Page 3 sur 3 • 1, 2, 3
Fuir était une option, au moins les premiers instants. Mais la stupeur ne laissa jamais sa place à la panique.
Cursa était morte, et Ange n'était qu'un linceul. Elle l'avait accueilli aux instants les plus durs, elle l'avait rassurée. Elle avait imité sa voix lorsqu'elle n'avait pas voulu parler, elle avait rassuré ses proches, elle avait promis que tout irait bien, s'était fondu dans un personnage qui, s'il vivotait encore, n'était plus vraiment là.
Cursa était morte le 1er août, mais elle avait abandonné bien avant. Chaque mort avait été un clou de plus dans un cercueil déjà bien rempli, trop rempli, de toutes les pensées et tous les regrets qu'elle avait porté avec elle.
Ils étaient tous morts, par sa faute, leur faute.
Riley, North, Aster, Atalante, Charlise, Oslo, Leith, Milan, Mica, Kees, Vassili, et maintenant Timofey.
Cursa n'avait jamais eu le temps de leur dire Adieu, même à elle, qui l'avait protégée. Même à elle, qui avait sacrifié jusqu'à ses relations les plus intimes, qui avait coupé les ponts avec ses amis et sa famille, pour ne pas avoir à leur faire souffrir de sa disparition.
Parce que cette mort était écrite, et vouée à arriver.
Lorsque la Femme, le Serpent attaqua, Ange s'interposa entre elle et Yumi.
Elle n'eut ni le temps de supplier, ni le temps de lui dire de partir.
Elle n'eut pas non plus eu le temps de dire Adieu.
Elle pu juste penser qu'elle était heureuse d'avoir vécu cette vie à leurs côtés, et qu'elle se tardait de les retrouver, et de s'excuser d'avoir menti. Elle qui, plus que tout autre chose, ne voulait inquiéter personne.
elle baisse la tête sur Yumi, à même le sol avec la petite hôte dans ses bras, il tient son cadavre serré contre lui, comme si elle allait se réveiller, comme s'il cherchait encore à la protéger.
Elle l'observe, dénouée de toute animosité.
* Tu es aurigain, n'est-ce pas, elle finit par lui demander, en quelques mots de la langue natale de l'homme, levant une main pour essuyer le sang sur son visage. Quel gâchis de t'avoir lié...
- Accepter de la suivre.
- Lui demander d'où vient la menace.
- Parler de l'eau qui monte.
Il reste figé,
les yeux écarquillés,
devant cette divinité qui daigne lui parler.
* Répondez-moi, il demande timidement, qu'avez vous dit au Soleil ?
Ce fut la seule question qui lui vint à l'esprit, à lui tremblant et serrant le corps bientôt froid d'Ange contre son torse.
- Lui demander de dire la vérité.
mais -
elle fronce les sourcils, tourne la tête.
* Abysse ? elle demande, un appel lancé sans espoir dans la forêt sombre. Va te cacher, elle intime à l'aurigain.
Vous remarquez qu'il vous fait signe de vous arrêter et vous obéissez. Lorsqu'il entend l'un de ses nombreux nom, il s'arrête. Un bon mètre vous sépare. Vous sentez la tension dans l'air.
* Ananké, mon amie !
Et pourtant dans sa voix vous ne reconnaissez pas le ton léger qu'il avait depuis qu'il vous a retrouvé près du lac. En vérité, sa voix vous apparait non seulement tâché d'inquiétude mais aussi d'angoisse. Et la distance qu'il a posé entre vous vous semble tout à coup là comme un bouclier.
* Tout se passe comme tu veux ?
Tout cette tension vous donne la nausée.
Que faire ?
(YUMI) - Rester caché.
- Demander qui elle est.
- Demander ce qu'il se passe.
- Ne rien dire.
La scène te glace le sang.
Il y a un corps aux pieds de la femme avec qui ton étoile est tranquillement en train de discuter. Tu restes à moitié caché derrière lui, tu viens même chercher le bras de Raphaëlle, dont tu saisis le poignet, peut-être pour te rassurer.
Tu n'oses pas regarder le cadavre, mais cette femme tachée de sang te fait froid dans le dos.
C'est elle que vous étiez censé retrouver ? C'est qui ? tu marmonnes, tout bas.
- Demander qui elle est.
(c'est tellement stupide)
(c'est tellement bête de mourir d'une telle façon)
(pourtant il n'a pas de regrets)
(ou plutôt si, une quantité gargantuesque)
(il regrette de n'avoir rien pu faire. il regrette de ne pas avoir été là plus tôt, de ne pas avoir connu le cercle plus longtemps. il regrette de ne pas avoir été là pour Cursa, de ne pas avoir eu conscience de sa mort.
il regrette d'abandonner Ange de cette façon,
le torse crevé par des griffes qui ne le lâchent pas,
les yeux plongés dans ceux d'une créature qui ne rêve que de les anéantir tous,
il regrette qu'elle ait à le voir mourir,
et cette douleur est pire encore que celle de sa blessure mortelle.)
(il regrette d'avoir été une mauvaise personne.
il regrette les mensonges, il regrette les tromperies, il regrette les cachotteries, il regrette le mal qu'il a fait autour de lui par égoïsme.
il regrette s'être cru si longtemps inébranlable alors qu'il était faible.
il regrette avoir mis si longtemps à s'en rendre compte.
il regrette de ne pas pouvoir reculer le temps, et garder près de lui les personnes qu'il aimait)
(il regrette Dante.
il regrette avoir été une aussi mauvaise personne, un si mauvais compagnon, il regrette l'avoir pris pour un imbécile alors qu'il était son pilier, ce qui comptait le plus pour lui,
il regrette tellement qu'il pourrait en pleurer
il s'attriste de se rendre compte qu'il ne pourra jamais lui dire à nouveau à quel point il l'aimait, encore, toujours, et qu'il l'aimerait jusqu'à la fin des temps
avec son visage s'en va sa dernière pensée
son dernier souffle dédié à cet homme qu'il n'a jamais mérité)
(il y a beaucoup de choses qu'il regrette, dans sa vie, à bien y réfléchir,
mais il ne regrette pas cette aventure,
il ne regrette pas cette seconde chance)
Adieu.
Et Merci.
Elle n'a pas compris tout de suite. Le corps allongé par terre. Les griffes anormalement longues. La prise sur son poignet la sort de cette tétanie qui l'avait changée un instant en statue et elle cherche alors à son tour à s'accrocher à Fray. Les yeux grands ouverts et le souffle tremblant.
Parce que tout devient très réel à présent. Un peu trop.
Sa bouche s'ouvre pour parler, mais rien ne sort et c'est tant mieux, elle n'a rien d'intelligent à dire. Alors elle ravale ses mots pour faire un bouchon dans sa gorge, un bouchon qui gardera la peur sous contrôle.
Il y a un putain de cadavre juste devant elle. Merde.
Si ses jambes pouvaient partir en courant sans elle, elles le feraient sans doute.
HRP : Ne rien dire.
* Qu'est-ce que tu me veux ? Je n'ai pas le temps de discuter avec toi, elle rétorque froidement.
Ses griffes ne se rétractent pas, les rayons de lune se reflétant sur elles, comme un avertissement.
Il vous apparait soudainement fatigué. Beaucoup plus vieux que vous l'auriez imaginé.
* C'est à propos de Xion.
Il est ainsi certain de capter son attention.
Le moment de flottement qui suit est court mais prend des allures d'infini. Sûrement à la façon dont il prend son inspiration, sachant sans mal ce qui l'attend ensuite.
* Il est mort.
Que faire ?
- FUIR
- FUIR
- FUIR
L'annonce jette un froid que tu ne peux même pas commencer à comprendre. Tu ne sais pas qui est Xion, qui est cette femme, mais l'angoisse te prend aux tripes, te retourne l'estomac, une goutte de sueur coule tout, tout doucement le long de ton dos et tu te rends compte que tu es en train de broyer le poignet de Raphaëlle sous tes doigts crispés. Tu tournes lentement la tête pour lui jeter un regard, mais tes jambes sont incapables de bouger, tu es incapable de faire le moindre mouvement. Tu déglutis, et garde son bras dans ta main.
- Cherche à fuir mais est figé. (63)
Elle savait très bien qu'ils étaient là pour une mauvaise nouvelle. Mais tout à coup, ça lui semble de la folie. Trop tard.
La pression sur son poignet lui fait l'effet d'un compte à rebours : dès qu'elle se relâchera, ce sera le coup d'envoi de la panique et de la débandade. Alors il vaut mieux qu'elle ne se relâche pas.
Du coin de l'œil, elle perçoit le regard de Fray. Elle incline la tête, imperceptiblement. Non, ils ne doivent pas bouger. Pas respirer. Pas attirer l'attention. C'est quand la proie cours que le prédateur se met à la pourchasser. Et pour le moment, ils sont cachés derrière la silhouette fatiguée d'Abysse. Raphaëlle fixe alors le dos de son étoile si intensément qu'elle pourrait y percer un trou.
Elle veut vraiment croire qu'il tiendra sa promesse. Qu'il les protègera. Parce qu'elle n'est pas certaine de pouvoir courir assez vite.
HRP : ne rien faire
Le sang ne fait qu'un tour dans mes veines; expression d'horreur sur mon visage, le cœur se stoppe soudainement. Ce sont les trois mots que je refuse d'entendre, les trois mots qui constituent mes pires cauchemars, les trois mots qui pourraient me tuer de chagrin.
Ils résonnent.
Ils résonnent.
Ils résonnent.
Elle reste figée de stupeur, dévisage Zero, horrifiée. Qu'est-ce que tu viens de dire ? Les mots quittent ses lèvres avec difficulté, comme un soupir étranglé, un sanglot retenu.
Je vois le sang qui le recouvre, je vois ses mains - ce sont celles qui ont assassiné l'être que je chéris le plus au monde. Je vois le sang et je vois rouge. Je veux mourir.
COMMENT A-T-IL PU ME TRAHIR DE LA SORTE ?
POURQUOI
POURQUOI
POURQUOI
POURQUOI
POURQUOI
POURQUOI
POURQUOI
POURQUOI
COMMENT AS-TU PU, ABYSSE ?
Un hurlement lui échappe, strident et incontrôlable, alors qu'elle vient se tenir la tête à deux mains. Les longs sanglots d'une créature esseulée résonnent à travers la forêt, comme un appel, peut-être un appel à l'aide. Mais personne ne vient.
Je n'arriverai jamais à le faire vivre à nouveau. Est-ce qu'il est mort pour de bon est-ce qu'il est mort pour de bon est-ce qu'il est mort pour de bon est-ce qu'il est mort pour de bon est-ce qu'il est mort pour de bon est-ce qu'il est mort pour de bon est-ce qu'il est mort pour de bon ?
Xion est mort.
C'est trop.
Elle lève la tête vers Zero, le visage déformé par la douleur et les yeux embués de larmes. C'en est trop, elle décide - en un instant elle s'est redressée et se décide à attaquer (88). En un bond, elle a plongé vers Zero, déterminée à l'emporter dans la tombe.
Mais à quoi bon ?
Abysse est un abîme béant de culpabilité et de reproche.
De Faim et de Fin.
Et lorsqu'elle le heurte, pour le blesser, le tuer, l'annihiler, il relève les mains pour les poser sur ses joues.
Il sait la douleur que l'eau qui déchire, emporte et noie provoque.
Il sait la douleur de sentir chacun de tes organes compressé par l'eau, l'eau salvatrice, l'eau destructrice...
... qui, sans mal, emporte avec elle tout ce qui, autrefois, ...
... aurait pu avoir l'air humain chez toi.
Quelques longues secondes, où l'eau bouillonne et gargouille et où il se nourrit de toi comme il s'est nourrit des autres.
Puis, il soupire, finalement, épuisé et las.
* Je vais vous raccompagner en ville.
Que faire ?
- FUIR
- FUIR
- FUIR
Tu restes figé, abasourdi. Tout est allé bien trop vite - et le hurlement de cette inconnue, son long cri de douleur pure t'a touché.
Alors, quand tout est terminé, tu ne peux t'empêcher de lever la tête vers ton étoile, le cerveau plein à craquer de questions auxquelles tu préfères ne pas recevoir de réponses. Qui est Xion ? Pourquoi est-ce que tu l'as tué ? Qui est cette femme ? Pourquoi... pourquoi est-ce que tu l'as tuée aussi ?
Tu finis par lâcher, mollement, le poignet de Raphaëlle quand Abysse annonce qu'il va vous ramener en ville. Devant tes yeux vides, rendu muet par le choc, tu te rends compte que le soleil est en train de se lever au loin, doucement, tout doucement.
- ... (terminé pour moi.)
Elle a les oreilles pleines de bruit, de cris et de pleures. C'est trop, elle ne sait pas quoi faire ce tout ce qu'elle voit et ce qu'elle entend. Alors quand tout redevient calme, elle a l'impression qu'elle est juste devenue sourde. La menace disparait. Ses jambes abandonnent et se dérobent sous elle sans prévenir.
Pourquoi y a-t-il un cadavre de plus sous ses yeux ? Ce n'est pas normal de voir autant des gens mourir en si peu de temps. Ça la laisse un peu hébétée et le souffle court de trop l'avoir retenu.
Quoi "la ville" ? Il y a encore une ville ? Avec des habitants et un quotidien où personne ne crève bouche ouverte sans aucune explication ? L'idée la fait rire, un rire nerveux et bref. Allons en ville alors, et voyons qui d'autre va être emporté dans leur sillage.
HRP : se relève et se tait.
Il se retourne vers vous, il vous semble qu'il a pleuré, mais il ne dit rien, et vous ne dites rien non plus. Vous n'avez pas le temps d'avoir un mouvement de recul lorsqu'il pose sa main sur chacune de vos épaules.
* Profitez de cette journée.
L'instant d'après, vous êtes en ville, et il n'est plus là. Il vous semble qu'il s'agissait d'Adieux.
Page 3 sur 3 • 1, 2, 3