Capri Seffini a beaucoup d'égo.

et beaucoup de colère.

il n'a toujours pas supporté sa dernière « entrevue » avec Vulcain Lionheart, et depuis, il continue de bouillonner. tout ses malheurs semblent être causés par Aether Lab, et il est pourtant obligé d'y aller tous les jours pour accueillir les vieux paumés qui ont rendez vous quelque part dans l'immeuble gigantesque. il déteste ça, maintenant. il déteste tout ça, tout cet immeuble immonde, et il en vient même à refuser de parler potins avec ses collègue, une première.

il fulmine.

si seulement il pouvait comprendre pourquoi il a perdu son poste ainsi, pourquoi on l'a subitement mis au placard, lui et Monsieur Lionheart, alors qu'il est innocent et incapable de faire du mal... au pire, d'un peu mal faire son boulot, c'est tout.

c'est injuste.
c'est une entreprise injuste.
il faut qu'il sache pourquoi il subit une telle injustice !

c'est à tout ça que Capri pense, pendant ses longues journées de travail, sans bien savoir quoi faire, jusqu'à ce soir, où il ne reste plus que lui à l'accueil pour finir du travail en retard. il ne doit plus rester grand monde dans les étages non plus, alors il se dirige vers l'ascenseur, sans but précis, jusqu'à tomber sur une silhouette bien connue. la silhouette de quelqu'un qui peut peut être l'aider, à vrai dire. alors il prépare son plus grand sourire, et salue Iorek Ampharos.

oh, bonsoir ! comment allez vous ?

Capri aime bien Iorek Ampharos. non, vraiment.

il est plutôt gentil, même s'il lui manque toujours des stylos quand il vient faire ses rondes près de l'accueil, alors Capri vole ceux des autres secrétaires, et l'équilibre est restauré. en plus, aller piquer des stylos aux autres lui donne des excuses pour aller écouter les dernières rumeurs et les déformer encore un peu plus, à sa plus grande joie.

donc oui, il aime plutôt bien Iorek.

un peu tactile, la tape dans le dos le secoue un peu, mais ça le fait sourire, il a l'habitude, un de ses cousins était toujours comme ça, et puis ce soir Capri a besoin que Iorek l'apprécie, alors il sourit gentiment. de rien, ça me fait plaisir. peut être qu'il lui a donné un stylo, en fait la dernière fois ? Capri ne s'en souvient même plus, il était trop absorbé par sa partie de poker à ce moment là. ça va bien, mais...

il n'était pas venu jusque là pour échanger des banalités avec le gars de la sécurité.

autant y aller franchement,
non ?

dis, tu te souviens, avant je travaillais plus haut, avec Monsieur Lionheart, et je crois que j'ai oublié des affaires dans son ancien bureau... tu as jamais rien remarqué ?

c'est mauvais comme prétexte, mauvais, mauvais, mauvais. mais Iorek a l'air d'être un si bon bougre, peut être qu'avec du culot, le mensonge va passer...

le beau trousseau de clés qui tintent les unes contre les autres, et là dedans, il y en a une que Capri Seffini a eu le droit de tenir fièrement pour ouvrir le bureau chaque matin, et le fermer chaque soir. ou pour s'y enfermer, la nuit, si une partie de poker en ligne était un peu trop mouvementée et qu'il ne pouvait décrocher ses yeux de l'écran le temps de prendre le bus. on lui a prise, cette clé, en lui annonçant qu'il était secrétaire à l'accueil.

mais elle est là, juste là, et son bureau aussi, là haut, son vrai bureau, pas ce moulin où tout le monde rentre en bas.

Capri ne voit que le trousseau, et écoute distraitement Iorek, content de voir qu'il ne semble pas contre l'idée de l'emmener. si ça ne tenait qu'à lui, il lui aurait arraché la clé des mains et se serait enfui tout là haut pour passer la nuit à retourner les tiroirs, mais... bon, c'est un sacré gaillard, le Iorek, là. ça se sent, juste à cette main posée sur son épaule, et le secrétaire ne préfère pas imaginer ce que cette main peut faire une fois serrée en poing.
alors il sourit, et accepte l'offre avec joie, oh, merci, ce serait super !

et l'ascenseur les emmène là haut, à l'étage du pôle Recherches.

il y a tellement d'étages... tu t'es jamais demandé ce qu'il se passe, dans certains étages ? c'est comme s'il y avait des portes étanches aux ragots, à certains endroits... et ce n'est pas faute d'avoir essayé de demander.

il y en a, des étages, et des portes, partout, dans ce bâtiment. c'est vrai, qu'Aether Lab voit les choses en grand. si grand que personne, même les plus hauts placés, ne doivent savoir ce qui se passe précisément partout, selon Capri. sans parler d'autres bâtiments... ici, c'est surtout l'administratif, selon ceux qu'il voit passer à l'accueil en bas. la paperasse. les dossiers, qui doivent contenir... des infos intéressantes, il en est persuadé, et il a décidé qu'il en saurait un peu plus ce soir.

peut être qu'il ne trouvera pas la raison de la perte de son emploi, mais qu'il trouvera un moyen de forcer ses anciens supérieurs à lui redonner son emploi, de quoi les faire chanter...

Capri réfléchit à trop de choses à la fois, en se rappelant le chemin pour rejoindre son ancien bureau, au point qu'il ne relève pas tout de suite la question de Iorek, qui finit par le faire sourire. non, j'étais pas en arrêt. quelle genre d'entreprise mettrait ses employés au placard car ils se blessent ? enfin, vu ce qu'il pense d'Aether Lab... honnêtement, je n'ai pas trop compris ce qui s'est passé.

il cherche un mensonge à dire, pour ne pas trop ressasser ce qui a produit tant de rancoeur en lui, ce qui le pousse à se balader là où il ne devrait pas ce soir... mais il voit cette porte, cette porte que lui n'a jamais franchie, mais Monsieur Lionheart, si, il en est certain. alors il sourit,  ah, voila, c'était cette porte !

(menteur)

ils avancent, simplement éclairés par la lampe de Iorek, et Capri plisse les yeux pour tenter de sonder l'obscurité, curieux comme un pou, se demandant bien ce que Aether Lab a pu lui cacher pendant des années.
ce que Vulcain Lionheart lui a caché, pendant des années.

il veut tout savoir,
mais il y a des pas. autres que les leurs.

une lumière, et une arme. ce n'est pas tout à fait un inconnu, qui parle de manière si sympathique que Capri en oublierait presque l'arme. il sourit,

ah, on a du se perdre.

(menteur)

putain.

putain putain putain putain putain putain putain putain putain putain putain putain putain putain putain putain putain putain putain putain putain putain putain putain putain putain putain.

et ce CON de IOREK qui le fout dans la MERDE.

l'arme braquée, Capri sent de la sueur couler le long de sa colonne vertébrale. il est dans la MERDE. comment s'en sortir ? qu'est-ce qui lui a pris, de sortir un mensonge aussi nul ? putain putain putain. il n'arrive pas à serrer ses mains devenues trop moites. il réfléchit à tout allure, en cherchant à ne pas trop montrer son agitation. il sait qu'il a peu de chances avant de se prendre une balle.

j'ai oublié des bulletins de salaire de mon ancien poste, sauf que j'en ai besoin pour ma déclaration de revenu, (menteur menteur menteur) je suis en retard pour mes impots...

(menteur menteur menteur)

Capri Seffini a déjà vécu cette situation, d'une certaine manière.

il s'en rappelle très bien, même si c'était il y a déjà plusieurs années maintenant. il se souvient de chaque détail, comme si c'était la veille. il se souvient des cartes qu'il avait en main, un brelan d'as et une paire de rois, il était sûr de gagner. il se souviens de la teinte précise de vert du tapis posé sur la table pour jouer, dans l'arrière boutique du bar. il se souvient de l'éclat métallique de l'arme braquée sur l'homme à sa gauche, et du bruit qu'il a fait en s'effondrant au sol, renversant la table et les jetons dans un vacarme terrible.
il se souvient de la planche qui a grincé sous son pied droit quand il est parti en courant, et du goût du café dans l'avion quand il a quitté le pays.

sous les accusations plutôt finement trouvées de Monsieur Nadjélikha, Capri se fige. il n'ose même pas reculer d'un pas. il a peur que la moindre respiration un peu trop forte de sa part pourrait l'envoyer dans la tombe. chaque pas vers eux, c'est un pas de plus vers la mort, pour Capri, il en est certain.

l'arme braquée sur Iorek, il a déjà vu ça, il a déjà vécu ça, il a déjà vu un autre homme se faire abattre de sang froid sous ses yeux, et pitié Mon Dieu, pas deux fois, non, je serais droit, je me rangerai, je vous en supplie, je-


quand le coup de feu retentit,
il part immédiatement en courant à toute vitesse, sans se retourner,
juste une ruade en avant vers la porte.

Mi dispiace tanto, amico mio Iorek, mio ​​caro amico, non meriti quello che ti sta succedendo. Per favore, trova la forza di perdonarmi, perché non lo farò. È orribile, ma non posso restare. Scusate.