pitié —

Les négociations, ce n'est pas tellement ton fort, et encore moins quand tu sais que tu n'es pas en position de gagner. Ça, Zalera Solar te l'a très bien fait comprendre. Tu es jetable, tu n'es là que pour certaines connaissances, certaines aptitudes de renseignement, certains liens avec d'anciens employeurs. Tu n'es là que par intérêt, elle n'a aucune affection pour toi et n'en aura jamais. Mais Zalera Solar a quelque chose que tu veux, et c'est Prudence.

Retenue quelque part dans les dizaines de pièces du sous-sol du manoir Solar, Prudence t'attend. Tu as promis de revenir la voir avec de bonnes nouvelles, et tu as promis de le faire vite. Dans l'idéal, tu voudrais la voir dehors, libre, mais tu sais que les choses ne se passent pas toujours comme on l'entend. Alors, à défaut d'être libre, Prudence pourrait être vivante.

C'est peut-être pour ça que tu te glisses par la porte du rez-de-chaussée, direction le sous-sol, dans l'espoir de lui dire, de lui expliquer que les négociations avancent, un peu, qu'elle pourra peut-être rejoindre vos rangs, même si ça n'a rien d'idéal, pour vous deux.

pitié —

Pardonnez lui l'expression mais Athéleïs te fout les boules, Viktor. Ouais, il te fiche la frousse, mais bon, un gars de plus de deux mètres, battit comme un gratte-ciel et ... avec cette aura. Et puis, croiser Athéleïs dans un petit couloir, c'est aussi savoir que la seule façon de se barrer c'est de faire demi tour, et croyez mois vous n'avez pas envie de tourner le dos au chasseur. Il te sourit, tu lui rends la politesse, avec un brin de fatigue au visage.

Salut Athéleïs. Reste chill Viktor, tout va bien. Il a pas autant de ressentiment pour toi que pour Hazel, tout va bien. Tu l'espère, du moins. Vous avez vraiment jugé bon de monter la garde ? Nouveau soupir, tu le détailles un moment avant de lui sourire un plus sincèrement, avec un peu plus d peps. Tu négocieras une entrevue avec Prudence dans les règles, alors. Je suis sûr que t'as rien mangé ce midi, tu veux que je te prépare un truc ? De toutes évidence tu vas pas me laisser passer, alors autant faire quelque chose d'utile.

pitié —

Le frisson qui court dans ton dos te ferait presque mal, tu ne le quitte pas des yeux, comme si au moindre mouvement tu t'apprêtais à filer mais... il avance, et tu ne bouges pas. Tu croises les bras dans un cliquetis métallique et le considère. Je suis peut-être vieux, mais je suis pas gâteux. Je sais que tu m'exploserai en deux secondes. À tous les coups, cette racaille d'Athéleïs court plus vite qu'un guépard alors merci mais non merci.

En fait, c'était sincère. Tu vas pas me laisser passer, et j'ai pas envie que tu croupisses ici tout seul, donc remonte avec moi. Hé ben, tu n'imaginais pas pouvoir autant rester calme, mais tu ne te sens pas non plus en danger de mort, nul doute qu'il arrivera à te faire changer d'avis dans les dix prochaines secondes.

pitié —

Cool. T'as envie de l'éloigner d'ici, déjà parce que putain t'as pas envie de savoir qu'Athéleïs ennuyé est pas loin de Prudence enfermée, pour commencer, et ensuite parce qu'il a besoin de voir un peu de lumière, il va dépérir à force. Tu le traines jusqu'au rez-de-chaussée et avise la cuisine, puis le salon. Zalera est au journal, Hazel à son cabinet et Samson... T'en sais rien, Samson est ce genre de mec qui apparait au détour d'un couloir et te fait sursauter à chaque fois, mais tu l'aimes bien. Même Athéleïs, même s'il pourait faire du smoothie avec toi en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, hé bien, tu as un peu de tendresse pour lui. Et aussi étonnant que ça puisse paraître, tu en as aussi pour Zalera. Tu as vu son état, lorsqu'elle a apprit pour Hazel, lorsqu'elle est allé trouver l'entité. Tu sais, sans savoir. Ils sont tous attachants, humains, et c'est bien ce qui t'emmerde.

Tu veux manger quoi ? Je te prépare un bon steak ou tu veux commander un truc ? Un grand garçon comme lui, il faut manger voyons.

pitié —

Dis le si j'te fais chier hein. Tu roules des yeux, et voilà que tu le traites tout à fait normalement, après tout pourquoi pas, est-ce que ce serait pas bizarre de le traiter comme un espèce de monstre ? Hazel fait ça, déjà, et c'est sûrement des griffes d'Athéleïs qu'il mourra la prochaine fois, malheureusement. M'enfin. Toi tu l'aimes bien, et tu hausses les épaules avant de te mettre à bidouiller un truc, un peu de viande, quelques légumes - des haricots poelés, genre l'excuse des légumes mais avec beaucoup trop de gras pour que ce soit encore sain - et tu le fais installer au comptoir de la cuisine, avant de lui poser son assiette et lui sourire.

J'aime pas quand tu sautes des repas. Ok papa Viktor.

pitié —

Non mais oh. T'as pas eu le réflexe de reculer mais le sifflement de la fourchette te ramène à la réalité et le froid de son enfoncement dans le mur te laisse quelques instants septique. Il aurait pu te tuer... Mais il ne l'a pas fait ! Y a du progrès, non ?

J'ai déjà mangé. Et j'ai supposé que tu ferais la gueule pour manger tes légumes, et que je devrais les manger à ta place. Tu fronces les sourcils, plisse un peu le nez, les mains posés de part et d'autre sur le comptoir, tu l'observes droit dans les yeux. Il va penser que tu le mets au défi, t'es vraiment trop con Viktor.

pitié —

Eh ? Non mais pour qui il se prend ce sale gamin ? Il sait pas à quel point c'est dur de trouver de la nourriture, parfois, dans les montagnes ? Tu penses à Prudence qui aurait sans doute bien voulu cette assiette - même si Viktor, tu as mis du poivre, pas vrai ? - l'idée te fait sourire, sourire que tu remballes rapidement, tu veux pas lui faire la satisfaction de le laisser penser qu'il t'amuse. C'est pas le cas. Athéleïs est un gamin mal élevé en quête d'attention ou il l'était, du moins. Maintenant c'est un adulte, et il va falloir penser à assumer et manger ses légumes. Ok, tant pis pour toi.

Tu soupires, ramasse le bordel, jette les morceaux d'assiette avec la viande et les légumes, bye bye à la poubelle. Tu sais que la propriété Solar est immaculée et tu pourrais manger sans problème ce qui tombe par terre, mais tu sais aussi que du sang a été versé ici. Par respect, tu vas donc éviter. Et puis les morceaux de porcelaine, ok ça croustille mais c'est pas ton délire. Tu te sors une bière du frigo et reviens te poser face à Athéleïs. Il ne t'a pas quitté des yeux. Tu sais, je t'ai préparé ça parce que je m'inquiète sincèrement pour toi. Tu as l'air fatigué, Viktor.

pitié —

S'en suit un long silence. Tu ne le quittes pas des yeux, et ton unique oeil noisette parcourt son visage avec inquiétude. Tu n'as pas peur pour toi, dans cet instant. Loin de là, même. Puis tu détends tes épaules, te redresse un peu. Tu ne cherches pas à paraître, tu n'as jamais été bon à ça, et tu as cessé d'essayer en quittant Polaris la première fois. Aucun des habitants de cette maison ne pourrait t'obliger à faire semble. A part peut-être la petite, et encore, seulement dans son propre intérêt. Ouais, et ? Pas de posture défensive, pas de bras croisés, tu as les mains bien posées de part et d'autre sur le comptoir et continue à l'observer fixement. Quel insupportable adolescent en crise, sérieusement.

Tu sais Athéleïs, j'en ai rien à foutre d'être pitoyable. Je veux juste que tu manges et que tu ailles bien. Tu sembles pensif, quelques instants, avant d'afficher un sourire plus franc, plus vrai. Non, la situation me plait pas, et savoir que ma nana est enfermée au sous sol non plus. Mais ça m'empêchera pas de m'inquiéter pour ton état et pas te lâcher les baskets, rentre le toi dans le crâne.

pitié —

Eh. C'est la seule réaction qui te vient en l'entendant. Oh, il sonne comme quelqu'un qui semble bien déterminé à t'encastrer la tête dans le mur ou dans le comptoir de la cuisine, juste pour voir ce que ça peut bien faire, ou comment c'est dans la tête d'un humain, mais tu n'as aucune idée de la bonne façon de réagir. Alors, tu préfères ne simplement pas réagir. C'est sans doute ce qui le fera déguerpir le plus vite, et tu pourrais peut-être apporter quelque chose à manger à Prudence, de quoi la réchauffer, et la rassurer.

Tu as besoin de quoi, pour être amusé ? Bras croisés, attitude fermée, tu sais que tu as fais une erreur, mais c'est plus fort que toi, tu t'inquiète pour ce grand dadet d'Athéleïs.

pitié —

Tu l'observe s'éloigner vers l'ascenseur et considère qu'actuellement il prend sur lui pour ne pas te casser la gueule. C'est plutôt nouveau. Peut-être qu'il est quelque part un peu touché que tu t'inquiète autant pour lui, et peut-être qu'il te considère juste trop vieux et trop abîmé pour être un véritable adversaire, allez savoir. Toujours est-il que tu ne dis rien. Tu ne le laisse partir, Viktor, parce que si Athéleïs a besoin de souffler, c'est ton occasion de te faufiler jusqu'au sous sol.