le bruit de la porte le surprend.
il ne s'attend jamais à avoir du monde, il ne s'attend jamais à ce que cette boutique fonctionne. ce n'est pas le but. il n'en a pas envie et il n'en a pas besoin. ce n'est qu'une façade, un morceau de carton décoré pour cacher la misère qu'il y a derrière, entretenu avec soin par cyllène qui le décorait méticuleusement d'autocollants, comme si ça avait une quelconque importance.
cyllène ne se rendait compte de rien, et ce n'était peut-être pas plus mal, au fond.
mais aujourd'hui elle n'était pas là pour faire tourner la boutique, c'était son jour de congé, et c'était aussi le jour où il prenait les rênes, en râlant, évidemment, tout le long.
un jour où il aimerait garder le store baissé, la magasin éteint, mais il n'avait pas le droit, évidemment.
et quand on entra dans la boutique, il leva la tête, sourcils froncés, parce que qui venait le déranger ?

Toi.
Encore et toujours toi.
Mais tu le fais exprès, c'est pas possible.
Que ta route ait croisé la mienne par hasard dans une rue, soit, mais là tu cherches à te faire malmener, c'est pas possible. Tu empiètes sur mes platebandes comme si c'était journée portes-ouvertes, c'est vraiment à croire que tu le fais exprès.
Tu le fais exprès ? C'est ça ? Tu le fais exprès ? Qu'est-ce que tu me veux, petite fouine, qu'est-ce que tu as à tout le temps croiser ma putain de route ?
Pour qui est-ce que tu bosses ? Pourquoi est-ce que tu es toujours là ??
Laisse-moi tranquille. Une fois ne t'a pas suffi ? La violence n'est pas assez pour toi ? Qu'est-ce qu'il te faut de plus, Drazhan, pour que tu dégages totalement de ma vue ?
c'est cyllène, tu sais bien. c'est cyllène qu'elle vient voir.
elle ne sait pas que tu es ici, en tout cas la dernière fois elle ne t'a pas vu.
le hasard fait bien les choses, pas vrai ?
c'est amusant.
J'ai un peu l'impression que tu te fous de ma gueule.

En même temps, si elle venait pour me voir moi, spécifiquement, je pense que je lui ordonnerait tout de suite d'aller faire un scanner à l'hôpital, parce que ça voudrait dire que j'aurais frappé très fort son petit cerveau stupide, et que j'avais sans doute dû dérégler pas mal de choses, parce que qui chercherait activement la compagnie de quelqu'un, quand vous vous êtes rencontrés trois fois et mutuellement menacé d'une arme à deux reprises ?
Personne.
Pas besoin de chercher très loin.
Ça me soulage, en un sens, et ça m'énerve profondément, aussi, parce que même ici je ne peux pas être tranquille. Même ici elle doit venir fouiner, envahir mon espace.
Jamais tranquille, toujours ses cheveux bleus dans mon champ de vision.
Infernal. Elle n'est pas là aujourd'hui, c'est son jour de congé. Et c'est une invitation polie à partir. Profites-en, c'est ta chance, le moment où tu décides d'être sage et de tourner les talons.
Je suis à deux doigt de la trainer dehors par les cheveux, en vrai... avant qu'elle ne me sorte une énormité qui m'arracherait presque un sourire tellement je n'y crois pas.
Attends.
Elle ne sait toujours pas mon nom ?
Elle ne sait toujours pas qui je suis ?
Alors là, vraiment, c'est le truc le plus improbable que j'aie entendu depuis un moment.
Drazhan ? Et ton instinct de survie ? Client ? Oh tu fais erreur, je passe juste de temps en temps. Ce qui n'était pas un mensonge, en plus. Je sens du jugement dans ta voix. Pourquoi, ça te plait pas, tous ces... trucs ? A défaut d'un meilleur mot. Babioles ? Bordel organisé ?
Bon, Remy.
Ferme-la et dégage ?
Si tu veux voir Cyllène va falloir lui envoyer un sms. Et prier pour qu'elle réponse, je suppose. Et pourquoi tu l'aides, même, en fait ?