Le soleil faisait vibrer le ciel d’une mélodie inconnue de mes sens tandis qu’une brume malicieuse s’enroulait autour des fragiles morceaux d’air autour de mes mains. Les mots jurons tâche l’impecable silence de la matinée injuste, la matinée trop lègère pour être sincère. Mes yeux voulaient nettoyer l’étrange souillure dissimulée sous mes cils et le moindre de mes soupirs étaient un aveu en eux-même. Le bruit clair des bracelets d’argents reviennent dans l’écho des choses qu’on ne dit jamais pourtant elle ne peut que continuer.

Il fallait bien vivre, voilà tout. L’essentiel de ma vie se tenait sur un bout de papier plié en deux et jeté à celui qui voudra bien l’attraper, un petit papier bien traître et conteur de choses très ordinaire. Ce que j’aime manger, ce que j’aime faire, ce que j’aime pas voir, ce que j’aime pas boire, ce que j’aime pas décider et des milliers de nuances répandues sur le sol de ma conscience fioritude.

Premier horaires et les portes de plastique grinçent avec l’accoutumée grincherie des mamies coutumières à la présence de la femme. Pas un bruit, pas un mur, la seule odeur fainte des légumes et fruits semblait tirer dans ce monde monochrome une épingle étrange d’un jeu déjà abandonné par les capricieux enfants du destin. Je ne me préoccupe pas des choses ordinaires, la caissière a un visage que je reconnais sans le voir et la brume légère des heures d’Eos endorment mes sens. Une salutation, on sourit et on avance.

Les ingrédients s’accumulent dans le panier trop usé et percé d’une balle, il paraîtrait que les choses les plus flashy sont souvent mortels et mes pensées s’égardent bien trop face à ce paquet de biscuit d’un rouge trop vif pour être honnête. Eh, qui pourrait se questionner sur l’honnêté d’un paquet de biscuit ? Personne.

Oublions les mots, j’oublie les termes
nettoyeons le verbe, j’effacerai le nom.

Et ainsi au gré de mes errances, il fut temps de payer. On pose automatique mouvement que les mains ont l’habitude d’effectuer sans la pression de l’amas de cellules logées bien chaudement dans mon crâne, et les yeux se fixent au sein de la chevelure azurée de la vendeuse.

Azur comme le rire de Charlotte, Azur comme les gâteaux qu’elle réussisait à faire passer sous la table pour mes anniversaires, Azur comme les petits cartons sur le sol et qui faisaient la joie de ses mioches. Azur comme Charlotte..

Et je me réveille.
Charlotte, devant moi. Mes lèvres se mouveoient mais aucun son n’émerge et les mains pleines de choses néfaste pour ce corps humain restent suspendues comme perdues dans la continuité de l’espace-temps.

-Charlotte ?

Une question d’une voix trop enfantine pour être acceptable pour l’adulte dessinée par la force de mon sang.

-Je…tu…tu travailles ici ?
Oh madré, la claque que j’aimerai me foutre actuellement. Les yeux de Charlotte n’ont jamais semblé autant limpides que maintenant, dans ce matin oublié de tous, j’aimerai tant m’y noyer.

Elle sait, je ne sais pas ce qu’elle sait mais elle le sait.
Les pensées sont comme des lucioles dans mon esprit, éclairant vainement les moindres parcelles des choses enfouies en moi. Je ne veux pas y repenser mais le ton de Charlotte appuyait étrangement sur ses plaies purulentes, comme si tout voulait s’ouvrir à nouveau.

Danh et sa magie à deux balles
Les CDC, adulte capricieux toujours prêt  à prendre plus, plus de tout, plus de rien.
Plus rien n’était clos désormais et la réaction séche était un énième rejet derrière sa caisse rustique.

Défense instinctive, mes lèvres se retroussent derrière mon maquillage fait à la hâte de mes caprices et tout s’accumule en moi.

-Je suis là, c’tout. J’ai un ‘blème avec les vieux, j’ai préféré partir et c’est pas cher ici - reniflais je sous mon souffle, aiguisant mes mots avec la férocité d’un chaton.

Mots crus, l’angoisse se joue de la colère pour apparaître plus incroyable mais les yeux de ma soeur me rappelaient ceux luisant de puissance quand tout le petit monde venait dandiner autour de la table. Elle riait fort, Charlotte. Mais quelque chose n’allait pas dans son regard, ses mains étaient callosées et ses yeux semblaient si lourd de tout. Elle semblait avoir prit une décennie depuis la dernière fois.

(Elle ressemblait à une survivante, qu’on montre à la télévision quand on parle encore et toujours des heures “sombres”)

-Danh n’te l’a pas dis ? Il m’a croisé ici…j’crois il y a 6 mois ? Enfin…

Fripouille qui s’affaisse, regard qui glisse autour de moi. Le matin était propisce à la mort et au calme du sommeil. On m’avait dit des choses ici, on m’avait dit que c’était malfamé et dur. Je savais que tout avait changé pour Charlotte, on avait bien craché sur les groupes de message qu’elle n’était plus la même. Je ne sais pas faire rire, je ne sais pas lancer une blague pour détendre l’ambiance, mes rires sont faux et mon sourire est perdu, quand je le retrouve il est un peu déchaussé et déphasé comme un soleil au rabais.

-...je suis juste là quoi…tu vas bien ?

Inquiétude sincère, parée de mes intentions dilapidées par le monde en liberté dans mon être fracassé.

E colère de Charlotte m’agite les tripes, cette peur infantile que je connais que trop bien.
Putain, putain, putain.

J’sais plus quoi dire, j’sais plus quoi faire. Tout se mélange sous ma caboche, l’air anxieux de Charlotte n’était pas ordinaire. Quelque chose semblait peser, quelque chose de différent que les organisations, les enfants, la tambouille du soir. Des problèmes d’argent? Mon coeur se serrait à l’idée de voir Charlotte dans le pétrin commun des petits gens, mais cela expliquerait sa présence ici. Non, non, je ne pouvais pas juger et dire, ce n’était pas mes oignons.

-Je sais Charlotte…je voulais juste…sortir de là bas. C’tait pas chez moi.

Et ça ne l’a jamais été, chez moi. Voir un plus grand monde, voir un endroit où les gens se foutent de qui est papy, mamie, de qui je suis, d’où je viens. Ça n'avait pas de prix, ou si, ça en avait un. Ma tête se secoue, plus fort que moi puis un sursaut. Le bruit de la caisse écrasée sous la poigne de Charlotte éveillait trop en moi. Six mois depuis que j’étais découverte, 1 an depuis que je vis ici. Désolée ma soeur, je ne voulais pas te le dire. Désolée mes chéris de neveux, je ne mérite pas que vous me voyez. Piteuse, je l’étais. Mon regard ne pouvait plus soutenir le sien et mes épaules tombaient lourdement. La nuque était exposée tandis que les mots de Charlotte tombaient comme la pluie lourde des saisons tropicales.

-J’avais…j’avais beaucoup de choses à régler.

Mes dents s'enfoncent dans ma lèvre tendre et le regard balaie avec insistance le sol crasseux, dans l’espoir stupide de trouver une faille assez grande pour m’enfouir toute entière dedans.

-Tu m’as manqué Charlotte, je suis sincère. Je…je ne devrais juste pas me montrer ainsi. Danh, c’était un accident, voulais pas qu’il sache. Fais un bisous à Coraline et à tous tes petiots, je t’expliquerai un jour.

C’était promis Charlotte, un jour ça ira mieux. Un jour, j’serai libre et on pourra manger tes pancakes en regardant la télévision. Tu nous parleras de tes affaires et de tes emmerdes, on sera heureux, on sera connement heureux. Je risque un coup d'œil, un ptit. Le visage de Charlotte n'avait aucune émotion, si ce n’est cette profonde exhaustion sur son visage. La mâchoire était serrée et blanchie par cette colère réprimée et la culpabilité envahissait encore une fois mes pensées.

-Vais bien aussi!

Le ton se force à être enthousiaste, énergique pour chasser le milliard de regard sur nous. Jamais été une grande menteuse mais il fallait savoir donner la change pendant que mes mains s’activent. .

-Si tu veux…enfin ! Maintenant que tu sais, viens chez moi. Je cuisine toujours pas super mal, et je pense qu’on a des choses à se dire. j’te dois combien?

Paroles en l’air mais mes sentiments étaient profonds, Quelque chose n’allait pas en elle, quelque chose ne tournait pas rond dans cette ville.

Inquiétude franche, parée de mes intentions dilapidées par le monde en liberté dans mon être fracassé.

Jamais eu de chez moi, les mots se figent au fond de ma gorge serrée. C’est si facile, oh, si facile. Toujours pareil qu’on juge sa situation sans la connaître, qu’on pense me prendre pour une gamine sans rien dans le crâne, j’ai rien ouais. C’est vide et creux, un caillou ricoche sans fin au fond de mon crâne, ça rebondit sans fin entre les erreurs. C’était facile de regarder ma situation et de me juger stupide, je le sais. Je le suis, c’est comme ça.

Mes yeux se détournent et la boule de colère s’installe au fond de mes yeux humides, merde, j’ai jamais rien demandé à personne. J’voulais pas qu’on s’occupe de moi, j’voulais pas des jouets et des robes, j’voulais juste trouver une personne que je pourrai appeler moi. Un long soupir vient border les mots de Charlotte, ça ne servait à rien au final. Fallait mieux hocher la tête avec l’air naif des jolies filles, dommage soeurette, ça me serrait le coeur de me dire qu’on en finit ainsi.

Ce n’était pas l’amour qui guidait mes choix, ce n’était pas la colère. Et Charlotte était bien loin de tout ça malgré la culpabilité et l’affection intense que je nourrissais pour elle. C’était…juste cruel. Une phrase flottait dans mon esprit tandis que le bruit des machines ordinaires sonnaient à mes oreilles comme une mélodie désincarnée et doucement, le regard revient vers Charlotte.

Poils qui se dressent, le souffle se perd. Charlotte était hideuse, une étrange lueur semblait émaner d’elle, c’était glaçant. Quelque chose oppressait mon coeur et tout se

d e l i t a i t.

(non)
(non)
(fuyons)

Il ne valut rien à mon cerveau pour juste déposer le billet et se retourner. Plus besoin de parler, plus de penser. La peur était un poison bien trop familier. Le coeur était lourd et bien malgré moi, je quittai le magasin.

(j’en trouverai un nouveau)

Est ce vraiment ma soeur?
Je ne veux plus la revoir.
Plus revoir personne.