Prendre le temps de se calmer.
Ce n'était pas la première fois que ça arrivait, mais il n'arrivait pas à croire qu'il avait tiré sur quelqu'un.
Lysandre s'arrête un instant et il soupire, souffle un bon coup - et puis à cet instant précis quelqu'un du cercle meurt. La douleur est sèche mais il l'ignore (15) facilement. Un regard à Kaho. Si elle faiblit il l'élimine immédiatement. Même si son pouvoir est toujours actif et très utile, il ne pourrait pas se permettre de se trimballer un boulet. Il devait rentrer. Il devait vivre.

* On ne pouvait pas rester là-bas, il lui indique pour la distraire de la douleur, j'ai reconnu les véhicules d'Aether Labs. Et puis...

Et puis Grenat.
Que ce soit sur le terrain ou aux laboratoires, Lysandre ne le supportait pas. Grenat était un personnage grossier, qui prenait un malin plaisir à paraître stupide, et absolument sans-gêne. Bref, un type absolument insupportable.

* Enfin bref. Rastaban est en danger, et nous aussi. On doit fuir.

Mais par où.
Alors qu'il réfléchissait, une idée germait dans son esprit.
Une idée dangereuse.

Que faire, maintenant ? Malgré l'obscurité et le silence, il pouvait presque sentir qu'il y avait de l'animation là-dedans : et la forêt lui semblait de moins en moins sûre. Que faire ? Que faire ? Que faire ? C'était en train de le rendre fou. Il voulait survivre. Il devait survivre. Les champs... la forêt. Les champs ou la forêt ?

* La forêt ne m'a pas l'air sûre. On... pourrait essayer de retourner vers les champs et y rester jusqu'à ce que ce soit fini.

Il lève la tête vers toi et t'observe.

* Je ne compte pas retrouver les autres, on a été séparés, c'est comme ça. Ils se débrouilleront, et ce serait trop dangereux d'essayer de les retrouver. Et puis plus on est nombreux, moins on est discrets.

Il grince les dents en la voyant chanceler, ciller, manquer de s'effondrer. Oui, ils étaient morts. Mais eux, pas encore. Il fallait avancer, et elle le retardait
Elle le retardait tellement,
Il la considère, mâchoire crispée, pendant un long instant, mais finit par se résigner. (61) Elle pouvait encore lui servir. Il l'attrape brusquement par le bras.

* On avance, il lui ordonne sèchement, avant de prendre la direction des champs.

Ils marchent un long moment.
Ils marchent un long moment
Il ne sait même plus où ils vont
Il se dirige simplement
SIMPLEMENT,
vers celui qui a le plus de chance de lui sauver la vie. Parce que CES PUTAINS D'INCAPABLES SONT PAS FOUTUS DE LE PROTEGER -

Lysandre prend une grande inspiration, tremblante, à peine contrôlée. Une goutte de sueur glisse le long de sa tempe et son cœur bat à tout rompre

(JE SENS QUE JE VAIS MOURIR)
(JE VAIS MOURIR)
(JE VAIS MOURIR JE VAIS MOURIR JE VAIS MOURIR)

Une silhouette familière se dessine à quelques mètres de là, éclairée par les reflets traîtres de la lune, et Lysandre sursaute

Il tourne la tête vers Kaho, les yeux fous de haine, de rage accumulée, d'une folie pure qui serait prête à le dévorer tout entier
Il dégaine son arme d'un geste vif et tire.

* Grenat ! Il s'écrie en abandonnant Kaho, ne se souciant peu de savoir si elle est en vie ou pas. Grenat, il appelle encore en dérapant vers lui. Aide-moi...

GRENAT JE NE PEUX PAS MOURIR

Le lien se détache lentement, alors que la dernière liée qu'il considérait légitime d'être liée à lui s'éteint doucement, dans une mare de son propre sang.

Grenat observe Lysandre, un sourire aux lèvres. Cet éternel sourire, celui qui a tant ennuyé Lysandre à l'époque, se dessinait à nouveau devant ses yeux. Grenat observe Lysandre, tend une main que Lysandre saisit sans hésiter.

* Ca m'surprend d'te voir comme ça, Lys. C'est rare..., il marmonne, amusé. Il lève sa main libre, caresse sa joue. Je crois que c'est plutôt sympa, p'têt que t'aurais y penser avant, ça m'aurait p'têt plu plus. Il rigole. Bon, Rastaban, alors ?

Lysandre baisse la tête. Enlève-la-moi, il parle tout bas, les dents serrées - ignorant les hurlements qui résonnent dans son crâne, ignorant les insultes et les supplications. Pitié, pitié enlève-la.

* Ouais, ouais. Laisse moi faire mon taf.

Il pose sa main à plat sur le torse de Lysandre, une lumière jaillit - les hurlements de l'homme résonnent à travers la forêt alors qu'il lui extraie l'étoile, lentement, lentement...

Des minutes s'écoulent, tout doucement
C'est comme si le temps lui-même ralentissait

Et la lumière s'éteint brusquement.

* Putain ?!

Le silence, porté par la pluie.

* Mais putain, fils de pute, t'as quasiment plus de liés ?! Grenat fulmine, observant incrédule les derniers brefs éclats de l'étoile qui se volatilisent dans le creux de sa main. Rastaban n'est plus, et il a échoué.

Il saisit Lysandre par le col, Lysandre presque inconscient.

* Est-ce que tu te rends compte de ce que tu viens de me faire faire, enfoiré ? Putain, Rastaban est morte, elle a pas tenu le choc !

Il serre les dents, observe cet homme
(qu'il connaît si bien et dont il a tant apprécié la présence, un jour)
et il décide de mettre fin à ses jours.

Le coup de feu est étouffé par la pluie.

Grenat soupire.
Quel gâchis.

C'est la merde. Grenat observe le corps de Lysandre, Lysandre qui au final n'aura même pas pu lui donner Rastaban. Peut-être qu'il n'aurait pas dû le tuer, mais honnêtement, il en savait trop. Il préférait encore le tuer lui-même.

Il active sa radio le temps de rendre un bref rapport oral - Rastaban a été retrouvée mais elle n'a pas survécu à l'extraction.
Maintenant, il partait à la recherche d'Orion. Plus le temps de trouver ses liés. Si le plan originel était de trouver les deux liés d'Orion qui n'étaient pas celui qui pouvait lier de nouvelles personnes au cercle du chasseur - l'un des liés était visiblement mort et l'autre était à l'autre bout du monde, vers le lac. Clairement, il ne lui restait plus qu'à trouver l'étoile elle-même.
(Grenat avait conscience de la mission suicide que cela représentait.)
(Mais ce n'était pas comme s'il avait le choix)

Qu'aurait dit Amaranthe ? Sûrement de suivre son instinct.

Grenat avance dans la nuit noire.

Jusqu'ici, tout va bien.
Jusqu'ici, tout va bien. Pourquoi s'inquiéter ? Tout va très bien.

Putain, le con. Il y a Numa Celestial avec lui. Grenat marque un temps d'arrêt mais comprend très vite qu'il est repéré depuis belle lurette.

* Hm, merde, il commente simplement. Toi, là, il prend la parole d'un ton plat en désignant Numa du menton, tire-toi.

Jusqu'ici, tout va bien.

Numa est tendu, avant même que l'autre tête rousse se pointe, il était tendu. Retrouver Orion n'avait pas été aussi compliqué qu'il l'aurait imaginé, il avait marché quasiment en ligne droite jusqu'à retrouver son étoile à la sortie d'une petite grotte, avec deux cadavres tout près de lui, et l'air d'avoir passé une mauvaise soirée. Numa était en réalité inquiet.

Tout échappait à son contrôle, rien de tout cela n'avait été prévu, et dans la mesure du possible, il ne voulait pas laisser Orion goutter à l'envie de tuer. Ce soir, cette nuit, il avait échoué.

Il braqua son pistolet sur le roux et tira, un cliquetis sombre et de mauvais augure, mais rien d'autre, parce que

Numa n'avait plus de balle.

Et oui, à faire le malin et ne surtout pas penser qu'une arme, ça se recharge, il n'avait simplement plus de balle. Et en plus d'être particulièrement gênant, la panique de la situation lui tomba au fond du ventre comme un pierre prêt à l'engloutir.

Il se savait condamné après ça. Numa ne survivait que parce qu'il tirait le premier.

Orion avait tué ses premiers humains - il aurait pensé que ça ferait du bien, comme une sorte de soulagement, il se trompait. Il se trompait tant.

Il s'interposa entre Numa et l'homme qui venait de les trouver.

* Qui êtes-vous ? Il demande, curieux, à peine sur la défensive. Il ne le considère pas comme un danger.

Jusqu'ici, tout va bien - malgré tout.

Grenat tire avantage des ombres, qui cachent habilement sa nervosité - ses mains moites, la goutte de sueur sur son front, et puis le tremblement de ses doigts. Orion le fait flipper comme jamais.

Orion, c'est la Mort ayant pris forme humaine. C'est la Mort qui éblouit, qui anéantit tout sur son passage.

Il allait lui falloir de sacrées couilles, sans mentir.

* Orion, c'est toi, c'est ça ? Je taffe pour les labos Aether, et... bon laisse tomber, on s'en fout, viens avec moi et j'te ferai aucun mal. Ou j'lui ferai aucun mal, il observe Numa, en tous cas.

Bancal.
Cela dit,
jusqu'ici, tout va bien.

La balle que tu imaginais te manger entre les deux yeux après ta vaine tentative ne vient simplement pas. Tu soupires faiblement et range l'arme.

Tant pis.

La situation est vraiment lunaire.

Rassure moi, tu vas quand même pas le suivre ? Tu ne l'avais jamais vraiment prévenu qu'Aether était une société spécialement bizarre et suspecte, mais enfin quand même, il ne pouvait pas être aussi crédule.