T’as la bougeotte.

La ville a beau s’écrouler sur elle-même, tu n'as pas l’air plus inquiète que ça. Au contraire ! L’effondrement, la destruction, les gravats, les éboulements et les crevasses qui se sont formées en ville sous cette étincelante lumière, avaient pour toi un goût de renouveau. Tout t’avait semblé être un début d’apocalypse et pourtant… pourtant...croix en main, tu n’as juré que sur ces mots qui tournaient en boucle dans ton esprit :

La nuit aura disparu,
ils n’auront plus besoin de la lumière d’une lampe
ni de la lumière du soleil,
parce que le Seigneur Dieu les illuminera ;
ils régneront pour les siècles des siècles.

Et ce jour-là, tu étais là, aux premières loges. Tu n’as vu aucun ange ou aucun démon, mais tu les as senti. Tu jurerais les avoir sentis. Si proche.

juste là sous tes yeux ébahis

C’est là que t’as reçu un message. Un message d’Eliwen. Ce type, c’est quelqu’un que t’as rencontré y’a pas si longtemps, quelqu’un avec qui tu t’entends bien. Eliwen, il est doux. Au premier abord, il ne semble pas doux. Il a l’air parfois perdu, entre deux eaux, entre deux camps, sans savoir où se positionner, toujours le cul entre deux chaises. Mais il est doux, c’est une certitude.

Alors, pour ne pas se retrouver dans les pattes de la police tous les cinquante mètres, vous vous êtes donné rendez-vous loin du centre ville, devant ce vieux manoir défraîchi.  L’air de la forêt file le smile et alors qu’Eliwen s' approche, tu commences à gérer ton matos. À  savoir une frontale pour la lumière, veste militaire pour avoir 35 millions de poches et bien entendu, ton téléphone pour live, fixé juste à ta poitrine, pour qu’on puisse voir ce que tu ramasses.

J’lance le live Eli !

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Yo les petits monstres ! Ça marche ? Ok. J’vois qu’il y a déjà des petits curieux. Live un peu à l’arrache. Vous m’entendez au moins ? Ah super ! Bah voilà, la baraque de mes rêves, un truc complètement explosé comme je les aime. On aura de la chance si j’me casse pas la gueule en voulant slider sur la rampe des escaliers. J'suis avec un pote.

Tu t'approches d'Eliwen, l'attrape par les épaules avant qu'il ne parte trop loin et fait les présentations.

Eliwen la commu', la commu' Eliwen, dites bonjour !

Puis il prend les devant et tu le suis. Dans un monde meilleur, vous auriez imposé des règles, des codes, des mots de sécurités ou autres bordels du genre pour se la jouer safe, histoire que la maison vous tombes pas dessus, mais vous êtes jeunes et un peu cons, alors vous y aller sans réfléchir, sans voir que, peut-être, quelqu'un ou quelque chose vous suit dans l'ombre.

 Oh. J'sais pas depuis combien de temps elle est là cette maison mais... Aufaite si vous voyez un truc les monstres, dites hin, guidez-moi, j'vois quand vous m'envoyez des messages, j'ai apporté une pocket-wifi pour pas vous perdre en route. Tu t'agenouilles sur ce qui semble être un vieux tapis. 

Tu trouves des trucs Eli ?

 La fouille continue.

Quittant le tapis avec une désinvolte certaines, tu te glisses derrière Eliwen pour t’approcher de ce qu’il semble s’être un canapé affaissé sur lui-même. L’envie de sauter dedans et de soulever toute la poussière se fait sentir mais pour l’heure, tu te contentes d’y passer tes mains, de soulever un peu le siège, de façon si délicate que le chat de tiktok ne manque pas de te taquiner à ce sujet. Quoi ? Mais niquez vous ! Lâches-tu en smirk faussement irrité. Ma douceur vous emmerde, j’suis une fille très douce, vous me connaissez pas bien c’est tout, humpf. Bande de faux fans.

Tu t’éloignes un peu de ton compagnon d’exploration et t’approches des fenêtres. Barricader, sceller par le temps, par de lourdes planches de bois, tu t’essayes à forcer, juste pour voir. Mais tout est bien cloué. Et à faire la conne comme ça, dans ton coin avec ces fenêtres condamnées, tu n’entends pas ce tout petit bruit dont parle Eliwen. Mais tu y prêtes toute ton attention. Tu finis par le rejoindre, ajustant ton sac sur tes épaules et ajustes la réception du son du micro. J’vous ai ajusté le son, dites moi si vous entendez un truc les gars. Tu viens ensuite poser une main sur l’épaule du jeune homme, en petites pressions. Non déso, j’ai rien entendu, mais si il y a des loirs ou des ratons-laveurs on devrait pouvoir les trouver !

Tu le suis, mieux encore, tu marches à ses côtés. Vous inspectez les pièces, un peu à la va-vite, jusqu’à ce que Eliwen te dise qu’en faite… peut-être… (la voix tremblante) qu’il y a quelqu’un. Vous n’êtes pas seul. Tu ne comprends pas tout de suite et ce n’est quand posant tes yeux sur le visage d’Eli entrain de se décomposer, jusqu'à en sentir sa peur au fond de tes propres os, que tu comprends que ce n’est ni prévu, ni marrant. Il est terrifié, c’est à peine si il arrive à tenir sur ses jambes… T’as envie de l’aider, de le soutenir et, c’est en soit ce que tu fais, sans trop réfléchir, quand tu viens te placer droite devant lui, posant tes mains sur ses épaules. J’te tiens. T'inquiète pas. On va pas se le cacher, la première chose à laquelle tu penses, c’est à une blague de mauvais goût d’un troller sur le net, alors tu ne te démontes pas. Ça doit être un connard d’hater qui fait une blague, j’m’en occupe, tiens moi tout ça. T’enlève ton sac, et tu lui passes ton téléphone. Si t'en sens le besoin, reste là, ou sors prendre l’air, j’vais aller le chopper, j’re.

Ainsi, tu t’éloignes et t’enfonces dans l’obscurité du manoir, lumière blanche sur le front, à la recherche de ce type bizarre qui a décidé de vous foirer votre escapade. À l'affût du moindre mouvement, comme féline aux pattes de velours, juste prête à bondir en esquive ou en attaque, tu l’appelles, lui parle, la voix assurée, forte, presque en rugissements désinvoltes.

Tu décides de te la jouer timide finalement ? Ça veut faire peur mais c'est même pas foutu de se montrer !

ıl ǝsʇ dɐs loıu

∀ ⊥ ⊥ Ǝ N ⊥ I O N

ƎƎԀ∀ɹ┴┴∀

Capturée, pour la première fois. Dans l’ombre, tu ne l’as pas vue venir… et pourtant… urgh, qu’est ce qu’il est grand. Plus grand que toi, plus grand qu’Eliwen, plus grand que tout. Un géant, un vrai. Il y a ce gargouillement quand il te chope à la gorge, quand ses grandes mains viennent s’enrouler comme corde épaisse autour de ton cou. Tu gigotes, te débats, mais tu gardes ce sourire suffisant, ce sourire inconscient qui rend le tout d'autant plus grotesque.
 
? ɹnǝd sɐ'ʇ

Non.

? snǝɯ nʇ ᴉonbɹnod

T’as envie de garder la face, de faire ta maligne, même face à la mort. Mais honnêtement t’avais pas envisagé les choses comme ça. Tomber d’un immeuble en plein live, ça c’était ce qui était prévu: crever en faisant ce que tu sais faire de mieux. Mais là ? Dans une vieille baraque étranglée par un clochard qui chouine d’avoir été là en premier…? Pas fou.

...!hmpf

T'essaye de parler, d'en placer une, mais il te tient bien serrer le con... T'as envie de dire à Eliwen de se barrer. Allez savoir ce qu'il a sous son gros manteau celui là.. T'as pas envie qu'il lui arrive malheur, t'as pas envie qu'il crève parceque t'as eu cette idée de venir ici. Non parcequ'il a peut-être, genre, un couteau, ou un flingue ? Il va peut-être finir par t'éventrer et te bouffer ? Y'a mieux comme façon de mour-

Puis c'est la naissance d'un héros.

Eliwen, armé de tout son courage bondit sur ton agresseur. Et il crie, il hurle, il rugit ! Féroce et brave, il te libère de cette emprise quasi surhumaine. Ton souffle revient, tu rattrapes une inspiration perdue et sens un vent de panique compresser tes jambes. Si t’as envie de fuir ? Pas vraiment, ton instinct te pousse à vouloir faire face, à confronter cet homme sorti de nul part, de l’afficher aux yeux de tous. Mais d’un autre côté… ça serait gâcher l'acte héroïque dont venait de faire preuve ton ami... alors touchée par sa prestation, touchée par sa peur quasi palpable, tu te redresses et lui attrape la main.

Façon on a tout filmé, t'es dans la merde mon gars !

Et tu pars dans le sens inverse, entrainant Eli' dans ta course.