. vous voulez que je vous accompagne à votre bureau, pour me faire pardonner ?

le ton est faux, l'inquiétude est fausse,
tout est faux.

ah, quoique... je ne connais pas très bien le bâtiment, je ne sais pas où sont situés les placards à balai. le venin, lui, est réel.

Vulcain encaisse.
Vulcain plaisante.
Vulcain reste calme.

s'il voulait énerver Capri, il ne fallait pas faire autrement, que d'accepter les châtiments sans broncher. pas un cri de douleur, ni de froncement de sourcil. pas une trace d'agacement dans son ton. quel enfoiré. Capri déteste ce sourire, déteste ces petites plaisanteries, et déteste cette main de malheur qui ose se poser sur son épaule. il est persuadé que cela lui attirera le mauvais œil et la malchance dans les jours à venir,
c'est sûr en fait.

quand son ancien supérieur de l'empêche pas de l'accompagner, Capri veut d'abord crier, l'insulter, renverser la deuxième tasse de café... mais la première a déjà bien calmé ses nerfs à vif qui bouillonnent dès qu'il voit Vulcain Lionheart. et lui qui rage depuis des semaines car il ne comprend pas pourquoi il a été puni... peut être que... très bien, je vous suis alors, je suis sûr que vous en avez fait quelque chose de charmant, avec une petite fougère dans un coin sûrement ! il lui emboîte le pas, à vrai dire, il a du travail, mais il le finit toujours en temps et en heure, et même en avance, tout ça pour gagner un peu de temps libre. eh bien, le temps libre, c'est maintenant.

après tout, ça fait longtemps qu'on n'a pas pu avoir une vraie conversation, ça me manque presque, renchérit-il avec un sourire insolent. si Vulcain veut jouer la carte de la bonne humeur, il peut le faire aussi, voyons.

Capri contemple le bureau minuscule, et c'est tout ce qu'il avait espéré, d'une certaine manière. il espère que Vulcain s'asphyxiera dedans. qu'il fermera la porte, perdra la clé dans ses poches, et usera ses dernières bouffées d'air à faire des plaisanteries et des sourires amicaux.

il s'avance et s'appuie contre le bureau, sans y être invité. il se dit qu'il peut se le permettre, si ça peut lui empêcher d'avoir un nouvel excès de violence. de ce point de vue là, Vulcain ne l'aide vraiment pas.
pas du tout.
surtout pas en parlant de sa « nouvelle position ».

Capri serre les dents en offrant un faux-sourire à peine convaincant, tout pour ne pas étrangler Vulcain avant d'avoir réussi à lui tirer les informations qu'il veut. oh, ça ? c'est l'enfer. léger rire. mais je suis ravi de tout apprendre sur le petit copain d'Iris, détesté par ses parents, et par Jane de l'accueil. si vous voulez mon avis, elle mérite mieux.

en parlant de ça... enfin, moi aussi, je pensais mériter mieux, après quelques années de bons et loyaux services. il croise les bras, son air faussement joyeux a complètement disparu.

Capri connait plutôt bien Vulcain, ou tout du moins déchiffre plutôt bien ses humeurs, ça faisait partie de son travail, après tout, de deviner l'état d'esprit de son chef pour savoir si les ordres sont urgents, ou si ça peut attendre après « une dernière petite partie ».

ils se connaissent bien, de ce point de vue là, mais aujourd'hui Capri est étouffé par la rancœur, alors il ne remarque rien. et Vulcain est... un peu trop différent de son tempérament habituel pour remarquer que son ancien subordonné bouillonne.

dialogue de sourds, car le secrétaire n'entend que ce qu'il veut entendre. il était persuadé qu'il serait insulté, alors il n'est même pas surpris quand Vulcain dérape enfin et perd sa froide politesse. le compliment vide juste avant, c'était la fuite de gaz.
l'insulte, l'étincelle.

FILS DE PUTE ! crache Capri en lui donnant un coup de poing au ventre pour se décharger de la colère qui l'envahit.

(il aurait visé le visage pour l'humilier, s'il n'était pas si grand, oui lui si petit)

le coup est parti si vite.

Capri n'a pas réfléchi, a juste laissé sa colère exploser,
et puis la sensation du ventre de Vulcain contre son poing,
la sensation de la chair qui s'enfonce autour de ses phalanges,
la douleur.

la douleur dans sa main, mais surtout la douleur qui émane de son ancien chef.

cette fois, Capri le domine, de toute sa petite hauteur, mais Monsieur Lionheart est au sol, oui, Monsieur Lionheart rampe devant lui, le souffle coupé, et peine à se relever. Capri le fixe avec mépris, il n'est même pas satisfait, il pensait que ça aurait soulagé la rage qui le ronge,
mais non,
même pas.

il ne s'excuse pas, ni n'implore, non, il le MENACE ? et Capri aurait presque envie de rire, mais il n'y arrive pas, là. il n'est que colère, et il rêve de s'en débarasser, mais il ne comprend pas comment. il veut des réponses, quelque chose, des mots, il veut...
il ne sait pas.

mais il reste.

on a pas fini, tous les deux.

ah, donc le mec se barre.

ok.

c'est à dire que Capri venait de décréter qu'ils avaient loin d'avoir fini tout ça, et Vulcain semblait bouillonner, prêt à répondre au coup,

et puis non.

il se redresse calmement, et en l'entendant parler si poliment, Capri se demande une seconde s'il n'aurait pas frappé son ancien chef uniquement dans ses rêves, mais non, il ressent la douleur du choc dans ses phalanges encore serrées à blanc.

il se barre.

putain d'enfoiré.