Imagine, t’as pas fait de lessive depuis des semaines parce que t’as la flemme et là, ta machine à laver tombe en panne. Ça serait complètement fou, tu ne trouves pas ? Enfin... Je rigole. Mais imagine quand même.

En même temps la dernière fois que tu l’avais fait tourner, elle faisait déjà un bruit bizarre, ce n’est sans doute pas une coïncidence. Maintenant, t’es dans la merde. Heureusement pour toi, il y a une laverie dans le quartier qui pourrait te dépanner. Tout un tas d’histoires tourne autour de cet endroit, mais il faut bien avouer que c’est la meilleure dans le coin. Et vue la quantité de linge que tu as à laver, c’est le meilleur endroit pour toi.

Alors, tu prends tes clics, tes clacs, deux gros sacs de course à bout de bras, ta voiture et c’est parti. Par chance, même par miracle, tu arrives à trouver une place de parking pas trop loin, c’est déjà la fin de matinée et les rues peuvent vite être blindée. Tu te gares avec un créneau digne des plus grands artistes (non, tu es garée comme une merde, faut le dire.) et tu portes tes sacs jusqu’à l’intérieur. Quand tu rentres, une personne en ressort avec un simple sac à dos et tu l’envies de n’avoir que si peu d’affaire à laver.

C’est la première fois que tu viens ici, tu as toujours eu l’habitude d’utiliser ta propre machine et donc il te faut quelques minutes pour comprendre quelle machine utilisée, combien ça va te coûter, les fonctionnalités, etc. Faut dire qu’il y a une dizaine de machines avec tout autant de fonctionnalité différente chacune.

Tu ne te prends pas la tête, tu enfournes tout dans deux machines distinctes, une pour les couleurs et une pour le blanc et c’est parti. Tu t’assieds sur le banc au milieu de la pièce et tu regardes ton linge faire du manège. Tu jettes un oeil à ta tenue qui est quand même plutot basique. Un vieux jogging en guise de pantalon, des basket pas lassées et une chemise à carreaux qui date pas d'hier. Ma pauvre, t'as vraiment l'air de rien.

Tu regardes ton linge tourbillonner dans les machines, tourner, retourner et tomber. Tu es absorbée par ce mouvement incessant bercé par un bruit de moteur bien entretenu. Tu es comme deconnecté du monde. Mais là, quelque chose, plutôt quelqu’un te tire de tes pensées. Tu secoues la tête, comme pour revenir sur terre, sans te soucier de ton look plutôt « dimanche chill » et tu regardes dans la direction de la voix.

Eh, mais. Attends. Tu bugues.

- Fauve ? C’est toi ?

Une vague de souvenir te submerge. Ça fait combien de temps déjà ? Tu ne sais même plus. Mais tu reconnaîtrais cette tignasse et cette gueule entre mille. C’était un de tes anciens collègues quand tu bossais dans ce bistrot miteux avec un patron autant alcoolique que con. Le "Bibistrot". C'était un nom vraiment à chier. Ce job était vraiment naze et tu n’y es resté quand même longtemps, les collegues étaient sympas, ca a beaucoup joué. Et puis c'était pas super loin de chez toi alors c'était tranquille.

Tu te lèves et te rapproches de lui. Ça fait tellement longtemps que tu ne l’as pas vu. Plus d’un an, peut être deux même. Après que tu aies démissionné, tu n’as pas eu de nouvelles des collègues. En vérité, ce n’est pas trop ton genre. Les boulots de passages sont rarement des lieux où tu crées des formidables amitiés. Même si c’est déjà arrivé par le passé.

- Ça fait un bail dit donc ! Tu deviens quoi ?

Tu lui épargnes la question de « qu’est ce que tu fais ici » tant la réponse est évidente.

Vraiment, le monde était si petit. Recroisé un ex collegue après tant de temps, dans une laverie random alors que tu ne vas absolument jamais dans ce genre d'endroit. Tu es suprise, contente, mais surprise, et ca se voit.
Les souvenirs s'agitent dans ta caboche et tu te souviens que Fauve c'était quelqu'un de sympa, discret mais d'une agréable compagnie.
Alors toi t'es là, debout, fringuée comme une clocharde, face à lui, à l'ecouter raconter son histoire de woofing, une sorte de "mise au vert", et maintenant qu'il revienne en ville. Et tu ris.

- Oh, putain non ! Heureusement ! Cet endroit c'était vraiment un fléau, on rigolait bien mais c'est quand même sur la liste de mes pires job.

Et c'est peu dire. T'en as fait des boulots de merde, par ci, par là, juste pour t'occuper l'esprit, pour t'empecher de penser, de ruminer et d'exploser. Et clairement celui-ci est clairement dans le top 5 des pires adresse. D'ailleurs, après ça, t'as mis quelques semaines avant de reprendre un verre d'alcool.

- Bah écoute, avec plaisir ! Tu sors un ticket de caisse de ta poche et tu note ton numéro au dos Tiens, si t'es paumé en ville, hesite pas. Ca doit te faire bizarre de revenir en ville après presque un an au vert. Les murs de bétons, les klaxons et les lumière te manquait de trop ? Tu ris.

En même temps, partir neuf mois à Bab El Oued dans la campagne et revenir en ville, ca doit faire un certain changement. Faut le vouloir ou avoir une sacré nécessité !