mord —

C'était finalement assez simple de suivre la trace du tigre - et tu faisais référence à Athéleïs, pas à l'une des têtes pensantes de la mafia Polarisienne, on est bien d'accord - il n'avait pas la discrétion de Samson et l'étrange subtilité de Zalera. Tu t'étais retrouvé à marcher dans ses pas, par inquiétude et curiosité. Athéleïs sortait, souvent, parfois de bonne humeur, parfois non. Parfois il ne faisait rien, parfois il faisait n'importe quoi. Tu n'avais pas reçu d'ordres, en vérité, rien d'autre que l'instinct te criant qu'il fallait suivre, pister, ne pas perdre sa trace. Sans doute que tu avais appris beaucoup aux côtés de Prudence, mais il aurait encore fallu te le faire admettre, et ce n'était pas gagné d'avance.

Et pourtant, lorsque tu avais perdu sa piste, quelque part entre les CDC et l'Octant, dans les rues peu animées le soir, il te semblait avoir trouvé quelque chose d'autre. Quelque chose de sanglant et de vulnérable. Ta curiosité était piquée. La silhouette gracile dans le fond de la rue n'était pas familière, à première vue. Tu aurais pu y retrouver l'un des liés du cercle de Prudence, mais il ne te semblait pas. Juste un enfant, ou un jeune adolescent, il te semblait. Mais le sang, le sang lui ne manquait pas de t'interpeller. Athéleïs était responsable ? Pas forcément, en vérité. Comment savoir.

Eh gamin, tout va bien ? Ta voix n'est pas certaine, et si c'était un piège ? Les rues sont étroites, et Zalera n'a pas manqué de vous rappeler que vous vous deviez d'être prudents. Tu n'as pas les capacités physiques d'Athéleïs, et tu n'as pas de pouvoirs. Pour ce qui est d'Hazel ... Tu ne préfères pas y penser. T'es pas blessé, non ? Le sang, le sang Viktor, si seulement tu pouvais mieux voir.

mord —

Ha, putain fait chier. Annoncé aussi calmement que ça aurait pu l'être. Tu connais le visage, et tu connais cette couleur, ce ton de voix. Tu te revois plongé dans le passé, à une époque à laquelle tu ne voulais pas penser. Tu te souviens de l'explosion, des lumières vacillantes, tu te souviens d'elle penchée au dessus de toi avec le même air que tu offres aux enterrements, le respect en moins. Et tu te souviens d'être réveillé dans une chambre d'Aether, quelque part dans le labo, avec un bras mécanique et un œil en moins. Putain. Mais surtout, le goût de métal dans ta bouche quand tu as dû gérer la situation, le sentiment de légèreté et le choc d'être déséquilibré, d'avoir quelque chose en moins. Et puis le non moins fameux les bras m'en tombent dis donc, puis le rire douloureux, avant de tourner de l'œil. D'un seul, du coup.

Tu approches et glisse de force tes mains contre la plaie, tire un morceau de ton t-shirt, déchire avec l'agilité du métal et enroule autour de la plaie, force. Ça fait mal mais avec un peu de chance on peut sauver une partie. Tu lances. Qui ça on ? Tu n'en sais rien. Les urgences. T'as pu appeler quelqu'un ? Et vas-y que tu lui parles comme si c'était ta nièce ou une connerie du genre. Tu l'observe un instant avant de glisser ta main libre et non mécanique dans ta poche pour en sortir un flacon de médicaments. Je prends ça quand la douleur est trop forte, jsais pas si c'est bon pour toi mais j'ai pas envie que tu tourne de l'œil. Sourire désolé, tu la pousses un peu contre le mur, histoire de prendre appui, et l'observe. C'est quoi ton nom ? Moi c'est Viktor, mais si t'as la flemme tu peux m'appeler Vik. Mais tu connais la réponse.

mord —

Tu l'observe d'un air inquiet, Leto est un petit brin de nana, elle a l'air toute jeune. Sûrement une étudiante. La vérité, c'est que tu ne sais pas grand chose sur elle, juste des suppositions, des phrases échangées à mi-voix entre Hazel et Zalera, juste quelques ordres lancés à l'encontre d'Athéleïs. Tu n'imaginais pas tomber sur elle maintenant, alors qu'il a entamé le travail. Et honnêtement, Viktor, t'as vraiment tout sauf envie de le terminer, ce travail. Tu veux pas lui faire du mal, au contraire, c'est sincère lorsque tu t'inquiète, lorsque tu lui tends ses médocs. La pauvre gamine a encore la vie devant elle, qu'elle soit mêlée de près ou de loin aux autres, c'est pas ton problème, tout comme t'a promis à Prudence de pas lever la main sur aucun d'entre eux.

J'vais t'appeler Ptite tête alors. Le sourire léger que tu lui offres, qui se veut confiant et certain que tout ira bien sonne un peu faux et t'en as bien conscience, mais tu cherches à ne pas trop y penser. Il te faut de longues minutes avant de savoir quoi faire. Ah y a un taré qui traine par là ? Tu fais mine d'être surpris, supposant qu'elle te connait juste pas assez pour savoir si t'es vraiment surpris, si c'est un mensonge, ou si t'en as juste rien à foutre. Tu tires un peu sur son bras intact. Tiens, viens, tu vas traverser ça et te mettre dans l'allée principale, y a du passage ici, c'est plus safe. T'as pas envie de la laisser dans la ruelle, t'as pas envie que l'ambulance ne la trouve pas, ou ... Tu ne sais pas, qu'il lui retombe dessus. Même si tu sais qu'Athéleïs parti, c'est Athéleïs qui ne revient pas. Tu la garde toute de même dans ton champ de vision. L'hôpital est pas loin, ils devraient être bientôt là, continue à me parler p'tite tête.

mord —

Tu pouvais bien attendre jusqu'à ce que l'ambulance arrive, finalement. Tu pouvais bien lui tenir compagnie, être sûr que personne ne vienne en profiter. Oh, tu en avais lu et entendu des histoires de mec qui se fait agresser une fois, puis deux par des piques assiettes. Dans l'Octant, c'était pas si courant, mais Leto était un petit bout de fille, tu t'en serais voulu si c'était arrivé. Aussi, tu guettes les lumières, les passants mais personne ne passe et les lumières ne sont pas encore là. Les mots de Leto attirent ton attention, tu l'observes quelques instants avant de rire tout bas, mais franchement. T'es encore plus maligne que ta réputation le dit, hein. Tu cherche pas à lui faire peur ni à lui montrer le moindre signe d'agressivité. Leto sait des trucs, ok, et alors ? Ça va pas t'empêcher de dormir ce soir pour être honnête. L'éliminer, par contre. T'inquiète pas pour ça P'tite tête, je dirai que j'ai fais ami-ami. Allez savoir si t'allais dire quoi que ce soit au sujet de Leto. T'étais pas tenu de faire un rapport constant non plus. Mais bon, t'étais quand même un peu couvert de son sang, quoi. Avec un peu de chance tu croiserais personne.

L'alarme de l'ambulance commençait à se rapprocher, et toi à t'éloigner. Sérieux, fais gaffe à toi, Minus. J'ai pas envie d'apprendre qu'il t'est arrivé un autre truc. Un regard vers la lumière qui vacillait de plus en plus fortement et tu fis encore quelques pas en arrière, avant de lui faire un signe de main encourageant pour qu'elle s'approche de l'ambulance. Avec un peu de chance, elle ne parlerait pas de toi dans l'histoire, c'était pas plus mal. De toutes façons, officiellement, Viktor Gomelza était porté disparu depuis des années, peut-être même déclaré mort.