daughter back please ?
En deux temps, trois mouvements, tu as trouvé quelqu’un pour garder les petits - ta vieille voisine de palier - et est sortie à la recherche de ta grande. Dans les rues des CDC, tu appelles son prénom mais rien. On te regarde comme une folle, c’est tout ce que tu as comme réponse. Parallèlement, tu continues de harceler son numéro. Messagerie encore et encore. T’es à deux doigts de craquer. Et plus les minutes s’écoulent, plus tu t’inquiètes. Le quartier est mal fréquenté et c’est toi qui a décidé de venir y vivre en étant au courant. S’il lui arrive quelque chose ici… S’il lui arrive quelque chose tout court, tu ne pourras pas le supporter. Tes yeux balaient les environs, cherchant du regard sa silhouette ou bien celle de ce type masqué. Bon sang ! Où est-elle passée ?!
jugement
19:27 - chiens de chasse - charlotte wheeler
Comme une mer de verre
semblable à du cristal
C'est alors que les CDC se drapent de leurs plus belles couleurs qu'il l'a vue - cette femme aux cheveux bleus. Du haut d'un toit, juché en haut d'un immeuble, il l'observe; deux sphères rouges qui ne quittent pas leur proie des yeux. Mais ce ne sont pas des intentions néfastes qui motivent Prudence cette fois-ci, oh non : c'est de la curiosité. Parce que cette femme, elle s'égosille, s'attirant les regards intrigués, presque outrés, des passants. Cora, Cora, Coraline, Cora. Elle s'acharne sur son téléphone portable, regarde autour d'elle.
Prudence se souvient - un bout de phrase, une bribe sans intérêt mais qu'il a retenu. Ma mère, elle a les cheveux bleus. Si tu l'as déjà vue, c'est sûr que tu t'en souviendrais. C'est cette femme, sûrement. La mère de Cora. Il n'y a pas de doute, ce serait une trop grosse coïncidence. Ce que Prudence a appris, depuis qu'elle est arrivée dans ces quartiers gris et pleins de vie, c'est que le monde est petit. Alors elle dégringole du bâtiment, s'accroche à fenêtres et gouttières, escalade les escaliers et les murs escarpés, et finalement elle se laisse tomber sur une poubelle large, provoquant un bruit infernal qui fait se tourner la femme aux cheveux bleus vers elle. Vous cherchez Cora ? Il lui est arrivé quelque chose ?, elle demande, avant de s'arrêter à un pas de la femme et de lui tendre la main - rendant son sourire audible dans sa voix, caché loin derrière son masque. Je m'appelle Prudence, madame. Je suis... une amie de votre fille. En supposant que Cora serait d'accord pour la considérer comme étant un de ses amis.
daughter back please ?
Un bruit fracassant retentit derrière toi, te faisant sursauter pas la même occasion. Tu te retournes pour voir ce qu’il se passe. Tes yeux s’écarquillent un peu en voyant cette personne masquée. Est-ce elle que tu cherches depuis le début ? Tu restes là quelques secondes. Immobile, interdite, silencieuse. Et puis une voix s’élève. Une voix qui parle de Cora et qui capte ainsi toute ton attention. Alors c’est elle, la fameuse nouvelle fréquentation inconnue au bataillon non ? Ça ne peut être qu’elle. « Cora ? Tu… Vous connaissez Cora ? C’est ma fille. Je ne sais pas où elle se trouve, ni si elle va bien. » Déblatères-tu. La panique se ressent sans doute dans les vibrations de ta voix. Tu sers la main tendue sans te poser plus de questions. « Prudence… C’est joli ! Je suis Charlotte. » Tu te présentes brièvement avant de reprendre. « Une autre de ses amies m’a dit qu’elle était sans doute avec vous. Enfin, elle ne m’a pas donné votre nom. Juste une description physique. Alors je suppose “qu’un type masqué” ça doit être vous… » C’est vrai qu’en y réfléchissant bien, cette Prudence pourrait ne pas du tout être la bonne personne. Juste quelqu’un prétendant l’être. Une théorie un peu capilotractée dont tu as l’habitude. « Elle est avec vous ? » Des paroles qui résonnent comme une prière. Une demande dont tu veux une réponse sincère. Même si c’est pour te dire qu’elle ne rentre pas ce soir. Tout ce que tu souhaites, c’est avoir la certitude qu’elle est saine et sauf ta petite.
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19:27 - chiens de chasse - charlotte wheeler
La main serrant la sienne est tremblante et Prudence l'enveloppe de ses deux mains, presque tendrement, dans un geste qui se veut rassurant. Qu'est-il arrivé à Cora ? Prudence hoche la tête en écoutant la femme aux cheveux bleus, toute ouïe. C'est un sentiment étrange et désagréable de se sentir impuissant face à la situation. Elle ne pourra pas aider ; le fait est que Prudence n'a pas vu Cora depuis quelques jours. Elle pince les lèvres et met en marche les rouages de son cerveau; ceux qui ne dorment jamais réellement, qui trouvent toujours quelque os à ronger.
Charlotte complimente son prénom et derrière son masque, Prudence rougit. Les joues cramoisies, elle essaie de ne pas laisser transparaître l'embarras innocent qui fait chauffer ses pommettes. Merci beaucoup... votre nom est très beau, aussi. Il vous sied. Ses mots se tordent un peu dans sa gorge serrée. Prudence est fière de son nom. Bien qu'il ne la sied peut-être guère.
Oh, je vois. Hm... En vérité, nous ne nous sommes pas vues depuis des jours, mais il est vrai que nous passions du temps ensembles. Coraline était une enfant agréable, drôle et intéressante. Elle lui rappelait Mai, en un sens. Je n'ai aucune idée d'où elle pourrait être, mais je pourrais vous aider à chercher. Elle adresse un sourire ténu à Charlotte, mais se rend compte que cette dernière ne peut pas le voir, alors elle l'efface, embarrassée. Elle se rend, aussi, compte qu'elle n'a pas lâché la main de Charlotte, toujours au chaud entre les siennes, et elle les lâche avec hâte.
daughter back please ?
Un espoir de courte durée quand tu apprends que Cora n’est pas avec lui. De nouveau, cette boule d’angoisse qui prend toute la place dans ta poitrine et t’étouffe. Toi qui pensais l’avoir retrouvée. Ça lui arrive de partir sans prévenir mais d’habitude, elle a au moins la décence de te laisser un mot, un sms, de t'appeler, ou juste de faire passer le message par Zephyr, Molly ou Liseron. Pas aujourd’hui. Et c’est ce qui t’angoisse le plus. « Si elle n’est pas avec vous… Alors où est-elle ? » Tu baragouines dans un murmure à peine audible, plus pour te décharger de la question que pour véritablement la poser car, comme il vient te le confirmer, il n’a aucune idée d’où elle pourrait-être. Si lui, la seule personne qui était censée pouvoir t’aider, ne sait rien du tout, alors comment vas- tu faire ? « C’est vrai ?! » Réponds-tu précipitamment alors qu’il te propose de l’aide. Le geste réconfortant s’efface quand il lache tes mains, pourtant il fait renaître l’espoir.
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19:27 - chiens de chasse - charlotte wheeler
Ce n'est pas juste, Prudence pense sans savoir pourquoi. Ce n'est qu'une pensée sans impulsion, sans but. Ce n'est qu'une bribe d'elle qui s'évade au vent rapidement, aussi vite qu'elle est arrivée - mais sa conscience l'attrape et s'accroche et s'interroge. Quoi donc ? Qu'est-ce qui n'est pas juste ? Que se passe-t-il ? Sous le masque, Prudence plisse les yeux. L'amour d'une mère est quelque chose que Prudence a connu, mais elle était jeune quand sa mère fut bannie et disparut de sa vie. Voir Charlotte est un déchirement, la réouverture d'une plaie qu'elle pensait disparue, dont elle avait oublié la cicatrice. Elle se retrouve confuse, troublée. Mourant d'envie de retourner prendre les mains de Charlotte dans les siennes, pour les sentir à travers ses gants épais, au cas où la chaleur faible lui suffirait, au cas où le contact serait assez pour faire taire ces pensées.
C'est un tourment que Charlotte ne découvrira jamais, car il est bien dissimulé derrière les défenses de Prudence. C'est sa qualité, c'est ce qui la rend intéressante - aux yeux du maître comme aux yeux de beaucoup. Oui, hm... La voix distordue par son masque hésite et se fane alors qu'elle observe la femme en face d'elle. Je ne sais pas si je pourrais vous être d'une grande aide, mais je ne veux pas vous laisser chercher toute seule. Et puis... je m'inquiète pour votre fille, moi aussi. Qu'est-ce qu'il lui a pris ? Que fait Coraline ? Où est Coraline ? Un petit sourire inquiet se dessine sur ses lèvres fendues et gercées alors qu'elle joint ses mains devant elle et triture ses doigts gantés. Si je peux me rendre utile d'une quelconque façon, indiquez-le moi. J'aiderai.
daughter back please ?
Prudence se propose de t’aider à chercher Cora. Un soupir de soulagement s’extrait de tes lèvres. À deux vous serez bien plus efficace n’est-ce pas ? « Merci… Merci beaucoup… Ça compte énormément ce que vous faites pour moi. » Tu déglutis et ton regard se perd à nouveau un peu partout dans le quartier. « On pourrait… Je ne sais pas… Vous voulez bien m’accompagner ? Peut-être que vous verrez des choses que je ne vois plus avec vos jeunes yeux. » En vérité, tu ne sais pas si la personne derrière le masque est si jeune que cela mais tu supposes que oui. Tu espères que oui. Tu n’as pas vraiment envie que ta fille traine avec des vieilles personnes. On ne sait jamais de quoi ils sont capables.
Un sourire crispé se dessine sur tes lèvres alors que tu commences à repartir à la recherche de l’adolescente. Et puis soudain, le bruit de ta sonnerie qui retentit dans la rue encore un peu agitée. Zephyr. C’est avec hâte que tu décroches après avoir glissé un « C’est mon fils ! » à Prudence. Et puis à nouveau le soupir de soulagement. Tout va bien. Fausse alerte. Elle n’est pas ou plus en danger. Il y a des larmes dans tes yeux Charlotte. Parce que la pression redescend. Parce que c’était effrayant. Mais tu les contiens. Tu es très portée sur les émotions mais tu ne vas pas fondre en larmes au beau milieu de la rue. Quoique tu en serais capable. L’enfant raccroche et toi, tu prends une minute pour souffler avant de reporter ton attention sur Prudence. « Plus de peur que de mal apparemment… Elle est rentrée mais a refusé de dire à son frère où elle était. Je tirerais tout ça au clair. » Tu souris à cette personne en face de toi, regrettant de ne pas pouvoir son visage. Tes mains reprennent les siennes. « Merci beaucoup Prudence ! Merci pour ce que vous vous apprêtiez à faire. Merci d’avoir bien voulu m’aider. Ça compte beaucoup pour moi… Vraiment. C’est de plus en plus rare de trouver des personnes qui ne s'intéressent pas qu’à elle dans ce monde. » Tu le lâches finalement. « Si vous avez besoin de quoi que ce soit, peu importe ce que c’est vraiment, j’habite en bas de la rue là-bas. Au 23. Vous n’avez qu’à sonner à Wheeler-Reyes. Et si ça ne répond pas, c’est que je suis au Mini-Market. Vraiment, n’hésitez pas d’accord ? »
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19:27 - chiens de chasse - charlotte wheeler
Si l'appel téléphonique et la confirmation que Cora va bien est déjà un soulagement en soi, alors la gentillesse de Charlotte est un coup au coeur. Prudence esquisse un faible sourire derrière son masque et elle triture ses mains en trépignant un peu sur place, timide. Non, non, ce n'est rien... Ne me remerciez pas. Surtout qu'au final, elle n'avait rien eu le temps de faire.
Elle baisse le regard jusqu'à la rue que lui décrit Charlotte en hochant la tête. Si elle ne voyait pas où était le Mini-Market -bien qu'une simple question à Mai pourrait changer ce fait-, elle voyait bien quel immeuble lui décrivait la jeune femme. Je n'hésiterai pas. C'était potentiellement un mensonge. Qu'aurait-elle à demander à Charlotte ? De l'aide ? Une épaule sur laquelle se reposer ? Une vague d'embarras l'envahit. Non. Elle est une adulte et a réussi à faire sans sa mère depuis un âge très jeune. Elle n'avait pas besoin... de l'appréciation de Charlotte pour se sentir mieux. Elle pouvait... faire sans. Un toussotement, camouflé en partie par son masque. Ce n'était pas le moment de faire sa sentimentale, n'est-ce pas. Merci beaucoup pour votre gentillesse, madame. Elle bredouille presque, penaude. Je... j'espère qu'on se reverra. Prenez soin de vous. Et juste comme ça, Prudence repart, de là où elle est venue et avec la même agilité. Peut-être plus rapide que quand elle est arrivée, cela dit.