Quartiers d'affaires ; Ginkgo Hotel
(Dans le passé, quelques jours avant) Eliwen était arrivé en début d’année à Polaris. Il n’avait pas tardé à aller remplir tous les papiers administratifs pour s’inscrire à la fac, même s’il avait, du coup, loupé la moitié de l’année. On lui avait dit qu’il devrait de toute façon repasser l’année prochaine, chose logique. Mais on lui avait également proposé de participer à quelques cours, notamment certaines options, s’il voulait enrichir un peu son dossier. Eliwen avait accepté ; de toute façon, il n’avait pas grand-chose à faire de ses journées, alors… C’était comme ça qu’il s'était retrouvé avec un petit groupe d’autres étudiants, dans un cours accès sur la communication en lien avec la consommation. Visiblement, ce n’était pas un cours très prisé par les étudiants, puisqu’il était en commun avec ceux d’une autre filière. Même si, à vrai dire, Eliwen était totalement incapable de dire quelle était cette autre filière : après tout, ça ne le concernait pas à lui. Et c’était du coup comme ça, qu’il se retrouvait à devoir faire un travail de groupe.
Les travaux de groupe, ce n’était pas vraiment la tasse de thé du jeune homme… Jusqu’à présent, il était toujours tombé dans des groupes où c’était lui qui faisait tout le boulot. Bon, ça ne l’avait jamais dérangé, au contraire même, ça l’arrangeait, il savait ce qu’il faisait et ça lui convenait toujours. Mais cette fois-ci, ça n’était pas le cas. Eliwen s’est retrouvé avec… Quelqu’un qu’il ne connait pas - bon, jusqu’à là, rien d’anormal, il ne connaissait personne dans ce cours. Et Eliwen étant Eliwen, il n’avait bien évidemment pas osé aller lui parler de lui-même, c’était elle qui lui avait alors proposé qu’il passe chez elle à une certaine heure pour qu’ils puissent travailler ensemble. Eliwen avait accepté - pas trop le choix - bien que ça ne l'enchantait guère… Car, comme toujours, il avait ce petit sentiment d’avoir peur de ne servir à rien, de ne pas trouver sa place. Mais il ferait l’effort, Eliwen faisait toujours un effort.
(Dans le présent) Le voilà à arpenter les rues des Clématis. Vraiment, une partie de Polaris qu’il ne connaît absolument pas. Un très joli quartier, mais bon, ça ne lui fait pas vraiment l’effet wahou que peuvent avoir ceux qui n’ont pas l’habitude de fréquenter de tels quartiers ; Eliwen en a tellement vu durant son enfance qu’il n’y fais même plus attention aujourd’hui, c’est un peu triste quand on y pense. Il se dirige vers l’adresse indiqué, c’est un hôtel, alors il n’a pas trop de mal à le repérer de loin. Il entre dans le bâtiment ; plusieurs personnes lui lancent des regards, mais personne ne lui dit rien. D’un côté logique, Eliwen tranche très fortement avec l’apparence des lieux ; ça ne doit pas être très habituel ici de croiser quelqu’un qui s’est habillé avec les trois premières fringues trouvées dans son placard, un sac à dos ayant vécu plusieurs années porté sur une épaule, et au milieu de tout ; lui : Eliwen. Il soupire, mais se dirige vers l'ascenseur.
Quelques secondes passent, le temps d’arriver au bon étage. Il ne lui faut pas très longtemps pour trouver la bonne chambre. Il hésite quelques secondes, mais se résigne : il n’a tout de même pas fait tout ce chemin pour tourner les talons au dernier moment. Il toque deux fois à la porte.
Veronica claque bruyamment la langue, signe de son exaspération. Elle pianote avec force sur le clavier de son téléphone, s’arrête quelques secondes en attente d’une réponse, puis grogne. Un grognement aigu, peu crédible, mais un grognement quand même. Une photo apparait dans le fil de la discussion, celle de son dossier scolaire en chute libre.
Son poing se serre et elle tape le plus fort qu’elle peut. Heureusement, c’est le matelas qui absorbe le choc. Ce n’est pas qu’elle est si forte mais Giovan ne serait pas enchanté qu’elle endommage la chambre et les meubles gracieusement prêtés. Chambre dont il la menace justement de l’expulser si elle ne prenait pas ses études plus au sérieux…
Ça cogne, deux coups. Quelqu’un parle, mais elle n’entend pas bien ce qu’il dit, Nicky est trop éloignée de la porte et sa tête trop occupée à se ressasser cette discussion qu’elle vient d’avoir avec son beau-père. Elle lance son téléphone sur la table de cuisine et ouvre la porte de la chambre d’un mouvement sec, suivi d’un
Ce n’est pas dans les habitudes de Nicky d’accueillir quelqu’un comme ça. Normalement, elle sait gérer sa colère, ou plutôt à quel moment et contre qui elle la laisse paraître. Il lui faut quelques secondes pour replacer le jeune homme qui est là, devant sa porte, probablement un peu mal à l’aise devant l’aura hargneuse qu’elle dégage. Les trais de son visage s’adoucissent un peu lorsqu’elle se rappelle pourquoi il est là, ce fameux travail d’équipe. L’envie de le renvoyer chez lui apparaît brièvement dans son esprit, mais visiblement… elle ne peut pas se le permettre.
Veronica se retourne et le laisse refermer la porte derrière lui pendant qu’elle va chercher son ordinateur portable, le recueil de textes pour le cours, son cahier de note. Même s’il s’agit d’une chambre d’hôtel, celle-ci est tellement grande qu’on se croirait presque dans un loft. Lorsqu’on entre, il y a une petite table ronde et quatre chaises, une cuisine équipée (évier, grand frigo, four, micro-onde…) sur la droite. Au fond se trouve un long canapé trois place, et un sofa du même modèle est placé perpendiculairement. Une table basse rectangulaire est placée au centre. On peut aussi remarquer les coussins et les gamelles appartenant à Zeus et Kiffa, mais les deux samoyèdes ne sont pas là, Nicky les laisse à la maison principale les jours de semaine. À gauche, il y a une salle de bain luxueuse et, finalement (sans compter la grand terrasse), son grand lit et les meubles de chambre sont cachés derrière un mur séparateur, lui accordant une certaine intimité.
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La porte s’ouvre. Et derrière la porte, ce n’est pas vraiment la personne la plus joyeuse sur qui tombe Eliwen. Pendant une seconde, il se demande s’il ne s’est pas trompé d’heure. Si ça se trouve, il est juste en train de la déranger pendant qu’elle est en train de faire quelque chose. Puis, la question le surprend un peu.
Eliwen regarde autour de lui. Pour sûr, il n’y a pas à dire, ça change radicalement de l’appartement dans lequel il habite avec ses colocataires ! Il suppose qu’en habitant ici, elle ne doit pas entendre le voisin qui tire sa chasse d’eau à trois heure du matin, comparé à lui…
Cette impression de ne pas arriver à trouver sa place gagne de plus en plus en intensité. Alors, Eliwen prend un petit peu les devants, histoire que tout se termine… assez rapidement ; où tout du moins qu’ils se mettent au travail, ça l’aidera à se concentrer sur quelque chose. De toute façon, Eliwen a déjà commencé à y travailler dessus, il aurait vraiment été encore plus gêné d’arriver les mains vides.
Veronica laisse tout tomber sur la table de la cuisine, et s’assied sur la chaise à côté d’Eliwen. D’un geste rapide elle remonte l’écran de son pc et appuie sur le bouton power, lui laisse le temps d’ouvrir en observant son coéquipier qui fouillait dans son cartable pour en sortir des feuilles.
Ce n’était pas par hasard que Veronica avait approché Eli pour ce travail. Elle a un bon instinct pour repérer les gens doués dans les cours, ou du moins même s’ils ne sont pas très doués, ceux qui sont bosseurs. Ça vient souvent ensemble, mais pas toujours. Il faut dire qu’elle commençait à connaître plusieurs têtes, qu’elle avait croisé dans d’autres cours, et elle savait de qui il valait mieux se tenir loin pour les travaux d’équipe. Et il ne semblait pas la reconnaître elle, ce qui est aussi un gros bonus.
Et puisqu’il avait déjà commencé à bosser, il semblerait qu’elle ait encore vu juste.
Un crayon en main, son regard parcours rapidement le texte qu’il avait rédigé, biffant certains mots, prenant des notes, entourant les termes en allemand qu’elle ne reconnaissait pas. Un long silence s’installe pendant qu’elle révise les écrits. Elle ne lui a pas demandé son accord avant de gribouiller ainsi sur ses feuilles, ni même répondu aux commentaires verbaux pour s’excuser de son anglais. En vérité, elle s’en fiche bien de tout ça, être venu avec brouillon est déjà beaucoup.
En quelques clics, un logiciel de traitement de texte s’affiche sur l’écran et elle entreprend de retaper l’esquisse de leur travail en prenant en compte ses propres corrections. Ils continueront de travailler à partir de ça. Ses doigts pianotent rapidement sur le clavier et sa tête fait de petits mouvements furtifs de gauche à droite, suivant son regard qui voyage entre l’écran et la feuille de papier.
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Un silence vient s’installer dans la pièce. Silence coupé de temps à autre par Veronica qui a pris sa feuille et vient y annoter des choses. De là où il est Eliwen ne lit pas tout ; il se contente simplement de traduire approximativement - à l’aide de phrases, car il n’a pas le mot technique exact - les mots allemands qu’elle entoure, car il suppose que c’est ce qu’elle ne comprend pas. Il ne sait pas si elle y porte vraiment attention, mais ça vient couper un peu le silence, alors… Le reste du temps, Eliwen ne sait pas trop quoi faire… Alors il attend que quelque chose se passe. Il regarde un peu le décor, en évitant de le faire de manière trop indiscrète, juste quelques coups d'œil, de temps à autre. Il trouve l’endroit assez beau ; bien que lui faisant fortement penser à un endroit où sa grande-soeur aurait pu habiter… De temps à autres il la regarde recopier ce qu’il a fait - avec quelques changements - sur son ordinateur, ce qui le rend encore plus coupable de ne pas avoir pris la peine de tout mettre directement à l’ordinateur…
Puis Veronica vient briser le silence. Ce qui vient même ramener Eliwen sur Terre, parce qu’il était en train de s’amuser avec un stylo… Des petites questions sur lui ; il ne sait pas trop si c’est juste pour tuer le temps ou parce qu’elle s’intéresse vraiment à lui… Ouais non, c’est pour tuer le temps.
Il sait que sa phrase, c’est plus pour meubler qu’autre chose ; parce qu’à moins qu’elle ait deux ordinateurs, ça lui semble compliqué de pouvoir… Faire quelque chose. Alors, Eliwen lui pose la même question en retour. Pour meubler, mais aussi un peu car ça l’intéresse. Parce que Eliwen, il est comme ça, à davantage se préoccuper des autres - même ceux qu’il ne connaît pas - que de lui-même.
Elle écoute ses réponses sans le regarder, mais pas forcément désintéressée. Elle n'a pas eu conscience de son arrivée en Février, se dit-elle. À l'université, les classes sont tellement variées, et les étudiants plus libres de leur temps, donc voir des têtes inconnues ne retient pas tellement l'attention dans une classe. Ça passe presque incognito.
Le tact n'est pas vraiment sa plus grande force, mais il s'agit d'un compliment. Veronica termine de recopier la première page, s'éloigne du clavier et étire ses bras au dessus de sa tête.
La question qu'il lui pose la fait réfléchir à son tour. Veronica ne s'est jamais vraiment posé cette question, et n'a même jamais vraiment envisagé sa vie ailleurs qu'à Polaris. Après tout, son avenir est déjà tout tracé.
Elle attrape deux verres dans une armoire et un bol, qu'elle pose sur le comptoir. Dans ce dernier, elle mets une grosse grappe de raisins, des fraises, et des morceaux de fromage.
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Ce n’est pas la première fois qu’on le lui fait remarquer, à Eliwen, qu’il a quand même un accent assez prononcé. Bon, en même temps, ce n’est pas très étonnant ; il a toujours vécu en Allemagne jusqu’à ce qu’il déménage à Polaris ; et a un peu appris l’anglais sur le tas, en se servant des bases qu’il a apprises durant sa scolarité. Ça va que l’anglais et l’allemand sont des langues ayant une racine identique, parce que mine de rien ça lui a pas mal servi.
Heureusement, Veronica lui propose assez vite de prendre le relais sur la mise de leur devoir sur l’ordinateur.
Eliwen l’entend ensuite lui poser une question, s’il veut boire quelque chose. Instinctivement, il s’apprête à lui répondre que non, ce n’est pas la peine qu’elle se dérange pour lui. Mais sitôt qu’il se retourne pour le lui dire, il voit le frigo ouvert, et son corps lui fait comprendre que si, il a envie de boire un truc frais. Une partie de lui a très fortement envie d’opter pour le jus de fruit, un truc sucré ça lui ferait vraiment du bien, puis, c’est qu’il est quand même un peu gourmand, Eliwen. Mais une autre partie de lui, celle qui est bien plus sur la réserve, lui fait remarquer qu’il embête déjà Veronica a lui servir à boire, alors on ne va pas encore plus l’embêter. C’est un peu déçu qu’il opte pour écouter cette deuxième partie de conscience.
Une fois qu’elle est de retour - avec en plus quelques autres trucs à manger, une vraie torture pour Eliwen qui a à la fois pas envie d’y toucher, et à la fois grandement envie d’en croquer un bout ; surtout du raisin, là - il l’a voit se plonger dans les livres.
Veronica avait bien remarqué l’instant d’hésitation d’Eliwen concernant sa boisson, mais elle ne le contredit pas sur son choix. Elle n’est pas le type de personne qui se soucie vraiment du bien-être d’autrui, ou plutôt elle ne leur forcera pas la main à exprimer leurs désirs : elle s’en fiche. Elle offre de bonne foi, et se soucie peu de donner ce qu’on lui demande, mais elle est totalement désintéressée de lire les non-dits, le langage corporel, les silence. Ce qui n’est pas exprimé ne la regarde pas.
Repoussant ses livres ouverts sur des pages qu’elle considère pertinentes, elle récupère le pc qu’Eliwen lui tend.
Son regard remonte vers Eliwen lorsqu’il s’apprête à lui poser une question. Elle ne peut s’empêcher de se demander pourquoi il semble si mal à l’aise. Malaise n’est peut-être pas le terme approprié, mais il dégage tellement d’insécurité, est-ce elle qui l’intimide tant, ou il est juste timide ? Son bras s’étire pour atteindre le plat situé entre eux-deux et le repousser légèrement dans sa direction.
Le téléphone de Nicky se met soudainement à vibrer, plusieurs fois d’affilée. Elle le fixe pendant quelques secondes, ennuyée, avant de se résoudre à le prendre. Y des alertes provenant d’instagram, probablement des réactions à sa story publiée un peu plus tôt, mais les alertes viennent surtout de plusieurs messages envoyés par sa mère. Ses sourcils se froncent et elle siffle entre ses dents en lisant ces messages.
D’un bond elle se lève, renversant pratiquement son siège, puis s’éloigne en tapant rageusement sur son téléphone, pour ne revenir que quelques minutes plus tard fouiller dans l’armoire au-dessus du frigo. D’une jolie boîte contenant autrefois des chocolats fins, elle sort un sac de plastique transparent contenant un méli-mélo de cachets, de papier à rouler, d’herbe broyée, et un joint qu’elle prend avant de rejeter le reste sur le comptoir, se fichant bien de ce que pourrait penser son invité.
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Sitôt l’autorisation obtenue, Eliwen attrape donc quelques raisins. Pas beaucoup, typiquement parce qu’il n’a pas envie de gêner à en prendre trop - quand bien même elle lui ait dit de faire comme chez-lui… Mais c’est suffisant pour satisfaire sa gourmandise. C’est frais, c’est bon, et surtout, ça le change un peu de ce qu’il a l’habitude de manger depuis qu’il habite à Astéria. Mais de toute façon, Eliwen n’a pas spécialement le temps de faire quoi que ce soit de plus, puisqu’au même moment, Veronica semble… Plutôt contrariée par quelque chose sur son téléphone. Eliwen ne réagit pas ; enfin, si, il surveille les gestes qu’elle est en train de faire, tout en adoptant une attitude très concentrée sur l’un des livres situé sur la table. Sa manière à lui de montrer qu’il ne se mêle pas des affaires des autres. Même si au final, il n’est absolument pas concentré et est plutôt en train d’aviser le moindre fait et geste qu’elle puisse faire…
Puis, Eliwen la voit revenir. Fouiller dans une boîte pour en attraper le contenu… Bon, Eliwen n’est pas dupe, il sait parfaitement à quoi sert ce fameux contenu ; pas comme si c’était la première fois qu’il en voyait. Mais une fois encore, il ne réagit pas. Eliwen se contente à nouveau de suivre d’un œil ce qu’elle pouvait faire. Pas spécialement par curiosité, loin de là ; plus pour trouver le moment idéal pour… Faire quelque chose ? Savoir s’il devait la laisser tranquille et continuer le travail seul ; ou carrément partir ? Eliwen n’en sait tellement rien qu’il préfère essayer de trouver les moindres signaux plutôt que de poser directement la question.
Et puis, voilà qu’elle lui parle. Une question. Puis un ordre. Eliwen se redresse, hoche la tête. « D’accord. ». Simple mot qu’il prononce, avant de s’exécuter. Il attrape le plat, et se dirige vers le balcon par l’endroit où elle était passée quelques secondes auparavant. Arrivé dehors, il pose le plat qu’il tient dans ses mains sur une table, à proximité d’eux. Eliwen ne dit rien dans un premier temps, n’arrivant pas à savoir s’il a le droit ou non de parler. Mais au final, il ne connaît pas trop cette Veronica, il sait juste… Qu’ils ont des cours en commun. Et voilà, c’est tout ce qu’il sait. Mais il suppose qu’elle ne doit pas avoir reçu la meilleure des nouvelles, surtout avec le changement d’attitude qu’elle a pu avoir…
Les coudes appuyés sur la rampe, Veronica allume le joint et en prend une grande bouffée, qu'elle garde quelques secondes dans sa gorge avant de la recracher dans l'air. Son regard se porte vers le bas, observant les passant et les voitures, presque aussi petites que des fourmis à cette hauteur. Même si elle est toujours contrariée, toute trace de colère ou d'agressivité a déjà disparu en même temps que cette bouffée qu'elle vient d'expirer.
La jeune femme se retourne vers l'autre étudiant, et elle se laisse glisser le long du garde-corps jusqu'à s'asseoir par terre. Elle tend l'herbe roulée vers lui, sans insister, juste pour offrir. De son autre main, elle attrape sa longue tignasse blonde qu'elle ramène devant son épaule gauche.
C'est la première fois qu'elle le dit à voix haute.
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Eliwen lui répond avec un petit sourire qui se veut agréable, quand elle lui répond qu’elle va bien. Eliwen n’a jamais été doué avec les relations sociales… On peut même dire que Eliwen n’a en réalité jamais été doué sur le plan social. Il ne sait jamais quand il doit parler, quels sont les gestes appropriés ou non ; lui tout ce qu’il sait faire c’est entendre ce qui est dit, mais l’interpréter, c’est différent. Eliwen attrape le joint qu’elle lui tend. Il y tire une petite bouffée ; parce que bien que ça ne soit pas le premier - et sans doute pas le dernier - ce n’est pas un habitué, manquerait plus qu’il soit pris d’une quinte de toux… Mais ça lui fait du bien, il suppose.
Le conseil d'Eliwen la fait doucement sourire. De toute sa vie elle n'a jamais pu décider quoi que ce soit, et ce n'est pas près de changer. Mais ça, elle préfère le garder pour elle.
Les propos du garçon l'intriguent tout de même, elle ne pensait pas qu'il était venu à Astéria dans ces conditions, pour fuir. Fuir, elle n'avait jamais envisagé ça. Elle préfère s'agripper au moindre élément qu'elle peut contrôler et s'en contenter.
C'est dit avec moins de chaleur qu'elle ne voudrait. Veronica n'est pas tellement douée, pour la sympathie. Elle semble toujours se foutre de tout, si ce n'est de ses propres problèmes.
Elle choppe deux trois morceaux de fromage et une fraise, qu'elle mange tranquillement.
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C'est un léger sourire qu'il lui offre, Eliwen. Un peu de gêne aussi y est présent. Il faut dire, il ne connaît rien à ce qu'a vécu Veronica ; tout comme elle ne connaît rien de lui, c'est peut-être un peu fort de se sentir désolée ? Ou alors, c'est peut-être aussi un simple sentiment humain ? Eliwen aussi à envie de se sentir désolé pour elle, même sans rien connaître, même en n'ayant eu qu'un très léger aperçu de sa vie.
La question qu'elle lui pose le fait un peu se questionner, à Eliwen. Il repense à ce qu'il a vécu en arrivant ici. Il repense à ce qu'il a abandonné en quittant son pays natal.
Une dernière longue bouffée avant d'éteindre le joint en l'écrasant contre le sol. La fumée ressort en même temps qu'un fou rire. La substance semble commencer à faire effet, elle est beaucoup plus détendue et a envie de rigoler pour un rien.
La jeune femme se lève et s'étire en gémissant. Elle n'a plus envie de parler de tout ça. De l'université, du futur, de la fuite. La fuite qui ne semblait pas réussir si bien que ça à Eliwen, finalement. Probablement que ce n'est une réponse appropriée à des problèmes qu'en de rares occasions. Veronica aussi, elle fuit, d'une certain façon. Elle vient de le faire à l'instant : en évitant les conversations difficiles avec ses parents, en consommant, en se perdant dans un cercle social aussi fragile que superficiel.
Sa main glisse sur le long de la rampe. Elle repense à cette soirée où elle s'est presque écrasée, là en bas. Si ce n'avait été d'Ysé, elle aurait disparu cette nuit là. À l'insu de cette foule d'inconnus qui faisaient la fête dans la pièce d'à-côté. Ça aussi, c'est une façon de fuir.
Elle veut juste se poser sur son canapé et regarder une série. Ne plus réfléchir.
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Un petit sourire de gêne vient se dessiner timidement sur ses lèvres. Pas très convaincant… Il s’en doute ; il n’a jamais été spécialement doué pour être convaincant, Eliwen. Il dit juste… La vérité. Où plutôt, sa vérité. Main qui se passe dans les cheveux, alors qu’il suit du regard la funeste destinée de la fumée du joint écrasé au sol. Léger soupir.
Il rentre dans la pièce, et il commence à ranger ses affaires dans son sac. Si maintenant le travail est annoncé comme terminé pour aujourd’hui, alors ça ne sert à rien qu’il reste ici plus longtemps. Il n’a pas envie d’embêter Veronica avec sa présence, elle doit avoir bien mieux à faire que de rester avec lui, et d’avoir des sujets de conversation qui ne sont pas des plus joyeux… Il faut dire ce qui est vrai.