CRYSTAL
Tes yeux curieux balaient les étagères encombrées de babioles. Tes mains baladeuses viennent attraper un caillou creux. L’intérieur brille et, selon la lumière, change de couleur. « C’est beau n’est-ce pas ? » Une voix derrière toi te fait sursauter. Tu reposes à la hâte l’objet que tu tenais. Tu fais comme si de rien n’était. Comme si tu n’avais touché à rien. Et elle rit, cette femme. Pas un rire moqueur. Plutôt un rire charmé. Elle s’approche de toi, la jolie blonde à l’accent allemand prononcé. « C’est une géode, un cristal de roche. Tu en as déjà vu ? » Tu secoues la tête. Sa main délicate replace une mèche derrière ton oreille. « Je m’en sers pour mes méditations. » Tu dois probablement tirer une sale tronche puisqu’elle se met à rire à nouveau. « C’est de la lithothérapie. C’est pour t’aider à te recentrer et à canaliser ton énergie. » Tes sourcils se froncent. « Mais… c’est juste un caillou qui brille… » Un beau caillou mais un caillou quand même. Son sourire s’étire un peu plus encore. Elle se retourne, fouille dans un tiroir. Cherche encore quelques secondes. C’est avec un enthousiasme qu’elle ne cache pas qu’elle te tend un collier. Au bout se balance une pierre rose que tu regardes, intriguée. C’est beau. Plus encore que le cristal de roche. Tu n’oses pas l’attraper. Tu n’oses pas y toucher. Tu as peur qu’on te dispute. Tu as peur qu’on t’abandonne encore. Alors tu gardes tes mains contre toi. Elle se penche vers toi, accroche le cordon autour de ton cou. Son odeur est délicate, douce, comme elle. Tu sens tes joues chauffer, s’empourprer. « C’est du quartz rose ! Parfait pour toi. Tu sais, c’est une pierre qui vient du Brésil, comme toi. Et puis, c’est aussi la pierre de l’amour, du chakra coeur. Elle apaise les blessures affectives. Je sais que tu en as. Je sais qu’elles sont profondes. Mais avec ça, tu nous auras toujours toujours avec toi Willem et moi. Tu es notre fille Ofelia. » Tes yeux s'embuent. Les larmes montent. Tu ne vois plus rien. Ça ruissellent sur tes joues. Tu ne te souviens pas de la dernière fois que l’on t’a fait une telle déclaration. Peut-être parce que ça n’est jamais arrivé. Et à travers tes larmes, ton sourire s’étend et s’étend encore. Plus grand qu’il ne l’a jamais été. Merci Maman.