Navarra, OP.33

Fauve était revenu. C’était inattendu. Inespéré. Tu n’y croyais plus depuis longtemps. Pas que tu aies un jour douté de ses capacités mais tu ne connais pas le monde miroir. Tu ne sais pas ce qu’il y a de l’autre côté. Ni s’il s’agit d’un endroit particulièrement dangereux. Tu t’es inquiété bien sûr. Énormément. Tous les jours. Partir du principe que le pire était arrivé, que ce lien engourdi n’était que le fruit de ton imagination et que Fauve n’était plus, fût un moyen de ne pas te faire de faux-espoirs qui auraient pu te détruire à la longue. Mais tu as eu tort. Et il est de retour.

Tu l’as laissé aux bons soins de cette chère Bérangère. Il sera bien là-bas. Tu sais qu’elle va le choyer. Qu’elle fera attention à lui. Parce qu’elle est comme ça. Parce qu’elle a eu peur elle aussi. Forcément. Comme le reste du cercle. C’était un sujet que tu n’avais jamais vraiment envie d’aborder. Tu avais trop peur qu’ils sachent, qu’ils se rendent compte que tu ne croyais pas en son retour. Et Sevket n’avait jamais rien balancé non plus. Sevket chez qui tu te rends d’ailleurs. Le seul à qui tu peux parler ouvertement. Parce que de toute façon, tu ne vas pas te fatiguer à lui mentir.

Tu ne t’y rends pas directement. Tu ne vas pas de chez Bérangère à chez Sevket. On ne sait jamais. Tu n’es pas quelqu’un de particulièrement prudent d’habitude. Mais pour le cercle… Pour ta famille. Oh pour eux, tu es prêt à être un homme tout à fait différent. Leur protection, la seule chose qui t’intéresse véritablement. Tu marches quelque temps, prends des détours inattendus. Planetbucks, deux cafés latte. D’autres détours. Et puis son immeuble. Un homme vient d’en sortir. Sourire qui étire tes lèvres quand tu t’approches de lui.

« Bien le bonjour mon brave ! J’ai un petit souci, j’ai oublié mes clefs à l’intérieur de mon appartement en partant. Vous avez envie d’aider un pauvre voisin tête en l’air n’est-ce pas ? »

Que c’est simple de les manipuler tous. Que c’est plaisant aussi. Ils n’ont pas la force mentale de te résister eux. Ils ne voient même pas ce qu'il se passe. Ils ne comprennent pas que ces idées ne sont pas les leurs. Ça t’amuse autant qu’ils te font pitié. Sans poser de question, il t’ouvre. Tu le remercies et te faufiles dans le bâtiment. Troisième étage. Troisième porte. Tu frappes, tu rentres.

« Putain pourquoi elle est pas fermée à clef ta porte Sevy ? »

Tu prends tes aises, fais comme si tu étais chez toi. Tu poses les boissons sur la table basse.

« Je t’ai pris un café latte mais genre lait végétal là. »

Tu n’as pas prévenu de ta visite. Tu n’as rien dit par peur que l’on surveille ton téléphone. Et puis ce n’est pas la première fois de toute façon que tu viens sans être annoncé.