début novembre
Il fait moche. T'as l'impression que ce mois de Novembre est juste une succession de journées brumeuses, froides, humides. Ton oeil te fait mal, ton épaule te fait mal, tes jambes te font mal. Il fait pas bon vieillir mon vieux. C'est probablement ce que tu t'es dis quand t'as posé la môme à l'école ce matin là, avant de te barrer en catimini jusqu'à la périphérie. Tu voulais marcher, marcher, marcher, après avoir vu l'adresse, mais t'avais bien dû te faire à l'idée que t'en avais pas la force. Et t'avais pris le bus, dans le sens inverse de tous les autres. Juste le chauffeur qui te lançait des œillades inquiètes et toi.
Il doit penser que j'compte l'agresser au terminus, tu penses. Sauf qu'au terminus, tu descends sagement, et tu mets les deux pieds dans une flaque de boue froide. Long soupir. Heureusement que tu fais ça pour elle. Là haut, la boue, la brume, le froid, l'humidité, ça n'avait que peu d'importance. Mais revenu ici, ça prend soudainement une autre ampleur. Peut-être est-ce l'accumulation des événements de ces derniers temps, sans doute. Tu n'en sais rien, tu profites juste de ton libre arbitre, actuellement. Advienne que pourra. Tu as récupéré le numéro, tu ne sais même plus comment, il te semble qu'il l'avait noté quelque part. Tu grilles ta clope paisiblement, au milieu de la rue déserte et tapote adroitement sur le téléphone. L'avantage d'avoir qu'une main, c'est que l'autre n'est pas glacée, hein.
C'est tout. Elle saura pas que c'est toi, mais si tu dis que c'est toi elle ne te croira pas, alors autant être bref, pas vrai ?