Milan est tiré de son sommeil avec violence, la respiration haletante, le cœur sur le point d’exploser. Le cauchemar quitte sa mémoire à l’instant même où il ouvre les yeux, mais il n’a pas besoin d’en connaître les détails pour savoir quelles images et quelles émotions l’empêchaient de dormir. Il se relève pour se mettre en position assise sur le canapé, repoussant les draps qui le recouvraient (d’ailleurs il n’a pas souvenir de les avoir pris, ni même de s’être couché pour la nuit. Il est probablement tombé de fatigue.). La lumière bleuâtre de sa montre lui permet de rendre compte de l’heure tardive, mais pas si inhabituelle pour son rythme de vie.
Vêtu d’un simple t-shirt et d’un pantalon de jogging ample noir, une vieille paire de baskets aux pieds, il quitte l’appartement. Il est perturbé, l’estomac noué par cette mauvaise sensation qui ne veut pas le quitter. Ses pas le guident instinctivement vers la gare la plus près de chez lui. Il en connait le chemin par cœur, maintenant. Milan n’a même aucune idée de pourquoi il s’y dirige, car il n’a pas pensé à prendre sa carte de train, ni son portefeuille pour acheter un ticket direction nulle part.
Malgré tout, il prend place sur le quai, assied sur un banc faiblement éclairé par une lampe murale. Son cœur bat encore la chamade. Il a besoin de faire quelque chose, de bouger… et ses pensées se tournent vers ça, ce quelque chose qu’il a découvert il y a peu, cette capacité. Et si… ?
Les phares du train apparaissent au loin. Milan scrute les alentours, à la recherche d’yeux indiscrets, des employés, des civils. Mais à cette heure, les gens sont peu nombreux à l’extérieur de leur domicile, même dans une ville aussi grande et mouvementée que Polaris. Il descend du quai et traverse les rails, caché là où c’est boisé, et il attend. C’est la première fois que Milan met sérieusement au défi ce qu’il avait découvert il y a quelques semaines déjà. Jusque là, il se surprenant surtout à bouger un peu plus vite que la normale, à rattraper avec une aisance déconcertante les objets qu’il faisait tomber.
Après un temps d’arrêt au quai, le train se remet en route. Milan se met à courir. L’engin sur rail va beaucoup trop vite, et le dépasse aisément.
Puis ses jambes prennent de la vitesse. Pas assez pour le rattraper, et encore moins le dépasser, mais suffisamment pour le suivre. Alors il court, le regard fixé sur les phares rouges du dernier wagon, comme si un lien invisible le maintenait à lui et qu’il ne devait surtout pas le casser.
Et il continue ainsi jusqu’au quai d’embarquement suivant. Il s’arrête, le souffle court, les jambes tremblotantes menaçant de céder d'une seconde à l'autre, mais l’adrénaline est euphorisante.
quaies de la gare
C’est une nuit banale, comme les autres. Longue et ennuyeuse comme pas possible. Un peu comme toutes les nuits où Hego travaille. Très peu de passagers, très peu de trains, beaucoup de nettoyage, et beaucoup de maintenance. D’ailleurs, c’est ce qu’il fait, Hego. Installer les horaires pour le lendemain, modifier les sens de circulation entre les voix… Bref des trucs vraiment pénibles qu'il aurait préféré ne pas faire. Sa montre affiche un peu plus de deux heures du matin. L’heure de la pause. Hego s’apprête à sortir son badge pour accéder à la salle de pause et prendre un café si désiré… Mais non, le destin dit non. C’est à cet instant qu’on l’appelle. Son collègue. « Ouais, Hego, y a un gars qui fait du hoverboard à toute vitesse sur les voies, il s’approche de toi, tu peux lui dire de partir ? ». Hego soupire, mais accepte, pas trop le choix. Du hoverboard ? Il sourit, un peu. Assez difficile pour lui d’imaginer quelqu’un faire du hoverboard sur les voies, mais bon…
Hego n’eut cependant pas le temps de réfléchir davantage parce que… Quelque chose traverse à toute allure. Putain, c’était donc pas des blagues ? Y a vraiment un gars qui n’a que ça à faire de ses nuits que de s’entraîner au hoverboard ? Hego ne prend pas le temps de réfléchir plus longtemps et essaye tant bien que mal de le courser. Assez difficile, il est vraiment loin d’être un grand sportif… Et ensuite, c’est qu’il est vraiment moins rapide que l’autre ! Par chance, l’inconnu s’arrête un peu plus loin. Bon, il faut un petit moment à Hego pour le rattraper, mais il y arrive, non sans une certaine difficulté.
Il finit par regarder l’homme - en prenant bien soin d’esquiver son regard - à la recherche de son appareil. Il ne le voit pas.
L’adrénaline descend tranquillement, et Milan peut à peine mettre un pied devant l’autre. Il en a trop fait, et cela le terrorise tout à coup. Il en tremble de tous ses membres. Qu’est-ce qui lui arrive ? Son corps pourra-t-il le supporter ?
Puis une voix derrière lui l’interpelle, et ça le tétanise. Il craint de se retourner, mais il ne peut plus fuir maintenant, ses jambes lui semblent lourdes comme du béton, et ça fait un mal de chien. Il a pourtant déjà fait face à des situations bien plus délicates qu’une petite altercation avec un inconnu, mais là il est… paumé. Il ne saurait expliquer quoi que ce soit. Trouver des excuses, ce n’est pas son fort, et il est trop embrouillé pour réfléchir.
L’individu s’approche, Milan tente de reprendre son calme avant de pivoter sur lui-même pour lui faire face. Et il le reconnait. Il se souvient pas bien de son nom, mais Milan et lui se croisent souvent, quand il vient faire ses petites tournées nocturnes. Il se recule d’un pas, tente de rester dans l’ombre.
Milan n’a même aucune idée de ce qu’est un hoverboard. Il tente l’approche du « je fais semblant de rien ».
Mais il sait déjà que cette discussion n’est pas terminée.
quaies de la gare
L’endroit est sombre, à cause de la nuit et de l'absence d’éclairage - prétexte pour être plus écologique, tu parles, c’est bien une cause économique oui - du coup, il voit très mal l’inconnu. Mais vraiment, la défense qu’il lui propose est un peu mauvaise, et pas ultra crédible. Bref, là n’est pas l’important, Hego fait ce qu’il a à faire, et comme l’homme n’a pas l'air d'être trop une menace pour lui, ça devrait bien se passer.
Il soupire, Hego ; finalement, il se demande s’il ne préfère pas quand il ne se passe rien, et que sa seule tâche est de s’occuper de la maintenance générale. Le petit rituel de la routine, quoi… Mais bon, quand imprévus il y a, faut bien les gérer ; et ce, même quand on a horreur de voir sa routine dérangée - mais il commence par en avoir l’habitude, Hego, d’avoir sa routine dérangée.
L'employé parle, et parle encore. Et Milan il a qu'une envie, c'est de fuir à toute jambes, partir le plus loin possible. Ce qui lui est tout simplement impossible de faire, et qui le rend si vulnérable à ce moment précis.
L'homme semble étonnamment imperturbable face à ce dont il vient d'être témoin. Essaie-t-il de gagner du temps, a-t-il contacté la police ? Ou alors est-ce sa façon de gérer le choc de la scène, une situation tellement surréaliste qu'il n'arrive pas à comprendre réellement ce qu'il a vu. Milan ne comprend pas du tout. Mais il doit absolument éviter que cet incident soit pris en note où que ce soit, et que toute trace de son passage ce soir-là disparaisse.
Comment a-t-il pu rattraper ce train.
Voilà une question à laquelle Milan à du mal à répondre lui-même. Aucun indice ne lui permets de comprendre exactement ce qui est en train de lui arriver.
Il ne sait pas quoi dire de plus, et impossible de savoir comment son interlocuteur allait réagir. Mais puisqu'il a vu, il lui sera probablement difficile de nier, ou le prendre pour un fou...
quaies de la gare
Pendant un moment, Hego laisse un peu planer le silence. Le temps d’analyser et d’interpréter tout ce que l’homme vient de lui dire. Est-ce qu’il doit le croire ? La partie logique de son cerveau se le refuse, c’est juste tout bonnement impossible. Mais une autre partie de son cerveau lui rappelle aussi que les choses pas rationnelles et qui arrivent du jour au lendemain, Hego, il connaît un peu ça. Il l’observe de la tête aux pieds - en évitant soigneusement son regard - à la recherche de… Hego n’en a aucune idée de ce qu’il recherche exactement ; l’espace d’un instant il s’est peut-être dit que c’était quelque chose de visible, mais s’il ne sait même pas à quoi ça ressemble… Il secoue la tête à la négative, comme pour chasser toutes les pensées qu’il peut avoir.
Il remarque une pause, Hego. Il ignore totalement comment il doit réagir ? Rester dans ce qui était prévu ? Non, parce que, comme l’autre l’a si bien dit, ce n’est pas explicable rationnellement. Donc il faut faire… Autre chose. Une partie de lui a juste envie de décamper d’ici et faire genre qu’il ne s’est au final rien passé, blabla, on termine la nuit et tout est oublié. C’est la solution de facilité… La solution un peu lâche aussi, il faut dire. Mais il faut dire aussi, Hego aime bien quand la solution est facile, c’est beaucoup moins prise de tête. Mais d’un autre côté, il y a un quelque chose d’indéterminé qui n’a pas envie d’en rester là.
Hego fait quelques pas supplémentaires vers l’inconnu, une façon à lui d’appuyer un peu plus le fait qu’il lui fasse confiance…
Milan n'a lui-même aucune idée de quoi penser de sa situation. C'est arrivé, et il ne sait pas encore pourquoi, ni comment. Il n'a osé en parler à personne jusqu'à présent, pas même à des professionnels de la santé, ou des scientifiques... en fait, il ne sait pas ce qu'il doit en faire, tant tout cela lui semble irréel.
Contre toute attente, l'homme encaisse plutôt bien la confession, malgré les doutes qui semblent l'habiter. Il semble réfléchir, beaucoup. C'est mieux qu'une réaction de panique, ou de déni, qu'il se dit pour lui-même. Milan confirme pour l'histoire de portefeuille — maintenir ce mensonge est désormais inutile.
Il se demande s'il devait le remercier de le croire, mais cela lui semble idiot, et préfère ne rien ajouter.
Ses jambes sont terriblement endolories, un état de fatigue musculaire qu'il n'avait encore jamais ressentie auparavant. Il craint les jours à venir. Il craint l'état de ses jambes à long terme, aussi. C'est absolument terrifiant de ne pas savoir si son corps pourra s'en remettre, s'il pouvait ainsi s'auto-détruire. Mais l'heure n'est pas à la peur, il doit déjà sortir de là.
Milan ne sait pas où l'autre homme souhaite aller, mais il le suit sans trop se poser de question. La confiance mérite bien d'être réciproque.
quaies de la gare
Un petit moment encore, Hego a encore quelques doutes. Hésite à revenir sur ce qu’il a dit, et au final ne plus le croire. Mais… Force est d'avouer qu’il ne peut tout d’abord pas expliquer ce qu’il vient de voir, et couplé également au fait qu’il voit bien que l’homme face à lui, lui donne toutes les raisons du monde de le croire : il confirme bien l’histoire du portefeuille, difficulté à marcher. Donc oui, si on oublie le côté un peu surnaturel de la chose, tout semble plausible. Il soupire une nouvelle fois Hego. Sans explication valable cette fois.
Il regarde alors l’homme marcher. Lentement. Difficilement. Mais il n’est pas impatient Hego, bien au contraire à vrai dire.
Et puis, viennent les derniers mots de l’homme. Il s’excuse, espère ne pas causer d’ennui. Hego secoue la tête à la négative.
Une fois côte-à-côte avec l'employé de la gare, il pose une main sur son épaule, pour s'y soutenir.
Un frisson d'angoisse le traverse lorsque le mot « caméra » survient dans la conversation. C'est dit avec détachement, sans inquiétudes. N'empêche que Milan a tout sauf envie d'attirer l'attention sur lui, qu'on lui pose des questions, qu'on lui demande d'expliquer quoi que ce soit. Comme il doit le faire en ce moment, devant témoin. Mais il n'a aucune réponse, seulement la capacité brute.
Il y a aussi cet autre chose, cette sensation de devoir être autre part, auprès de quelque chose, même s'il ne sait pas quoi ni où, juste une impression vague. Il ne saurait dire si c'est lié mais deux choses aussi étranges qui surviennent au même moment n'a que très peu de chance d'être de simples coïncidences.
Il soupire doucement, vraiment agacé d'être dans cette situation. Il n'a même aucune idée de comment il va rentrer chez lui, et de comment il expliquera à son frère pourquoi il marche comme un vieillard soudainement.
quaies de la gare
Main qui vient se poser contre son épaule, alors que l'autre vient s'excuser.
Le trajet le long des quais est ponctué par les - trop - nombreuses paroles de Hego. Qui parfois se parle plus pour lui-même que pour l'inconnu qui frise avec la vitesse de Flash… Mais ça ne le dérange pas, à Hego. Pas le moins du monde. D'autant plus qu'on lui répond. Pas spécialement une réponse qui vienne pleinement satisfaite la curiosité de Hego, mais en soit, ce n'est pas très important. L'essentiel étant qu'au final, tout le monde aille bien.
Puis, il soupire à nouveau. Regarde l'heure affichée à sa montre.
hrp: jpp Hego à part parler il sait rien faire, donnez lui un rôle au théâtre, il sera excellent
Après avoir atteint la vitesse d'un train, leur marche lente jusqu'au quai lui donnerait presque l'impression de faire du surplace. Son aimable accompagnateur poursuit la conversation comme s'il se reconnaissait dans l'expérience de Milan, comme s'il avait déjà vécu un truc semblable. Mais Milan a fait bien plus que courir rapidement, il a couru très rapidement, beaucoup plus vite que les meilleurs coureurs du monde. Ce n'est pas qu'un simple fait anecdotique, c'est en dehors de tout fait naturel, il le sait bien. Est-ce qu'il cherche simplement à le rassurer en s'identifiant à sa situation ? L'ex-soldat aurait envie de lui demander d'expliquer davantage, mais il se tait, hochant simplement de la tête en n'émettant que des
Lorsqu'ils atteignent enfin les quais, Milan s'assoit sur un banc avec soulagement.
Ah. Pas de portefeuille, c'est malin ça.
Il ne prévoyait pas le revoir, ni même revenir à la gare après cette nuit. Il souhaitait simplement disparaître.
Ces putains de 20 dollars.
Promesse, main sur le cœur et yeux dans les yeux.
Hego, je vous en dois vraiment une.