Winchester Nova a cette démangeaison qu'il n'arrive pas à soulager.

il ne comprend pas. il a l'impression de trépigner en permanence, de ne plus arriver à se reposer, de tourner en rond. quelque chose le picote sous sa peau, comme si ses muscles essayaient de fuir son squelette pourri jusqu'à la moëlle, et il a bien tenté de se gratter jusqu'au sang, mais il est bien stupide de prendre littéralement cette sensation dérangeante. son corps va très bien, aussi bien qu'il puisse aller dans cet état, alors qu'est-ce qui cloche ?

lui.
tout.

il le sait, mais il arrive souvent à l'oublier assez pour garder la haine de soi contenue dans la salle de bain. peut être que c'est pour ça qu'il l'a parfois évitée, au grand dam de ses confrères. il fait attention à son hygiène, maintenant, en espérant réglé le problème, mais il est toujours là.

bon, qu'est-ce qu'on fait alors ?

on va chercher un moyen de ne plus penser. on essaye une canette de bière, mais c'est toujours aussi dégueulasse que la dernière fois, et maintenant on se sent un peu plus courageux, alors on va chercher la merde. facile, de ne plus penser, quand on se fait éclater le crâne. on marche un peu, dans les rues, la nuit, mais on ne trouve personne pour se défouler, après un an de meurtres inexpliqués... donc on marche jusqu'au Lucky Cat, tard, et on appelle gentiment le patron pour se changer les idées avec une agréable conversation mondaine.

ALORS ? Toujours pas crevé, le vioque ? le cri résonne sur les murs. il donne un coup de pied dans un bac à poubelle, qui se renverse sur le sol, juste à côté de l'entrée. il maugrée, de toute façon, à quoi ça sert, toute cette merde...

de quoi tu parles, Winchester Nova ? de cette enquête folle ? de ces morts résolues, mais dont tu ne peux classer le dossier, sans explications que tes supérieurs puissent entendre ? ou de ta vie, plutôt ? ta vie merdique. pathétique. à quoi elle sert ? qu'est-ce que tu apportes ? rien. Richard Breckenridge irait aussi bien, même mieux, sans ta sale gueule. Garance Giesler ? n'en parlons pas. ...
Lysandre Hydra irait aussi mieux, sans toi.

(oui)

mais surtout, ne réfléchit pas. arrête de penser. arrête tout.

Winchester Nova n'attend pas longtemps pour une réponse.

il n'aura pas fallu grand chose, vraiment pas, pour titiller la bête qui sommeille dans les CDC. vraiment pas longtemps. il doit bien l'avouer, sans se jeter des fleurs, il est très doué à ce petit jeu. bien trop pour son propre bien, il en a encore les stigmates, les blessures par balle à peine refermées ; celle au couteau, pas vraiment. mais il continue, il se demande jusqu'où il tiendra le coup. il pense que...
qu'il ne veut pas penser.

il veut juste régler ça, là,
ce truc,
quoi que ce soit,
qui ne concerne pas tant que ça Richard Breckenridge, mais c'est un bon client, sans aucun doute.

ce n'est même pas dur, de trouver les mots qui feront bondir l'autre. c'est presque trop facile, peut être qu'ils en ont tous les deux besoins ? (il ne veut pas penser à ce dont il a besoin)
il veut une solution rapide et brutale. alors il relève les yeux, et sourit, grimace moqueuse, yeux noirs vidés de toute réflexion, vidés de tout.

il fait semblant de réfléchir, j'étais occupé, il conclut.

Richard Breckenridge a raison de lui reprocher tout ça. mais Winchester Nova n'a pas envie de l'admettre. et puis, il n'a jamais forcé personne, est-ce que quelqu'un avec une allure pareille peut forcer quelqu'un comme ce grand gaillard qui l'engueule ? il peut proposer, tout au plus. il n'est pas responsable, si on suit toutes les mauvaises idées qu'il propage un peu partout.

il n'est responsable de rien, en fait.
il ne fait que suivre ce qu'on lui dit. les supérieurs, son vrai Chef, l'Autre au restaurant. ... bon, il n'a pas fait ce que Breckenridge a dit, d'accord. enfin, il a commencé, puis il a arrêté.

parce que.

l'autre s'avance, et oh, ça y est, Winchester Nova le sent, il n'aura bientôt plus à se soucier de tout ça.

je me suis dit que toi, tu en avais, du temps libre. j'ai pas raison ? moi, je bosse. au fond de lui, il bouillonne, il piaffe, il trépigne. en surface, il continue de provoquer calmement.

allez, coco, dépêche toi, on a pas que ça à foutre, je vais peut être aller même enquêter pour toi après, si on finit ça vite. (menteur)

c'est trop simple. c'est tout ce que Winchester Nova devrait avoir à faire de sa vie, mener sa petite existence insupportable, et se mettre à dos tous les connards du quartier, car ce n'est certainement pas ça qui manque, des types qui veulent le démolir.

et lui, il est juste là, il s'avance si près, oh, quelle sourire terrible déforme les traits du Sous-Lieutenant, prêt à tout pour remettre encore un peu d'huile sur le feu... ouais, t'as vu, j'es- LE COUP PART.

DÉBUT DES HOSTILITÉS.
PLUS BESOIN DE RÉFLÉCHIR.

OUI, OUI, OUI !

la douleur éclate, se cogne au fond de son crâne, résonne, irradie, c'est brusque et soudain et gratuit et si violent, oui, c'est tout ce qu'il voulait. il est poussé contre le mur du Lucky Cat, sent la douleur de son épaule se réveiller à son tour. ça fait office de pistolet de départ, ce premier coup. c'est la fin de la discussion, cherchaient ils vraiment à discuter, de toute façon ? en sont-ils capables ?

ils se sont retenus pendant un certain temps, ont rongé leur frein, de chaque côté, mais il fallait que ça sorte à un moment. Winchester Nova voulait que ça sorte à un moment. et ce moment, c'est maintenant, ça y est,
l'explosion arrive enfin.

il ne pense plus à rien, il ne reste plus que des instincts primaires de défense, et les notions de combat enseignées durement à la caserne. juste ça. juste son sang qui bouillonne furieusement dans ses veines, qui anime et contracte ses muscles, ça et son souffle perturbé,
et puis l'autre en face, qui le menace, l'insulte,
le tue du regard. (continue)

un peu sonné, mais pas complètement surpris,
Winchester Nova garde le même rictus terrible, moqueur. aucun ne vaut mieux que l'autre.

il veut juste se battre, après tout,
et le prouve en s'avançant, sans crainte. il a l'habitude des coups. il a l'habitude que des gens plus grands le frappe. alors il se penche en avant, protège son ventre, protège ses plaies, et frappe Richard au ventre de toute ses forces.

il se souvient des instructeurs qui montraient le foie, un moyen sûr de faire mal, mais il ne sait même pas s'il vise correctement, en sentant sa paupière gauche enfler. pourtant, il frappe. il a mal, et veut faire mal. il veut se venger de tout. Richard Breckenridge va prendre pour l'ensemble de la Création, pour tous les autres, tout ceux que Winchester Nova n'a pas frappé avant.

Winchester Nova n'existe plus.
il est juste un condensé de réactions nerveuses, qui communiquent par molécules chimiques et arc électriques, qui parcourent le tas de chair qu'il est. il est juste ce tas de muscles, de veines, de peau, qui ne se meut plus que par instinct. il n'est plus que douleur, respiration haletante, sueur dans sa nuque, plus qu'un tas d'informations sans rien pour réfléchir.
un animal dos au mur,
poussé contre le mur, AÏE, PUTAIN !

(quelle joie, de ne plus penser à rien,
merci, merci à toi,
pendant de trop longues secondes je n'arrive plus à respirer, et quand enfin j'arrive à cracher, je te suis très reconnaissant)

mais il vient tout casser.
c'est sa faute, il parle, pourquoi il parle avec sa voix et ses mots ? Winchester Nova ne veut plus entendre que le bruit de leurs poings plantés dans la face de l'autre. plus que leurs souffles de bête féroce, ça et le béton prêt à recevoir le craquement du crâne de n'importe lequel d'entre eux. il ne veut pas parler. mais ce qu'il entend le choque. (stop)

hein ? il ne comprend pas. il s'arrête, trop surpris. son lien ? son... attendez. il est courant ? il sait, pour les liens, pour les cercles, IL SAIT POUR LYSANDRE HYDRA ? (protège le) IL SAIT POUR TOUT ÇA ? QUI LUI A DIT ? QUI A TRAHI ? EST-CE CE CONNARD LOUCHE DE PRUDENCE VORPALINE ? QUI ? QUI A OSÉ EN PARLER ?

et alors ?
ça ne le regarde pas.

ça n'est pas pour tes yeux, pas pour tes oreilles, Richard Breckenridge. ça, ça ne concerne ni ton cul, ni celui des Bathsheba. je ne te dois rien. je n'avais rien à te dire.

C'EST MON SECRET. C'EST JUSTE POUR MOI. ENTRE MOI ET LYSANDRE HYDRA. TU NE MERITES PAS DE SAVOIR, RICHARD. BAS LES PATTES. C'EST JUST LUI ET MOI.
JUSTE NOUS.
NOUS.
JE FERAI TOUT POUR NOUS.

JE NOUS PROTÉGERAI, J'AI PROMIS.

Richard Breckenridge est-il un danger ? va-t-il se dresser sur sa route, maintenant qu'il prétend savoir ? est-ce qu'il faut régler ça maintenant, là, tout de suite ? son corps est bien là, souffrant, mais ce qui reste de son esprit se tourne ailleurs, vers les Clématis. (qu'est-ce que je dois faire ?)

le Sous-Lieutenant n'attend pas de réponse. toujours un peu sonné, il réprime la nausée terrible qui le prend, réprime tout au fond de lui (juste quelques secondes de plus s'il vous plait) il fonce sur l'Autre, se jette sur lui, veut lui faire perdre l'équilibre, le mettre à terre, n'importe quoi.
n'importe quoi pour se dresser entre lui et Lysandre Hydra.

Winchester Nova ne comprend pas ce qu'on lui reproche.

ce qui concerne le Cercle et LYSANDRE HYDRA, ça ne concerne que lui. même pas les autres du Cercle, en fait, à ses yeux. il n'y a que lui, et LYSANDRE HYDRA. alors pourquoi Breckenridge se fâche ? il pense vraiment que ça lui retombera dessus ? il ne se préoccupe pas de ça, de toute façon. les cris, ce ne sont que des mots, ce n'est pas important. tout de suite, ça ne le concerne pas. il n'y a que la douleur physique, et ses pensées pour MONSIEUR HYDRA. il n'est pas venu tirer la bête de son antre pour parler.

il est venu le bousculer, rentrer dedans, comme ce qu'il essaye de faire, et échoue, ne parvient pas à le faire tomber, juste à se faire attraper, et il s'en veut un peu d'être en mauvaise forme, d'être blessé, et de peser probablement 20 kilos de moins,
mais le genou qui s'enfonce dans son ventre efface aussitôt tout ses regrets et ses reproches.

c'est déjà bien suffisant comme ça,
ça suffit à le faire grogner de douleur, tousser, peiner à reprendre son souffle, cracher par terre, c'est ce qu'il est venu chercher,
c'est ce qu'il a toujours voulu arracher à Richard Breckenridge, et c'est si facile, oh, et si plaisant de voir les autres briser les chaînes qui les retiennent. il ne lui en veut même pas de perdre. il ne pense même pas vraiment à sa défaite, il sait juste qu'il reçoit tout ce dont il mérite. les flatteries, ça n'est pas pour Winchester Nova, non. il ne connaîtra que les râles de douleur et les châtiments démesurés. il ne trouvera sa joie qu'en rencontrant plus violent que lui. plus fort.

Richard Breckenridge est si FORT,
c'est le mot,
OUI, FORT,
ses CROCS se plantent si FORT dans son épaule intacte,
et lui hurle si FORT de douleur
(il ne se défend pas, trop heureux)

les bras FORTS l'empêchent de fuir, le force à se débattre en vain tout en sentant son sang couler sur sa peau déjà assez meurtrie pour toute une vie.

il en faut plus.
enfin, il n'y a plus rien dans son crâne pathétique,
même plus lysandre hydra, non,
juste le silence,
plus rien que la souffrance qu'il mérite.

(oui, je me sens vivant, à cet instant présent,
merci merci merci merci merci merci ne t'arrête pas)

les dents se retirent, mais, ah, lot de consolation, les doigts qui tirent son scalp, le font tituber, mais Winchester Nova sait s'accrocher. il s'agrippe aux bras de Richard Breckenridge, à ses vêtements, à tout ce qu'il peut.
il saisit son poignet, sent la peau chaude qui palpite sous ses doigts moites,
et son corps a un dernier sursaut,
instinct de survie,

la DÉCHARGE part sans même qu'il y pense, l'arc électrique dévale le long de ses nerfs furieusement et électrocute son sauveur agresseur



choqué par la décharge, Winchester Nova lâche tout et s'effondre en arrière, le sol l'accueille un peu rudement.

l'arc électrique qui a défendu le corps de Winchester Nova lui a fait mal aussi.

il sent tout ses muscles se contracter douloureusement, d'abord les doigts, la main, le bras, son cœur... se serre une seconde de trop, reste serré, pendant un instant il se demande s'il laissera à nouveau du sang passer, mais c'est un simple battement manqué, qui le garde plaqué au sol, incapable de bouger. les yeux bloqués vers le ciel.

une seconde, il voit les étoiles et les maudit en même temps qu'il les remercie.
la seconde d'après, il y a le visage de Richard Breckenridge qui se penche vers lui et
l '  é c r a s e.

le brouillard de la souffrance et des tourments se lève immédiatement. soudainement, le Sous-Lieutenant est hyperconscient du poids de Breckenridge qui s'appuie sur lui. il réalise à quel point il est impuissant. il lui retire le droit de se défendre, et celui de se battre. et... ça fait un bien fou. il n'y a pas à penser. il n'y a plus d'étoiles, quand il regarde le ciel ce n'est plus qu'un infini noir. le vaste noir des yeux de l'Homme qui le contraint. tout ses muscles se détendent, même si ça n'allège pas la masse étouffante. il a du mal à respirer, mais il s'en fiche.
il n'a pas besoin de réfléchir.
il n'a pas besoin de se débattre.
il n'a pas besoin de respirer.

cette pression insoutenable le rassure, comme une ancre.

(un instant il oublie comment parler, puis il se rappelle qu'il est obligé de répondre à une question directe)

je... tu quoi, Winchester Nova ? tu ne voulais pas ? non, ton corps a agi tout seul, c'est vrai. mais il ne le dit pas, il a peur de recevoir un regard dégouté. (il a peur que Richard se relève) alors il déglutit, et hoche la tête. oui, c'était un méchant coup de pute.

il mérite ce qui va lui arriver.
il ne cherche pas à bouger, il remue à peine les doigts pour éviter qu'ils ne s'engourdissent,
il se

soumet.

il sourit, soulagé. vas y, il accepte sans résistance. je savais bien que tu étais autant une pute que moi. moqueur.

il ne vaut pas mieux que lui, au final. il jouait le mec qui a des principes, le gars droit dans ses bottes. mais il a les mêmes envies bestiales. lui aussi a gouté au sang. il ne vaut pas mieux. c'est bon ?

(voir la bouche de Breckenridge tachée du rouge de son sang le ravit)

Winchester Nova sourit follement, il n'a pas peur pour sa vie.

il devrait sûrement. probablement, même, mais il sait que ça ne dépend plus de lui, plus totalement, et il fait confiance à Richard Breckenridge. il ne gâchera pas un si bon punching ball, quand même ? qui d'autre que lui accepte d'encaisser les pires coups et insultes ? qui d'autre vient tirer le pire qui sommeille en lui ? qui d'autre, pour se soumettre à sa seule force physique avec autant d'enthousiasme et de provocations ?

il ne sait même plus si ses pensées ont un sens, ses respirations sont plus courtes, avec tout ce poids sur sa cage thoracique. il sait juste qu'il veut que ça continue encore, au moins un petit peu, et se réjouit de chaque nouvelle seconde d'impuissance. il n'a plus à décider de rien, pas même s'il a le droit de vivre ou non.

joie non retenue.
il repense aux mots déjà prononcés, suspendus autour d'eux : oui, il se sent si vivant, quand il pourrait tout perdre, quand il voit la lame brillante du couteau refléter son propre regard. il cligne des yeux quand le couteau siffle si proche de lui, mais ne sursaute pas. est-ce que ça lui aurait fait plaisir qu'elle s'abatte quelques centimètres de plus vers lui ? il ne se pose même pas la question, cette situation lui fait déjà trop plaisir sans rien y rajouter.

(tu as le droit. si tu veux, tu peux.
pas la peine de te soucier de ce qui me fait envie ou non.
fais ce que tu veux,
tant que tu ne te lèves pas,
tant que tu ne retires pas tes doigts de ma mâchoire)
mais il ne dit rien de ce qu'il pense et offre juste le même sourire tordu.

il ne sursaute pas non plus quand il écarquille son œil (mon corps ne m'appartient pas), mais ses sourcils se froncent.
pas ça.

pas les yeux.
tu ne comprends pas ? non, tu ne peux pas comprendre, tu ne sais que faire le chien enragé, au corps à corps.
j'ai besoin de mes yeux. j'ai besoin de viser et tirer.
tu veux me retirer ça ?
tu n'as pas... le droit... (mon corps ne m'appartient pas)
c'est tout ce qu'il me reste. (mon corps ne m'appartient pas)

MON CORPS NE M'APPARTIENT PAS ?

il y a le rouge de son sang dans la bouche de Richard Breckenridge,
et le ROUGE au fond de ses yeux,
le VOILE ROUGE du désespoir.

(c'est tout ce qu'il me reste) il s'était si sagement soumis, et puis, d'un coup, la ruade (c'est tout ce qu'il me reste) il les aime, ces doigts qui serrent trop fort sa mâchoire, mais il les mord violemment, lui aussi apprécie le goût du sang (c'est tout ce qu'il me reste) dans le même instant, jouant sur l'effet de surprise, il attrape le couteau abandonné non lui de sa main, retourne la lame contre son propriétaire, il n'a pas beaucoup plus de temps, vite, vite, (tu ne me prendras pas ça) vite, il plante la lame dans le bras gauche, celui qui menace son œil, les dents toujours plantées dans la chair de ces doigts cruels.

tout mais pas ça, Richard Breckenridge.

le cri de douleur qui parvient aux oreilles de Winchester Nova le soulage immédiatement.

il a fait ce qu'il fallait, il a bien suivi les ordres, il a sauvé ses yeux, il s'est sauvé lui, ce qui lui reste. tout va bien. il détend immédiatement sa mâchoire, on ne peut même plus dire qu'il mord les doigts de Breckenridge. il n'a plus beaucoup de souffle, il ne sait pas s'il pourra tenir tête encore très longtemps, mais il a fait ce qu'il fallait,

les mots qu'il entend sonnent comme un délicieux compliment,

il a fait ce qu'on demandait de lui et il en est très fier. la main ne le menace plus, elle vient simplement serrer son cou, est-ce là sa récompense ? il ne s'en plaindra pas. il tente de relâcher les muscles de sa gorge sous la pression accrue, il ne peut plus mordre les doigts, il peut juste sourire faiblement. il accepte son sort, il ne cherche pas à se débattre, cette fois. il sait qu'il pourrait probablement griller l'autre sur place, mais n'a pas envie d'essayer. son front contre le sien, leur sueur qui se mélange, leurs souffles aussi. Winchester Nova passe sa langue sur ses dents, essaie de nettoyer le sang, ou simplement de le goûter, sourire infernal toujours accroché à ses lèvres.

regard noir plongé dans un autre regard noir. les yeux de Winchester Nova se vident, il est épuisé, mais satisfait, complètement satisfait. il écoute la requête, il donne encore une fois l'illusion d'être sage, c'est si facile et reposant, de se laisser faire.
alors, qu'attends tu de lui, au juste ?


oh.

tu aimes bien que l'on te résiste, Richard Breckenridge ? ne t'inquiètes pas, Winchester Nova sait tout faire. tout ce que tout demandera. tant que tu continues de le traiter ainsi, il le fera, de plus ou moins bonne grâce. si tu préfères un peu de rébellion, ça n'est pas un problème, tu sais.

jamais, enculé. il ne réfléchit pas, pas plus que d'habitude, distrait par le souffle de l'Autre si proche de lui, qui chatouille sa peau.
sa langue lèche le sang de Breckenridge qui a coulé sur ses lèvres, et l'instant d'après il lèche son propre sang sur l'autre. dernière bravade, il mord sa lèvre inférieure, fort, si fort, il n'y a rien de tendre dans ce geste. (rien d'haineux non plus) juste le goût métallique qui sature une nouvelle fois son palais. sa main, libérée, agrippe au même moment la nuque de Breckenridge. s'il est prisonnier de son poids, il ne le laissera pas fuir non plus. il a besoin de cette promesse autant que l'autre, il a besoin d'être sûr qu'il restera son égal.

content de lui, il s'arrête aussi net qu'il a commencé. il repose sa tête sur le béton, rit silencieusement.

tout ce que tu veux.

non, il ne refuse rien à quelqu'un qui le met dans une telle position, qui le frappe sans jamais se retenir, et trouve l'audace de lui demander de ne jamais complètement se soumettre. c'est quelqu'un comme ça, qu'il lui faut, Winchester Nova le sent. quelqu'un qui se fait mordre par son chien, et continue de l'encourager. quelqu'un qui lui fait payer chèrement le moindre écart, tout en espérant qu'il en fasse d'autres.

c'est vraiment très bien.

Winchester Nova se sent si bien.

il a mal partout, il n'arrive toujours pas à respirer à fond, avec cette masse qui appuie sur son torse, mais il continue de sourire joyeusement. il a le même sentiment que lors de sa première rencontre avec Garance Giesler, une fois qu'ils avaient fini de se battre et qu'Il a soigné sa plaie. rien ne va, dans sa vie, mais Richard Breckenridge l'a laissé lui faire du mal, le faire saigner jusqu'à plus soif. il a riposté avec la même force, il ne l'a pas ignoré, il n'a pas été repoussé ou dégouté.
il est égal à lui en tout points, Winchester Nova en est certain, et il s'en délecte.

il est si heureux d'avoir trouvé quelqu'un d'aussi pourri, ou de pire. leurs regards se croisent à nouveau, le sien est vidé, satisfait, mais l'autre brûle encore. le Sous Lieutenant a très hâte de se faire consumer avec, il a même hâte de découvrir jusqu'où Breckenridge sombrera, espérant qu'il l'entraîne avec lui dans le fond. qu'est-ce qui se cache dans tes abysses, là où la lumière a disparu ? qu'est-ce que tu caches, Richard Breckenridge, qu'est-ce que tu es prêt à faire ? jusqu'où est tu prêt à aller ?(demande moi tout ce que tu veux)

il se penche à nouveau, il faut se préparer à tout, Winchester Nova s'attend à une autre riposte, ses muscles se tendent à nouveau, vite, soit prêt, est-ce que ça va faire encore plus mal ? est-ce que...

???

???????????????????????????????????????????????????????????????????????questcequetufais????????????????????????????????????????????????????????????questcequecest?????questcequecestqueça???????????????????????? ?????????????,,,,,???????????????????????????????????????????????????????? ????????????????????????????????je????????????????????????????????????? ??????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????tupeuxcontinuer?????????

(je devrais le repousser je devrais me débattre encore plus férocement que pour tout le reste je devrais le haïr je??? devrais??? ???) (????????)

son cerveau hurle, lui ordonne de se débattre, lui dit qu'il devrait détester ça de ton son corps, qu'il devrait fuir et aller vomir au fond de la ruelle. et puis, les yeux fermés, il y a juste le goût de son propre sang sur les lèvres de l'autre, ce corps fort (plus fort que toi) qui l'écrase et le domine, la chaleur fiévreuse de son corps contre le sien. ça n'a rien de tendre, pourtant ses boyaux se tordent et se nouent, et il n'a pas la force de faire quoi que ce soit d'autre qu'accepter.

et il le ??? remercie ??? toujours appuyé sur lui, les lèvres s'en vont, mais son corps reste quelques secondes interminables de plus... 

(tu es bien cruel, Richard Breckenridge, comment ne pas en réclamer plus après ça ?)

quand Winchester Nova rouvre les yeux, c'est déjà terminé, l'autre s'est redressé, il pourrait presque se raconter qu'il ne s'est rien passé. (presque) il ne sait pas si ce sera sa perte, il ne sait pas si quelque chose d'autre l'attends au coin d'une ruelle, s'il se fera à nouveau fusiller par un inconnu froid qui ne prendra même pas la peine de le regarder dans les yeux comme Breckenridge le fait,
mais il savoure juste l'instant en se disant qu'il serait prêt à le laisser l'étrangler pour en finir une bonne fois pour toute, juste là.

ce n'est pas encore terminé, pourtant. il retrouve son sourire, et promet à nouveau. jamais. (tout pour toi, Richard Breckenridge)

définitivement épuisé, Winchester Nova ne cherche pas à bouger. il laisse juste son regard remonter, au delà de Breckenridge, au dessus d'eux, sur les étoiles qui se montrent timidement entre les nuages. sa respiration se calme, doucement. combien y en a-t-il ? combien à Polaris ? ... combien sur Astéria... ? comment Richard a su pour lui, au fait ?

ça n'est pas tout à fait important, pas pour l'instant. ses yeux se reposent sur l'objet de ses désirs. il tend la paume de sa main. file moi une clope. et dis moi comment ça s'est passé avec Hydrée Bathsheba... est-ce que c'est lui qui a tout raconté ? comment est-ce qu'il aurait pu le savoir ? est-ce que c'est important ? tu m'as l'air très vivant.

Winchester Nova accepte la cigarette, preuve tangible de leur promesse.

(pourtant son esprit s'enflammera encore longtemps en pensant à ce qu'il y a eu juste avant, pour sceller leur trêve, la cigarette sera vite oubliée)

il ne cherche pas à dégager Richard Breckenridge, il accepte qu'il a perdu le droit de décider s'il se fait écraser ou non, et puis, cette présence étouffante est rassurante. il existe. il est là. encore pour un moment ? ils sont là, tous les deux, ils vivent encore. ce n'est pas encore la fin.

la première bouffée, premier répit, ses yeux se ferment, il savoure l'instant. il entrouvre les yeux, écoute ce que l'autre sait (peu), il réfléchit. est-ce que c'est si important que ça, la vengeance, pour Winchester Nova ? est-ce que c'est vraiment ça, qu'il cherche, en enquêtant sur les Bathsheba ? ... est-ce que ce qu'il cherche, ce ne serait pas plutôt ce moment là ? la fumée de leurs cigarettes qui se perdent dans la nuit, le goût du tabac qui ne parvient pas à masquer le goût de son sang et celui d'un autre sur sa langue, et sur sa poitrine le poids rassurant de quelqu'un qui peut briser son crâne entre ses cuisses.

(dis, tu seras toujours là, Richard Breckenridge, hein ? dis, tu me survivras, toi ? dis, tu ne m'abandonneras pas, toi ? tu ne me renieras pas ?)

il pense que dans le fond, il s'en fout, du Lieutenant Dreemurr, du Lieutenant Karel, du Lieutenant Bathsheba, de ce petit con d'Hydrée, de la secte, des enquêtes, des meurtres... tant qu'il a le droit de rester là,
à sa place.

est-ce qu'il s'est inquiété pour lui, en l'envoyant vers ce qui a failli lui coûter la vie ? bien sûr, il ricane. il espère que Breckenridge ne grattera pas trop le vernis en surface, ne réalisera pas que si Winchester Nova ne s'était pas particulièrement inquiété avant... maintenant si. qu'est-ce qu'il fera, sans un type pareil ? qu'est-ce qu'il deviendra s'il n'a plus personne qui peut encaisser quand il a besoin de maudire la Terre entière ?

(mieux vaut ne pas y pense. pour l'instant, il est là)

les bras libres, la tension redescendue, il pourrait se lever. il pourrait s'en aller. il pourrait... quoi, aller errer seul, comme d'habitude ? le Sous-Lieutenant Nova enterre soigneusement toute pensée sur ce qui va se passer après, et préfère prétendre qu'il finira la soirée juste là. son corps commence pourtant à avoir envie de bouger. il étire son bras droit, lentement, puis le gauche. fait craquer les vertèbres de sa nuque. toujours en pleine réflexion. Richard Breckenridge est maudit ?
qu'est-ce que ça veut dire, maudit ?

il se redresse un peu, et s'appuie d'abord sur ses coudes, la cigarette coincée entre les lèvres. son corps veut bouger, oui, mais lui n'a pas envie. être debout briserait tout. ça voudrait dire devoir partir. Winchester Nova n'en a pas eu encore assez, pas tout à fait, comment savoir si l'on en a eu assez quand on ne sait pas ce que l'on veut ? il force un peu, continue de se redresser, mais reste assis par terre. Richard Breckenridge est toujours plus grand, le regarde encore de haut. il n'aime pas ça, alors il baisse les yeux, tourne la tête, et s'appuie contre son torse.

(d'une oreille, j'entends les battements de ton cœur. tu es encore vivant.)

je sais pas ce que ça va donner, tout ça. la secte, les meurtres, les étoiles assassines... c'est trop compliqué pour l'idiot qu'il est. je sais pas si je m'en fous ou pas. je sais pas combien de temps il reste.

(il est là, juste contre moi)