La pluie tombe dru sur Polaris. Le tonnerre se fait entendre au loin, légèrement dissimulé par le fracas des gouttes d’eau sur le toit des bâtisses et contre le béton. Milan aime bien ce temps, il pourrait l’observer par la fenêtre pendant de longues heures sans s'apercevoir du temps qui passe. Il observerait chaque nouvelle gouttelette se fixant contre la vitre, et suivrait avec intérêt le chemin tracé vers le bas, se fusionnant à d’autres gouttes, et reprenant sa route jusqu’à arriver tout en bas.
Toutefois il ne se trouve pas devant sa fenêtre, pas encore. Aujourd’hui il balaie l’entrée de l’immeuble, il nettoie les rampes d’escalier, il se tient disponible si le plafond de quelqu’un se mettrait à couler inopinément. Il espère que non, les dégâts d’eau sont les pires problèmes à gérer. Avec un peu de chance, ses tâches seraient bientôt terminées, et il pourrait rentrer chez lui, commander un lunch au resto indien peut-être. Malgré ses projets, il ne se dépêche pas outre mesure, il ne tourne pas les coins ronds, il s’applique à la tâche. Se concentrer lui permet de ne pas penser à autre chose.
Bouteille de nettoyant à l’odeur citronnée d’une main, chiffon de microfibre de l’autre, il a entamé le nettoyage des rampes de vieux bois par le dernier étage. Il aime bien faire ce travail en descendant les escaliers, plutôt qu’en allant vers le haut. Il ne pourrait expliquer pourquoi. Une fois tout en bas, il remet le tout dans le seau, et s’arrête pour observer à l’extérieur, la pluie toujours aussi forte. Il pense à son frère, qui est — encore — sorti ridiculement tôt ce matin et qu’il ne reverra probablement pas avant tard dans la soirée. Milan soupire en pensant au peu qui a été accompli pour réduire ce trou béant qui les sépare, même après deux mois de cohabitation. Il pense aussi au chat, il se demande s’il a un coin au sec, quelque part pas loin.
Et dans sa contemplation il voit par la fenêtre une tête familière, une chevelure rougeoyante en contraste dans cette ambiance froide et grise. Il ouvre la porte pour l’accueillir, l’air désolé de la voir ainsi marcher sous cette pluie battante.
Milan se laisse tirer dehors, sous la pluie, et lève les yeux au ciel pour regarder ce que Mlle Karuna pointe avec enthousiasme. Il les voit, les arcs-en-ciel. Oui c’est très joli. Ça le fait sourire tristement, Olivia aurait adoré.
Sa chambre était un véritable arc-en-ciel. La pièce avait été décorée avec grand soin, Sarah avait si bien cerné la personnalité de leur fille. C’était coloré, lumineux, fantaisiste, mignon. Comme elle.
Milan essuie ses yeux humides alors qu’ils entrent à l’intérieur du bâtiment et enfouit sa nostalgie à l’intérieur de lui-même, reprenant une tête plus joyeuse pour Naolane.
Il ne lui dira sûrement pas, mais rencontrer Naolane venait de rendre sa journée meilleure. Son énergie lui plait, elle a ce petit quelque chose qui pourrait illuminer même les plus grandes noirceurs. D’un signe de la main, il lui indique l’escalier et entreprend de monter lentement pour la raccompagner jusqu’à son appartement.
Il la suit dans les escaliers en hochant de la tête, l'écoutant simplement sans rien dire. Elle ne l'ennuie pas, bien au contraire, Milan est meilleur pour écouter que pour parler.
Naolane l'impressionne beaucoup. Travailler à temps plein, vivre seule dans un appartement (dans l'Octant, qui plus est), aller à l'université le soir. C'est probablement un poids énorme pour une jeune femme de son âge, il se souvient encore comment Sarah trouvait les cours difficile, sans même avoir à travailler à côté, ni se soucier de l'argent ou d'un logement. Et Milan, il avait évité tout cela. Il avait choisi la « solution facile », si on peut le dire ainsi.
Sa proposition lui tira un sourire embarrassé. Il était difficile de refuser une invitation lancée avec autant d'enthousiasme, et en plus Milan commençait à avoir l'habitude de se faire offrir des repas de sa part. Elle cuisine bien, et sa compagnie lui est agréable. Quelques instants avec ce petit soleil en ce jour de pluie, l'idée lui plaisait bien. On ne peut pas vraiment considérer cela comme « sortir de chez lui », mais Fray serait sûrement content.
Ils reprennent l'ascension jusqu'à son étage, direction son appartement.
(Mdr j'espère que Milan a la main verte xD)
Il la suit, toujours aussi peu bavard, jusqu'à l'appartement. Sa proposition pou le jogging matinal le fait doucement sourire, il ne fait que répondre un
Il entre dans le logement qui lui devient presque familier, retire ses chaussures et la suit dans le petit salon où il s'asseoit, bien droit. Il ne peut s'empêcher d'être gêné d'être là, ce sentiment qu'il ne devrait pas être là, qu'il en demande trop (alors qu'il ne demande rien, finalement).
Le bazar est bien le dernier de ses soucis. Son appartement serait certainement un terrible fouillis si ce n'était de Cyrus qui gérait une grande partie du ménage. Il n'y a qu'à voir le salon, où Milan laisse traîner ses restes pendant un ou deux jours sur la table avant de se décider à nettoyer, ou ses couvertures qu'il ne plie jamais le matin. Il y avait bien de quoi rendre son frère fou, juste avec ce désordre. Et pourtant, Milan aimerait tellement mieux faire, il voudrait lui simplifier la vie, l'aider, ne pas être un simple poids ou un squatteur. Mais il n'a jamais vraiment appris, si ce n'est la stricte discipline de l'armée. Mais depuis son retour, il est à la dérive, sans repères, sans encadrement.
Lorsque Naolane lui tend la plante, le doute et l'incompréhension doivent clairement se lire sur le visage de l'homme. Il l'observe un instant, hésitant à la lui rendre, refuser son cadeau. Il n'est pas certain qu'il saura en prendre soin, et en réalité il n'y connait absolument rien. Mais la bonté de la jeune femme le touche profondément.
Il ne croit certainement pas mériter tout le bien qu'elle pense de lui, mais il garde ses préoccupations pour lui-même. Un large sourire illumine son visage, il pose la fleur en pot sur le coin d'une table et se relève en se tapant les cuisse.
L'eau fraîche portée à ses lèvres, il observe Naolane tournailler dans la cuisine, attrapant bols, ingrédients, ustensiles. Elle attrape les objets avec assurance, mais en faisant des aller retour d'armoires au frigidaire en désordre, comme si la liste des nécessités était bien établie dans sa mémoire, sans catégorie logique. Une liste chaotique. Puis, elle s'arrête pour réfléchir, lui demande sa première tâche.
Milan est bien heureux de se rendre utile. Il aura besoin d'être guidé, qu'elle lui donne des objectifs. Car spontanément, il ne saurait comment faire pour l'aider. La petite démonstration de muscles de Nao le fait rigoler, et il baisse les yeux vers ses propres bras à son commentaire.
Son ancienne vie. Il sourit à la jeune femme, son regard plongé dans le sien. Comme pour lui dire qu'il n'a pas trop envie d'élaborer sur le sujet, mais de ne pas s'en faire.
Reposant la tasse colorée sur le comptoir, il se met en position cuisiner. Mesurer, mélanger, mettre le four à la bonne température. Il laisse Naolane séparer les jaunes du blanc d'oeuf — il ruinerait tout, certainement.
Ça lui rappelle de bons moments, des repas partagés en famille.