comme un vulgaire animal
Lui vous dirait que dans la vie il y a les putes mais aussi le café.
Un concitoyen bien informé pouvait d’ailleurs profiter des deux tout à la fois : on était pas bien, quand même, aux CDC ? Le quartier tournait sur une autre fréquence que le reste de la capitale. Et Garance adorait ça.
Il adorait le café aussi. La prostitution lui était indifférente. Quant aux prostituées, il les aimait beaucoup, en tout cas celles de cet établissement. Elles allaient toujours dans son sens lorsqu’il se plaignait entre deux gorgées de brulante, et il se plaignait souvent.
Peut-être bien qu’il était le seul idiot à venir ici pour boire un verre. Peut-être bien qu’il y était parfaitement indifférent. De toute façon, lorsqu’il avait cherché à oublier sa femme de n’importe quelle façon après son divorce, hé bien, ça s’était terminé ainsi justement : n’importe comment.
En l'occurrence, avec la fille penché sur lui, regardant par-dessus son épaule les photos de son épouse tandis qu’il décrivait à quel point elle était vraiment merveilleuse. Peut-être bien aussi qu’il reniflait un peu fort. Et peut-être bien qu’il avait les yeux rouges, comme s’il avait beaucoup pleuré.
Mais il avait payé la demoiselle suffisamment d’argent pour être certain que toutes ces questions ne resteraient à jamais qu'hypothétiques.
La logique aurait voulu qu’il ne revienne jamais, mais Garance n’était pas logique : il était enthousiaste du café. De même pour la musique : puisque les clients du Dawn Fox avaient d’autres préoccupations que les playlists de la salle principale, ça laissait le champ libre à celle chargée de les choisir de s’éloigner du populaire pour plutôt passer ses goûts, qui par une coïncidence merveilleuse, s’accordaient à ceux de Garance - passé d’époque mais indémodable, tout pile ce qu’écouterait un vampire moderne.
Assis derrière la fenêtre, sirotant sa boisson, il se dit que tout allait bien et que ça ne durait jamais bien longtemps.