Mais Lyon ment et rien ne va. Et mère t'a dit de te méfier. Tu écoutes ta mère, tu es bien élevée, mais l'eau a coulé entre elle et toi, et tous les ponts du monde ne saurait vous relier. De qui te méfies-tu le plus, Dahlia ? Tu as esquivé les tournages comme on esquive des réunions inutiles, toujours des excuses pour ne jamais venir, et on accuse les caprices de star. Peut-être ? Tu n'en sais rien, tu te sens malade (malade, MALADE). Et tu tournes en rond chez toi, quand tu arrives à te lever, quand la tête ne te tourne pas si fort que tu supplies pour qu'on t'assomme, avale deux pilules et t'écroule à nouveau.
Mais cette fois ça suffit, on dirait qu'il t'a refilé un truc. Ça ne peut pas être tout dans ta tête, l'autopersuasion ne marche plus assez pour que ce soit ça. Cette fois c'est quelque chose de physique. Alors tu enfiles tous les vêtements les plus discrets et les lunettes de soleil que tu gardes pour ce genre d'occasion, un grand parapluie noir et te voilà dans le hall de l'Ad Astra Tower. Tu n'es jamais venue chez Lyon depuis qu'il a quitté l'agence, avant toi. Et devant la porte tu tambourines. Encore. Et encore.
Même ta voix sonne malade, et pourtant malgré toi tu sens que ça va un peu mieux, tu supposes que c'est lié au fait de prendre l'air, à la pluie fine et rafraichissante, comment tu pourrais savoir que c'est uniquement dû au fait qu'il est là, derrière la porte, dans le couloir. Comment savoir ? Ça ne peut pas. Ça n'est pas réel.
Tu te sens de plus en plus malade. T’as cette envie de gerber, comme une pointe au cœur qui t’empêche de respirer. T’as l’impression que c’est là depuis un moment maintenant, mais dernièrement, ça devient de plus en plus insupportable.
L'envie de crever se fait sentir.
Faut dire que t’es pas bien stable comme mec. T’as carrément la mort au bout des doigts et tu passes le plus clair de ton temps a cramer des plantes pour en faire pousser d'autres ou à jouer le pirate lubrique d’un roman pour ado à la con. Tu te perds tout seul, sans jamais te retrouver. Encor faudrait-il que t'es existé une fois dans ta vie.
Puis il y a Dahlia.
Du moins ce qu’il en reste.
La décrire aujourd’hui se résume en un seul petit mot : Absente. Elle te fuit, tu la fuis, mais vous vous cherchez constamment dans un cercle vicieux qui vous rend fou. T'as déjà eu envie de tout lui balancer à la gueule, sans réfléchir, lui dire que t'es désolé, lui dire que t'es une merde. Mais faut croire que ça marche pas comme ça. Foutre Dahlia en cause te semble être une bien meilleure idée. Elle est trop sur les nerfs, trop fatiguée, trop affamée. Une coquille vide qui chouine dans ses problèmes alors que tu fais exactement la même chose.
Vous êtes d'un pathétisme flagrant.
À moins que ça ne soit que toi, Lyon.
Toi le plus pathétique des deux.
T'as pas envie de la voir.
Ouvre connard.
Bordel de merde.
Ni de l'entendre.
T'ouvre la porte, bloquant l'entrée.
Pas foutu de venir bosser mais voilà que ça vient me casser les couilles chez moi. Tu veux quoi ?
Aussi étrange que cela puisse paraitre, car ta langue a été particulièrement tranchante et venimeuse, tu te sens mieux ? T'as presque envie de sourire.
(c) SIAL