«Je suis heureux de te revoir.»
[RP-C08-01]

– … et je me suis retrouvé à devoir prendre l'ascenseur dans l'autre sens avec un type détestable, un grand blond aux cheveux courts et à l'air hautain, avant de pouvoir remonter jusqu'ici. Ce n'est pas une tour de logement, c'est Fort Knox! Enfin, j'ai fini par arriver, c'est le plus important…

Benjamin conclut d'une gorgée d'eau le récit trépidant des rocambolesques aventures qu'il avait dû traverser pour se trouver là où il était, dans le vertigineux appartement de Cephei Lurantis, perché au trentième étage de l'AdAstra Tower.

C'était la quatrième fois que Cephei et Benjamin se revoyaient depuis leur sortie au théâtre, cette glaciale soirée de novembre. Les chances étaient pourtant contre eux: Benjamin s'était absenté presque tout le mois de décembre, Cephei vivait avec ses enfants et leurs emplois du temps respectifs mettaient un point d'honneur à être les plus conflictuels possibles. Mais Benjamin ne travaillait plus depuis trois semaines déjà: son médecin l'avait arrêté, affolé de le voir si usé. Un burnout fut invoqué, qui ne surprit personne, lui évitant la tâche pénible et délicate d'expliquer les apparitions consécutives d'un potentiel étudiant assassin et d'un renard métamorphe peu recommandable dans son bureau le 17 février.

– Merci de me recevoir, d'ailleurs. Je suis heureux de te revoir.

Benjamin H. Baldwin

«Je suis heureux de te revoir.»
[RP-C08-02]

– Numa?!

La nouvelle le laissa sans voix. Le voisin de Cephei était le fiancé de Numa Celestial? L'étudiant accusé à tort d'être un tueur en série, grâce à quoi lui et Cephei s'étaient rencontré… mais aussi la personne qui pour la première fois lui avait parlé des Étoiles, il y avait de ça une petite éternité – avant Graham, avant Orion, avant Fubuki et bien avant cet étrange renard dont le souvenir du sourire suffisait à lui glacer le sang.

Polaris était un village.

– Et bien… J'espère que cela n'a pas été trop gênant pour vous deux, compte-tenu de l'affaire…

Le léger malaise fut vite dissipé par la proposition de Cephei de contempler la vue. Benjamin n'était pas sujet au vertige, malgré tout il se sentait comme aspiré par les immenses baies vitrées qui offraient de la ville un panorama à couper le souffle. L'appel du vide, sans doute? Il s'amusa à essayer de reconnaître certains lieux familiers, mais il ne fréquentait que peu les Clématis: l'Octant était son territoire.

– Ah, oui, mes collègues m'ont parlé de ta visite. Il faudrait que je passe plus souvent au refuge maintenant que j'ai tout ce temps devant moi… C'est une première. Difficile de ne pas tourner en rond chez moi comme un lion en cage.

Il glissa sans s'en rendre compte dans ses pensées et le silence, regard perdu à l'horizon. Cet arrêt de travail le préoccupait plus qu'il n'était prêt à l'admettre – ou plutôt, les événements qui y avaient conduit. Il ne pouvait s'empêcher de tout retourner dans sa tête, encore et encore et encore, à chercher à comprendre, analyser, rationaliser, compléter le puzzle à partir des bribes d'informations qu'il avait collecté au gré de ses rencontres du troisième type. Le changement de lumière lorsque le soleil disparut derrière une montagne le fit revenir à lui.

– … Une absence. Mes excuses. Tu me parlais des pensionnaires du refuge?…

Benjamin H. Baldwin

«Je suis heureux de te revoir.»
[RP-C08-03]

– Ah? Ça n'est pas ma tasse de thé, mais si cela peut me servir à gagner des points auprès de beau-papa…

Il s'interrompit brusquement quand il réalisa ce qu'il venait de dire, hésitant entre rougir comme une pivoine ou se vider de toute couleur. Vite, vite, passer à autre chose.

– Euh… J'irai l'acheter en tout cas, il faut bien soutenir sa librairie de quartier.

Étonnant qu'ils n'aient jamais abordé le sujet de la littérature avant ce soir. Benjamin était pourtant un grand lecteur et, de ce qu'il avait vu, Cephei n'avait pas à rougir de sa bibliothèque. Certes, il ne raffolait pas du genre policier (Agatha Christie, à la limite…), mais il avait lui-même certains goûts, disons, éclectiques. Qu'il garderait pour plus tard. Il était un peu tôt dans cette relation pour vanter à Cephei Lurantis les louanges de Captive! ou de Louise et les Hommes.

– Puis-je m'enquérir de ce que tu as prévu pour le menu de ce soir?

Benjamin H. Baldwin