la vie est cruelle avec Dallas, peut être pour le punir car lui même l'est un peu trop.

la vie est cruelle, mais il essaye tout de même de tirer son épingle du jeu. ou au moins, de ne pas se laisser abattre. et si les personnes qui acceptent ses avances le trouvent assez oubliable pour toujours croire que c'est un premier rendez-vous, eh bien il enchaînera les premiers rendez vous.

qu'il enchaîne les prétendants ou enchaîne les premières rencontres avec la même personne, au final le résultat est le même.

AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA♡

Vassili est là, juste là, dans la rue, au pied de l'immeuble qui abrite les stations de radios nationales, et il a l'air perdu, comme s'il ne savait pas qui il devait retrouver. il regarde autour de lui, et à chaque fois qu'il semble plisser les yeux en soupçonnant un passant quelconque d'être celui qui l'invite, c'est un p o i g n a r d de plus planté dans le cœur de Dallas.

pour mettre fin à ses propres souffrances, et aussi à celles de son rendez-vous, il s'approche enfin et brise le silence confus.

salut, beau brun. celle là, il l'avait déjà tentée une fois, peut être une des premières, dur de se souvenir (à croire que ces beaux yeux noirs sont contagieux), c'est dur d'innover quand on a pas tout à faire le cœur à ça.

c'est presque une bénédiction, pour une fois, cette perte de mémoire, car peut être que comme ça Vassili ne se rendra pas compte que le sourire de Dallas est beaucoup moins radieux. juste l'ombre de ce qu'il peut être, à peine bon à garder les apparences.

tiens, merci de m'avoir attendu, dit-il en prenant la rose qu'il avait à dans la poche-poitrine de son costume. à vrai dire, il n'avait rien prévu d'offrir à sa "nouvelle conquête", il avait failli oublié que c'était un nouveau premier rendez-vous, mais heureusement qu'il avait essayé de se mettre sur son 31 aujourd'hui car un invité était venu animer avec lui l'émission du jour.

le premier date est bien parti, avec une ambiance aussi délétère.

AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA♡♡♡

Dallas se dit qu'il n'est pas si fâché que ça, de toujours revivre le même premier rendez-vous. (mieux vaut se dire ça qu'avouer la réalité déchirante (les frustrations (la douleur)))

au moins, ce n'est jamais exactement la même chose, car Vassili le surprend toujours. surprendre, c'est un euphémisme pour dire que si son rendez-vous peut être étonné et charmé par l'effet de nouveauté et de surprise, Dallas, lui, est charmé par Vassili. ses mimiques, sa gêne, et surtout sa façon si adorable de l'exprimer, comme là,
là,
juste maintenant,
ce rire gêné,
Dallas s'en félicite, et le savoure.

c'est peut être une histoire condamnée à ne jamais s'écrire, à rester jusqu'au bout bloquée à la page de garde, mais au moins la couverture est belle.

et décidé à ne pas en perdre une miette, Cupidon observe l'objet de ses affections du moment, essaye de se souvenir de chaque détail pour deux, alors il est un peu déçu de le voir détourner du regard, mais il s'efforce de se rappeler la teinte précise qui colore ses joues enflammées.

de rien. c'est dit le plus naturellement du monde, d'une voix douce, même s'il y a une petite hésitation en voyant la tige de la rose... changer de couleur ? là où les doigts de Vassili se posent, c'est... insolite. c'est qu-
AAAAAAAAAAAAAAAAAAAÏE, PUTAIN !

AAAhein.
AAAAAAAAAAque. quoi.
Ahein.
AAAAAAcomment ?
AAAAAAAAAApou- pourquoi ?


juste au moment où leurs mains se sont touchées...
alors c'est ça, un vrai coup de foudre ? le ton se veut blagueur, mais Dallas est un peu plus touché qu'il ne veut bien le montrer, et ça finit pas se voir quand même. les cheveux un peu ébouriffés, et les joues un peu rougies aussi par la soudaine émotion. en tout cas, tu sais marquer les esprits ! conclut-il avec un sourire un peu rassuré. il ne l'est pas assez pour tenter de le toucher, il espère que le sourire suffira à dissiper la gêne qui est presque devenue palpable.

l'ambiance est toujours délétère, mais selon les critères de Dallas Decœur, ça s'est quand même un peu amélioré. merci au coup de jus ?

c'est tout bête, de pouvoir rire un peu, mais ça fait du bien. le rire de Vassili chasse les heures à écouter les doléances de pauvres âmes en peine incapables d'entretenir leur couple ou de faire le premier pas et qui croient que lui, Dallas Decœur (!) pourra les aider.

c'est mignon, comme ça, de le voir tenir la rose, peut être qu'il a peur de l'abimer en la mettant dans sa poche ? si c'était une femme, Dallas n'aurait pas hésité à la reprendre pour la poser dans ses cheveux, au dessus d'une de ses oreilles, mais les conditions ne sont pas exactement les mêmes, et
AAAAAAAAAAAAAAAAAAAbordel
AAAAAAAil vient de se faire électrocuter ?

Dallas aimerait encore faire rire Vassili, mais il sent que ce n'est plus exactement le bon moment. plein d'électricité ? et d'un coup, Vassili se referme, comme une anémone effrayée par les courants marins. plus de rougeur, plus de rire, ni même de sourire, mais cet air sombre.
triste.

et ça, Dallas ne le tolère pas.

allez quelque part, se changer les idées, c'est bien, c'est facile. allez boire un verre quelque part, c'est bien. c'est connu. c'est un rendez-vous. pas de tristesse, pendant un rendez-vous, non ? juste des sourires complices, et peut être une bonne nuit de sommeil après.

juste à côté, on ne dirait pas vu le quartier, mais il y a un bar, le genre pour les comptables quand ils sortent de leurs grattes-ciels. ça te dit ? je t'invite. on pourra parler de... euh, cette, euh, électricité ? et Dallas prend son courage à deux mains, car à force de prendre des rateaux et de persévérer, on gagne quand même un semblant de courage,
juste assez pour oser poser sa main dans le dos de Vassili, entre ses omoplates, d'abord un peu craintivement, mais en voyant que le choc ne vient pas, il ose appuyer un peu plus, même si la sensation est étrange, comme l'air brûlé par un arc électrique.

AAAAAAAAAAAAAAAAAmoi, c'est Dallas.

le sourire de Vassili va droit au cœur de Dallas. peut être même jusqu'à celui de Donovan, mais il préfère ne pas y penser trop fort, de peur de s'attacher et de demander plus qu'on ne pourra jamais lui offrir en retour.

à quoi s'attendre, quand il faut repartir à zéro ? mais ça vaut le coup,
promis,
pour ce sourire.

eh bien, allons-y ! le sourire est large mais faux, comme d'habitude, peut être plus que d'habitude, en fait, car il y a ce bras que Vassili refuse de lâcher, et son corps peut être un peu trop chaud pressé contre ce bras,
et Dallas ne pense qu'à ça pendant le court trajet à pied,
il ne pense tellement qu'à ça qu'il est lui même surpris quand il reconnait la porte.

c'est juste là, et ça ne paie franchement pas de mine, ce petit bar au mobilier minimaliste avec seulement quelques tables, mais seul le comptoir est occupé par une rangée d'employés frustrés, la plupart en tête à tête avec leur verre et leur smartphone, certains chuchotent à deux sur un certain manager tyrannique sans oser dire son nom à voix haute, de peur de l'invoquer. le genre d'endroit ou personne ne dévisage trop les autres, de peur de se mêler de problèmes qu'ils aurait du éviter.

Dallas guide doucement Vassili jusqu'à la table du fond et lâche son bras à regret pour s'asseoir en face de lui. il ne faut pas longtemps pour interpeller le barman. un cognac, et... ? son regard se pose sur Vassili. il varie tellement les « premier rendez-vous » qu'il ne sait même plus ce que son charmant invité aime boire. peut être que c'est vraiment contagieux ?
voyons, c'est la première fois qu'ils viennent ici. la dernière fois, c'était au parc,
et puis il y avait eu cette fois au cinéma, le film était vraiment nul, je crois,
et puis avant...
juste un tour en voiture... ?
et puis... enfin... ...
avant ça... ?
???

Dallas est dans son élément, comme un poisson dans l'eau, au milieu d'un bar, un verre en face de lui, et un joli garçon de l'autre côté de ce verre.

il ne sait malheureusement plus vraiment combien de fois il a joué à ce jeu précis avec ce joli garçon précisément, dans des configurations probablement toujours assez similaires, mais il doit être trop attaché pour s'en lasser. ou peut être juste accro au fait que Vassili ne se laissera jamais de lui, espérons le. et si quelque chose peut réconforter Dallas à ce sujet, c'est peut être la jambe qu'il sent effleurer la sienne et qui lui arrache un grand sourire.

le sourire de Vassili ne fait que l'enchanter un peu plus, et Dallas boit une première gorgée, satisfait. aujourd'hui, il n'abusera pas. il veut être sûr de se souvenir d'aujourd'hui, quitte à oublier leur rendez vous un peu plus catastrophiques. si seulement Vassili pouvait aussi se souvenir d'aujourd'hui, juste d'aujourd'hui, tant pis pour le reste, tant pis pour tout...

oh, dans le fond, ce n'est jamais la même personne qui appelle, mais ça se ressemble, le travail... encore quelqu'un qui n'arrive pas à aborder la fille qu'il aime, encore quelqu'un qui n'arrive pas à oublier son ex... à ces mots, le sourire de Dallas se crispe, et il se dépêche de boire une gorgée pour s'empêcher de parler.

il serait mieux de changer de sujet. et toi, ta journée ? pas trop d'amendes ?

cela demande plus de réflexion que ce que l'on croit au premier abord, la séduction, et encore plus quand on essaye de cacher ce que l'on sait. la randonnée sur le bord de la falaise devient un numéro de funambule, et,
bien sûr,
Dallas trébuche et se casse la gueule.

il ne le sait pas encore, mais c'est peut être le début d'une série noire, le début de tout un tas de chutes qui le mèneront jusqu'au fond du gouffre.
mais le gouffre est encore loin, il est là, tout en bas, et Dallas vient simplement de trébucher sur le bord.

c'est tellement rien qu'il tente de cacher son embarras avec plus ou moins d'habilité, bois deux gorgées de son verre d'un goût pour trouver une réponse crédible, et se détend quand il trouve quelque chose de potable. on se connait quand même un petit peu, à moins que tu ne donnes ton numéro à des inconnus complets ? préviens moi, je vais presque être jaloux... un petit sourire qui se veut blagueur pour conclure cette pirouette un peu audacieuse.

heureusement, une excuse parfaite se pose juste devant lui. enfin, vibre dans sa poche, là, et pas la poche intérieure gauche de sa veste, non, mais la poche droite. le deuxième téléphone, encore plus cabossé que le premier, et ah merde, c'était ce soir la réunion ? mais ce n'est pas vraiment une excuse,
juste une esquive.

cul sec, vite, puis le portable est à nouveau rangé sans même avoir décroché,
et Dallas se relève en offrant son plus beau sourire d'excuse, et c'est sincère. voila ce que c'est de n'écouter que son cœur, on en oublie son agenda... mais le sourire s'estompe quand il se dit que ce n'est peut être même pas grave, si Vassili ne lui pardonne pas, car si ça se trouve, il ne se souviendra pas de ce rendez-vous non plus.

et ça, ça fait très mal.

assez pour ne pas pouvoir cacher cette expression attristée. il se dépêche de fuir pour ne pas avouer de bêtises, mais quelques mots traîtres lui échappent pourtant.

j'espère que cette fois c'était assez plaisant pour que tu t'en rappelles...