Un costard, vraiment ?
Décidément, tu as toujours du mal à te faire à cette vie sous les projecteurs. Les paillettes, c’est de moins en moins ton truc.
Et les autres sont là, ils rient à gorge déployée, un verre de champagne entre les doigts.
Le tien est vide depuis longtemps.
Tout pour oublier cet endroit, et ne plus remarquer les vibrations de ton téléphone.
Non, tu ne les liras pas.
Pas ce soir, en tout cas.
Ce soir, tu célèbres ton disque d’or. Votre disque d’or. Les riches adorent inviter les stars à leurs banquets, c’est un bon moyen pour attirer les paparazzi, se faire de la pub et ne plus se sentir pisser.
Alors que toi, une bonne soirée entre potes, bière à la main, ça t’aurait amplement suffit.
Mais manquer un événement du genre, ça la fout mal ; cette vipère ne t’a pas laissé le choix, de toute façon. C’est lui qui a tous les pouvoirs sur toi, ou presque - agent rime avec tyran, c’est ce que tu as toujours affirmé.
Ta réputation étant ce qu’elle est, tu te considères chanceux ; beaucoup d’autres comme toi se retrouvent vite lynchés, utilisés par le monde du spectacle.
Alors tu ne te plains pas.
Et puis, l’alcool est gratuit.
Tu souris une dernière fois, par pure politesse.
Cette discussion de coincés du c*l ne t’intéresse pas plus que la température corporelle d’un ornithorynque.
Alors, discrètement, tandis que tes potes reprennent l’attention, tu t’éclipses.
Bien sûr, tu ne manques pas de saisir une nouvelle coupe de champagne sur le plateau tenu par le serveur à ta gauche.
Tu te diriges doucement vers le balcon, ouvert comme en plein été. Il fait bon, ce soir.
Tu desserres cette cravate qui semble t’étrangler et ouvre un peu plus ta chemise, avant de placer tes coudes sur la rambarde.
Les yeux levés au ciel, comme le veut ta bonne vieille habitude, tu soupires.
L’ennui.
* Le ciel est beau ce soir.
Dégagé, étoiles visibles, air doux voire un peu lourd, c'est peut-être l'ambiance de la soirée qui l'alourdit tant. Elle te parait différente de ce que tu aurais pu imaginer.
* Heureusement, le champagne n'est pas trop mal.
...
Et merde.
Le plan, c’était d’être seul. Pas mal accompagné.
C’est totalement ta faute ; si tu avais simplement fait plus attention en arrivant sur le balcon, tu aurais pu tourner les talons au dernier moment.
Parce que malgré ta fortune, tu te sens différent. Ta place, sur scène, tu la connais par cœur. Mais qu’en est-il de ta vie ? Qu’est-ce que tu fous là, près d’eux ?
Une soirée de riches, évidemment qu’elle est invitée. Tentative de disparition : ratée. Tu me diras, ça aurait parfaitement être pire. Tu aurais pu te retrouver avec… ce vieux schnock. Neptar… Naptone ? Neptune, voilà.
Tu fronces quelque peu les sourcils, la regarde discrètement.
Son regard finit par croiser le tien, et pour une raison étrange, tu gardes le silence. Il est vrai qu’elle en impose, la grande perche.
Tu l’imaginais fade, effacée.
Mais là, comme ça, elle paraît… quoi, au juste ?
Grandiose.
Réponds, conn*rd !
– Hm… acquiesces-tu avec ce faux désintérêt que tu maîtrises tant, un regard vers ledit champagne que tu penches légèrement.
Avec des mots, bordel. T’as perdu ta langue ?
Tu te racles la gorge, légèrement. Tu parais bien calme, ce soir. Cela contraste drastiquement avec ton agitation habituelle, cette presque-hyperactivité qui fait ton charme.
– Madame, lui lances-tu en un regard, hochant brièvement la tête. J’ignorais qu’une personnalité telle que vous daignerais se joindre à une cérémonie de ce genre. Êtes-vous là pour le champagne ? tu continues, un demi-sourire en coin. Moi oui…
Elle te répond, froidement, et pourtant tu n'as l'impression qu'elle est en train de te jeter complétement, après tout c'est elle qui t'a adressé la parole en premier. Elle agite la coupe de champagne entre ses mains avant d'esquisser un fin sourire.
* Je ne refuse jamais une invitation, même si je sais d'avance que la soirée sera atroce.
C'est vrai qu'à bien y réfléchir, Zalera Solar n'avait pas spécialement l'air de s'amuser.
* Ceci dit, je ne savais pas que Neven Glass était un amateur de champagne, je vous imaginais avoir des goûts plus simples.
...
Tu l’écoutes, d’abord fixant l’horizon, puis en accrochant sa silhouette de tes prunelles pétillantes.
Cet éternel sourire. Ce mélange de haine, de peine et d’une partie de ton âme à la fois. Ce signe protecteur donne à ton visage un air mélancolique.
À ses mots, tu laisses échapper un rire modeste.
– Plus simples ? Je ne rechigne jamais lorsqu’il s’agit d’un verre, mais il est vrai que je n’accorde pas spécialement d’importance à la nature de ce qui s’y trouve… réponds-tu, déjà plus à l’aise.
Ton corps se décontracte, tu redresses ton échine et appuie ton poignet sur la rambarde. Finalement, tu viens lever ton verre, tentant d’attirer le regard de ton interlocutrice surprise.
– Je vous invite à trinquer. Vous m’avez bien dit que vous ne refusez jamais une invitation, n’est-ce pas ? À notre insociabilité commune. Ou notre bon sens, tout dépend du point de vue.
* N'avez vous pas envie de faire le mur ?
Depuis quand n'a-t-elle pas fait le mur à une soirée comme celle-ci. Encore que, ça n'avait que peu d'importance, elle n'était pas l'invitée principale, elle. Elle t'observe curieusement, puis désigne les jardins sous le balcon où vous vous trouvez.
...
C’est triste.
Ta vie.
Ton être.
T’as tout fait pour réussir, t’as tout fait pour percer.
Du moins, tout ce qui impliquait de jouer. De parfaire ton art. Alors, tu trinques.
Mais tu as traversé tout ça pour finalement ne plus savoir quoi en faire.
Parce qu’il ne t’a jamais lâché. Et te voilà, maintenant, seul. Entouré, mais seul. À ne plus savoir comment t’intégrer, où que tu sois. DESTINY, c’est tout ce qu’il te fallait - jusqu’à un certain point. Ce mal-être intérieur, c’est toi qui l’a créé.
Culpabilité.
Tu pourrais en profiter, aller t'empiffrer de petits fours et de champagne jusqu’à n’en plus pouvoir. Mais tu ne parviens pas à trouver ta place. Autrement, pourquoi aurais-tu souhaité t’isoler, comme à chaque fois ?
Les yeux rivés sur les dalles rocheuses sous tes pieds, tu t’absentes momentanément. À l’écouter, tes prunelles perdent leur éclat. Auprès de Zalera, tu te sens moins seul, mais toujours autant paumé. Tu suis ses indications jusqu’à poser ces iris émeraudes sur les jardins. Une échappatoire.
– Je n’attends que ça, réponds-tu en esquissant ce fameux sourire en coin qui te va si bien.
* Soignez votre atterrissage, je n'appellerai pas d'ambulance.
Aucun bruit lorsqu'elle glisse pour se retrouver dans les buissons en dessous, et s'en extraire, elle semble t'attendre. La chute n'est pas si haute, un gros étage.
...
En l’observant de plus près, le visage de Zalera Solar te semble plus sombre que le tien en cet instant. Tu te mets à penser que peut-être, pour réussir dans la vie, il faut avoir vécu l’enfer sans jamais avoir pu s’en extirper ensuite.
Tu attends bien sagement que la dame ait terminé de fuir, esquissant un sourire lorsque celle-ci ose te sous-estimer. Il est temps de réutiliser toute l’expérience acquise lors des courses poursuites dans les ruelles de ton adolescence. N’y pense pas. Oublie.
Un dernier regard vers la salle. Tout le monde semble si heureux d’être là. Ton groupe, lui, profite tranquillement du buffet - cette vision pourrait presque te faire sourire.
Mais il n’en n’est rien.
Habilement, tu te glisses par-dessus la rambarde, presque aussi discrètement que la grande brune. En deux temps, trois mouvements, te voilà déjà en train d’épousseter ta tenue, afin d’en retirer toutes les feuilles.
Soupir.
– Pas si mal, je vous pensais bien loin de toutes ces… pratiques. Il semblerait que je me sois trompé sur votre compte, lances-tu tout en glissant ton paquet de clopes hors de ta poche.
Briquet en mains, tu viens allumer une cigarette que tu pinces entre tes lèvres, la protégeant de tout courant d’air à l’aide de ton autre main.
Une étincelle.
– Vous fumez ? proposes-tu alors, sans oublier le peu de politesse que l’on t’a inculqué.
* Seulement en extérieur, et lorsqu'on m'offre la cigarette.
Elle tend la main vers toi, et clairement ce n'est que pour accueillir l'offrande, mais elle te gratifie tout de même d'un sourire léger, presque complice.
* Pour ce qui est du reste, je pense que vous comme moi n'exposons qu'une facette publique de notre personnalité. À quoi bon s'efforcer à faire plus.
...
Alors que tu aspires une bonne bouffée de la cigarette entre tes lèvres, elle te répond. Un sourire accompagne la fumée qui s’échappe de ta gorge, réchauffant quelque peu le creux de ton ventre. Enfin libre.
Tu sors de nouveau ton paquet de clopes et lui en offre une, comme elle l’a si gentiment demandé. Dans un regard complice, tu lui fais comprendre qu’effectivement, elle a tapé dans le mille.
– Ce serait inutile, et dangereux qui plus est. S’ils savaient… Ma carrière ne ferait pas long feu avoues-tu dans un léger rire, couplé par une seconde taffe.
Tu réfléchis, les yeux rivés sur la pierre à tes pieds, jonchée de mousse et de pousses d’herbe. Si tu te souviens bien, il y a un lac non loin d’ici.
– Bon… J’imagine qu’on n’a pas fait tout cela pour rien, maintenant que c’est fait, autant en profiter. Je regrette un peu de ne pas avoir volé une bouteille de champagne avant, c’était bien la seule chose agréable de cette soirée. Que diriez-vous de nous éloigner de tout ce bruit ? lui demandes-tu tout en faisant quelques pas à reculons, anticipant sa réaction.
Une nouvelle taffe, un nuage de fumée, te voilà bien plus à l’aise maintenant que les responsabilités se glissent entre tes doigts.
* Faisons ça, je vous suis.
Elle fume la cigarette sans un bruit, et t'emboites le pas. Tu ne sais pas pourquoi, mais la savoir dans ton dos n'est pas quelque chose qui te rassure outre mesure. Et pourtant, que pourrait-elle bien faire ?
...
Tu entends la musique s’étouffer peu à peu alors que tu avances, les yeux rivés vers l’horizon. Le lac n’est pas si loin, il vous reste certainement deux ou trois minutes de marche.
Par contre, on notera le talent caché que tu as à toujours te retrouver avec quelqu’un alors que tu tentes de t’isoler. C’est quand même fou de ne jamais arriver à esquiver la race humaine. Bien que celle-ci soit un peu grande à ton goût, et que tu irais bien théoriser sur la raison de sa… grande taille. Tu réprimes un sourire moqueur.
Tu es à l’aise. Et peu à peu, tu perds cette aise. Le bruit de ses talons qui tapent le sol derrière toi, sa seule présence te fait te sentir… angoissé ? Pourquoi angoisserais-tu à propos d’une fille ? Ce n’est pas parce qu’elle fait bien quinze centimètres de plus que toi sans talons que tu devrais te sentir menacé. Peut-être que cela ne provient pas d’elle, mais de plus loin, derrière toi ?
Tu te retournes, par sûreté.
Tu la regardes brièvement.
Trouve quelque chose à dire, au moins pour ne pas paraître bizarre.
– Il y a un lac, pas loin. Mieux vaut ça que leurs fausses discussions et leurs sourires hypocrites… t’exprimes-tu en témoignant de ton dégoût pour ce genre de soirées « VIP ». Dites-moi, par pure indiscrétion - parce que je n’ai pas pour habitude de faire dans la finesse, quelle est votre anecdote la plus insolite ? il est temps de faire la discussion, et de s’amuser un peu.
Qui sait, elle pourrait peut-être te surprendre ?
Tu as toujours tendance à croire que n’importe qui peut être drôle et sympathique, auprès de la bonne personne. C’est-à-dire auprès de toi.
* Le lac, mh.
Elle n'a pas envie d'y aller, mais ça, tu ne le sauras pas, elle ne te le dira. Elle ne dira rien, d'ailleurs. Finalement, tu lui demande une anecdote, son sourire s'efface mais elle continue à te fixer, tu peux sentir son regard dans ton dos.
* Une anecdote ? Laisse moi réfléchir.
Elle ne réfléchit qu'un instant.
* J'ai massacré un ami dans mon salon.
Silence.
* À toi.
Quelle soirée !
...
Ce n’est pas tellement le mood drôle et sympathique que tu attendais. Sans te retourner, tu fronces largement les sourcils, très surpris par cette révélation - tu es littéralement en train de papoter avec une folle tueuse de gens. Une serial-killer, une tueuse à gages peut-être même. Et le pire en cet instant, c’est que tu comprends que tu n’es pas mieux qu’elle.
Alors tu râles intérieurement.
Tu rages de faire partie de ces fous pour qui tout ça semble finalement normal.
Le fait que tu ne te retournes même pas pour démontrer ton étonnement - qui n’est pas si fort finalement - doit certainement lui mettre la puce à l’oreille ; qui ne broncherait pas, si ce n’est toi ?
Parce que la vie n’est pas rose, loin de là, et beaucoup doivent payer pour le mal qu’ils font. Le mot « ami » te fait douter ; mais peut-être y a-t-il certaines circonstances qu’elle omet volontairement.
Le champagne t’est légèrement monté à la tête, et tu tentes de prendre tout ça à la rigolade. Sans pour autant démordre du fait que tu es potentiellement en présence d’une malade mentale qui tentera de t’assassiner. Mais finalement, en quoi est-ce différent des CDC de ton enfance ? Tu la prends en 1v1 quand elle veut, toi aussi t’as du sang sur les mains, et il serait peut-être temps d’arrêter de jouer au Saint.
Si elle te touche, elle finira comme les autres.
Au fond d’une tombe.
— Yes… J’ai massacré un ennemi dans une ruelle.
Aussi, un silence survient. Tu joues sur les mots. Elle croira que tu rigoles, et que tu ne la prends pas au sérieux. Tant mieux. Mais tu sens encore ce regard dans ton dos que, maintenant, tu comprends mieux. C’est la même sensation que les gens ont de toi. La peur.
Et désormais, cette sensation disparaît. Tu n’as plus peur d’elle. Pourquoi le devrais-tu ? Ta paranoïa prend le dessus, t’affirmant alors qu’elle est au courant de tout et est venue se venger. Peut-être qu’elle le connaissait ? Tu es prêt à tout. Si elle tente quoique ce soit, tu lâcheras la bombe. Le Neven qui se cache depuis si longtemps pourra finalement faire surface.
T’avances, laissant planer ce silence, les mains dans les poches. Ton sourire s’efface totalement, et n’est pas prêt de revenir.
— ... ce n’était pas tellement l’ambiance que j’attendais en lançant ce jeu, mais qu’à cela ne tienne. Comme quoi, on est peut-être plus similaires que je ne le pensais.
* Pourquoi avoir fait ça ?
Tu as l'impression qu'elle essaye de te décrypter, c'est peut-être ta chance d'en apprendre plus. Après tout, c'est donnant donnant, non ?
...
Tu hausses un sourcil à ses mots dénués de toute émotion.
Il n’y a qu’un fou pour croire à tes dires, qui plus est avec le ton que tu avais employé. Ou peut-être est-elle simplement capable de différencier un tueur d’un innocent. Tu commences à croire qu’elle n’est pas si banale que tu le pensais.
Et là, tu penses à Elias et ses beaux discours. À comment il avait déclenché en toi cette volonté de justice, cette hargne dangereuse. Une soif de sang justifiée.
Tu t’arrêtes, bien plus sérieux qu’auparavant. Et tu te retournes pour la regarder en face, les yeux dans les yeux, et appuyer tes propos.
— Parce qu’il le méritait, dis-tu d’une voix froide, presque sans âme. … et parce que ça me plaisait.
Tu termines ta phrase peu convaincu de ton choix. Elle était une personnalité influente, importante, et pouvait simplement tout révéler à ton sujet dans ses foutus papiers. Et pourtant, tu ne te retenais pas. Comme si tu n’avais plus envie de faire semblant. Comme si tu n’avais qu’une envie, te trahir toi-même, sombrer dans ta bêtise et te laisser porter par les conséquences. Et puis, quelle preuve avait-elle ? Pour elle, tu pouvais très bien n’être qu’un plaisantin cherchant à se faire passer pour un dur.
— Personne n’a sa place ici. Il faut savoir la mériter, un minimum. Et parfois, il faut faire le ménage. C’est… c’était mon job, m’occuper des déchets dans son genre. Faire le putain de sale boulot. Créer un semblant de justice qui n’en est pas une, tu deviens grossier, tes mains tremblent un peu alors que tu reprends une cigarette et l’allume depuis tes lèvres.
Ce sujet de touche. Entre le manque et l’incertitude, tu ne sais plus où tu dois te situer. Et Elias qui te fout une pression monstre, qui n’a pas accepté que tu te défiles comme ça.
— C’était mon quotidien, avant. Et j’étais très bien comme ça. J’ai abandonné l’idée de rentrer dans les codes depuis un bail. Du moins, avant tout ça, un rire nerveux s’expulse de ta gorge avant que tu reprennes, couplé à un geste mécanique de ta main gauche. Tu regardes au loin, tentant de t’extirper du centre de l’attention, ... pourquoi un ami ?
* Tu penses que personne n'a sa place si on ne la creuse pas. Intéressant.
Tu lui retournes la question, si tu la regarde à l'instant où tu la poses, tu verras le trouble dans ses yeux alors qu'elle va pour répondre mais se ravise et reprend la marche.
* Viens, le lac n'est plus très loin.
...
T’as touché une corde sensible.
Et dire que t’avais l’impression de paraître fou. Finalement, vous vous ressemblez encore plus que ce que tu ne croyais ; et peut-être que tu avais raison, le trouble dans ses yeux démontre que ce n’était sûrement pas… prévu. Qui tuerait un ami pour le plaisir ? Elle est loin d’être l’une de ces psychopathes que tu avais l’habitude de côtoyer - enfin, elle semble bien plus triste que cruelle à tes yeux.
Et tu ne sais pas pourquoi, mais tu ressens l’envie de lui venir… en aide ?
Ou peut-être est-ce juste ta curiosité passagère quant à cette histoire affreuse.
Cette soirée a pris une tournure que tu n’attendais pas le moins du monde. Toi, te confier si facilement à une femme de sa trempe ?
Elle dégage cette… énergie, qui te parle bien plus que tu ne le souhaiterais.
Et tu ne peux t’empêcher de penser que de ses yeux s’échappe une détresse sans pareille.
Tu la suis alors qu’elle reprend la marche, et tu te places derrière elle cette fois-ci. Pensif, tu la fixes discrètement alors que mille questions s’entremêlent dans ta tête. Des choses que tu n’oses demander, par peur de la mettre mal à l’aise.
Et pourquoi t’en as quelque chose à foutre, au juste ?
…
— ... vous n’avez pas l’air surprise. Je me doute que vous avez dû, et peut-être que c’est toujours le cas, vivre ou infliger des choses que beaucoup qualifieraient d’insoutenables. Et je voulais juste… vous dire que… si jamais il vous prend l’envie de discuter et de vous décharger de tout ça, je suis là pour vous écouter. Je ne suis peut-être pas le mieux placé pour comprendre tout ce que vous pouvez ressentir, et sûrement que mon expérience vous paraît insignifiante, mais je peux toujours servir d’oreille… après tout, ce n’est certainement pas moi qui vous jugera à ce sujet. On ne se connaît pas, mais on se ressemble un peu ; peut-être que ça pourrait vous soulager de discuter avec quelqu’un qui ne vous connaît pas tant que ça. Enfin, je… vous souhaite tout de même bon courage pour… quoique ce soit, ce que vous faites, ce qui vous tombe dessus et… enfin, voilà
Ces derniers temps, tu t’adoucis beaucoup trop Neven. Et tu as beaucoup trop parlé.
Mais tu viens de changer d’avis à son sujet. Elle te paraît beaucoup moins flippante qu’il y a quelques minutes et bien plus… abordable, pour toi ? Tu n’as jamais eu personne pour discuter de tous tes ressentis quant à ces affaires malsaines, et tu aurais aimé, à sa place, trouver quelqu’un pour le faire. Elias n’a jamais voulu en parler : pour lui, c’est normal, et on n’a pas le droit de ressentir quoique ce soit par la suite. C’est signe de faiblesse, selon lui. Mais tu ne vois pas en quoi ; parler ne t’aurait pas empêché de continuer. Mais ne pas parler… t’a fait lâcher prise.
Et tu le regrettes, quelque part. Comme quoi, tu devrais peut-être reprendre du service… et bien que tu y songes sérieusement, tu n’arrives pas à passer le cap. C’est un dilemme avec lequel tu n’arrives toujours pas à te battre. En partie… à cause de celle qui fait sonner ton téléphone tous les soirs.
* Je ne vivrai pas assez longtemps pour avoir l'occasion de me confesser.
C'est annoncé tout bas, mais quelque part tu as l'impression de comprendre.
...