Quand tu fermes les yeux, ce n'est rien de plus qu'un clignement de yeux - peut-être. Tu es sur le campus universitaire, comme généralement tous les jours. Il n'y a rien d'inhabituel, sinon peut-être l'accident d'hier soir, auquel tu n'as pas trop envie de penser. Des étincelles sortaient de tes doigts, hier soir, de l'électricité concentrée qui brûlait le bout de tes doigts. Tu as terrifié Andrea, tu as l'impression - ce n'est peut-être pas qu'une impression. Tu as terrifié Andrea, tu t'es fais peur tout seul. Tu n'as toujours pas compris ce qu'il s'est passé. Il y a quelque chose qui ne colle pas, et c'est un euphémisme un peu triste. Alors tu soupires lourdement, tu fermes les yeux, et -

Nausée. Problèmes. C'était comme marcher dans un cauchemar - incapable de voir où il va, d'où il venait, incapable de voir quoi que ce soit. Marcher comme il le pouvait, dans le vide. Marcher sur place, dans le noir, aucune lumière, rien.

La lumière se rallume. Elle se rallume sur le visage inquiet, et, pour être franc, un peu dégoûté, d'une femme qui t'observe alors qu'elle te dépasse. Ta confusion est immense. Tu n'es plus entre deux bâtiments de la faculté, tu es dans une rue que tu ne connais pas, dans ce qui t'apparaît être l'Octant. La femme t'adresse un dernier regard alors qu'elle te demande si ça va aller, et sans attendre de réponse, elle entre dans une boutique. Tu la suis du regard, laisse tes yeux s'échouer sur la porte de la boutique. Tu t'es arrêté devant, planté là, désorienté. Tu es un idiot, Vassili. Est-ce que ton subconscient veut se faire tatouer ? Tu détestes les aiguilles et ça ne t'attire pas plus que ça. Tu restes con, hésitant à entrer dans la boutique pour demander où est-ce que tu es, mais en même temps, si c'est pour qu'on t'amène aux urgences (encore)... sans façon. Tu sors ton portable de ta poche et ouvres Maps, un peu désespéré.

Tu es à des kilomètres du campus universitaire. Qu'est-ce que tu as foutu ?

Tu t'apprêtes à repartir, bon an mal an. Après tout, qu'est-ce que tu veux faire ? Rester là ? Faire un sitting jusqu'à ce qu'une âme emplie de bonté vienne te chercher ? Idiot. Donc tu ranges ton portable dans ta poche et tu soupires, abattu. Tu espères n'avoir croisé personne de familier pendant ton délire, parce que l'embarras t'aurait sûrement tué en l'apprenant.

Tu t'apprêtes donc à repartir, quand un homme ouvre la porte de la boutique. Il n'y a que les petits escaliers à l'entrée du shop qui vous séparent, ainsi tu le regardes un peu d'en bas, surpris. Il a l'air d'être le patron de la boutique. Tu cilles, intérieurement. Tu espères que tu n'as pas fais fuir ses clients... il y a la femme qui t'a tiré de ton inconscience (plus ou moins) toujours dans la boutique, à quelques mètres de l'inconnu. Elle te lance un regard noir que tu interprètes comme... tu ne sais pas trop. Reproches, craintes, honte ? Va savoir.

Tu adresses un sourire sympathique à l'homme quand il te demande si tu cherches quelque chose - si tout va bien. Honnêtement, tu ne sais pas. Tu as chaud, et froid, et tu ressens puissance mille l'électricité qui te parcoure. Tu es un peu fiévreux, en fait, peut-être. Tu cilles, chancèles. Je suis désolé... je ne voulais pas faire peur à vos clients. Tu ris un peu, de bon coeur peut-être, mais surtout, tu ris de toi. Je suis un peu malade, j'ai phasé jusqu'ici, je sais à peine où je suis honnêtement, hahaha... Vassili Kalantzis, espèce de gros looser. Tu stresses, là. Ton accent très peu astérien est en train de revenir à mille à l'heure - bousculant tes mots et tes phrases et tes accentuations. Tu passes ta main dans ta nuque, embarrassé. Il va te prendre pour un fou, mon gars. C'est... dommage. Ne vous inquiétez pas ! Ca va.

Soyons honnêtes deux minutes: si le jeune homme en face de toi est tout à fait agréable aux yeux, aux oreilles mais aussi au coeur, la femme derrière lui, toujours réfugiée dans la boutique, est terrifiante. Enfin, terrifiante. Ca reste une femme random, qui ne te veut, à priori, pas grand-chose. Mais bon...

La réponse de l'inconnu te fait bien rire. Visiblement, tu n'es pas le seul à être mis mal à l'aise par cette inconnue peu aimable. Tant mieux... tant mieux. Les options que te présentent le jeune homme sont très intéressantes, mais plus tu étais loin de cette femme à l'aura délétère, mieux tu te portais. Ah, oui, j'apprécierai une escorte, surtout si elle est aussi sympathique que vous ! Tu lui adresses un grand sourire alors que tu désignes le bout de la rue du menton. J'habite littéralement à l'autre bout de l'Octant, par contre. Enfin, à partir du campus, je pourrais m'en sortir pour rentrer moi-même. Enfin, si tu ne te perds pas en route comme tout à l'heure. Tu ne peux pas le prédire, et ça te fait peur. Mais tu ne le montres pas, gardant une expression tout à fait neutre face à l'inconnu. Mais, attendez, vous travaillez le midi ? Vous ne prenez pas de pause ? Parce que si vous m'accompagnez, permettez-moi de vous inviter à manger un bout ! Ton accent s'est fait la malle, tu es dans ton élément - tu supposes. Tu es encore secoué, cela dit. Tu relèves les yeux vers la femme à l'intérieur de la boutique pour lui sourire, mesquin. Qui prend un rendez-vous à midi ?

Décidément, cette femme... tu ne peux t'empêcher de lui adresser un regard mi-amusé mi-agacé quand elle vous passe devant et qu'elle s'éloigne. Eh bien... Tu soupires, ramenant tes mains dans les poches de ton manteau. Une pimbêche comme on en faisait plus. Tu regardes Isak qui reste là, sa pauvre main encore tendue. Ca t'arrache un sourire, mais bon. Tu n'oses pas lui serrer la main en retour, on ne savait jamais... et en même temps, ce serait très malpoli de le laisser comme ça. Alors tu viens effleurer sa peau dans la poignée de main la plus triste de l'histoire, et ça ne manque pas - vous vous prenez une petite décharge qui te fait sursauter. Houla, désolé ! Un rire embarrassé plus tard, tu te frottes la paume. Je passe mon tour sur la poignée de mains, pour l'instant. Tu lui adresses un sourire. Vassili, tu lui réponds.

Tu attends qu'il ferme boutique pour le suivre à travers l'Octant. Je suis très fan de votre style, au fait. C'était tout à fait sincère. Tu n'es pas très moqueur, de façon générale, de toutes façons. Je suppose qu'on en attend pas moins d'un artiste tatoueur, mais ça vous va... vraiment bien. Tu le regardes de haut en bas - c'est à peine subtil, ça, Vassili. Tu vas lui faire peur, sérieux. Vous travaillez ici depuis longtemps ? Tu étais curieux. Etrangement, tu voulais en savoir plus sur lui - même si quelque chose d'étrange au fond de ton esprit te criait de ne pas le faire. De ne pas approcher cet homme... de te méfier. Tu ne savais pas pourquoi, et honnêtement ? Tu avais choisi d'ignorer cet instinct qui te gâchait ton bon plaisir.

Vous vous retrouvez enfin tous les deux, donc. Tu ne sais pas trop pourquoi cela t'enchante autant, mais soit. Haha, oui, c'est vrai... vous portez beaucoup de bagues. Tu remarques. Ce n'est pas une remarque négative, cela dit, tu t'émerveilles même un peu. Toi qui es incapable de porter le moindre bijou sans l'oublier au moment précis où tu le poses sur ta table de chevet, tu es impressionné. Tu observes ses doigts pendant un petit instant. Il a de belles mains. De grandes mains.

C'est définitivement quelque chose que tu n'oublieras pas, ça. Tu espères ne pas oublier son visage, non plus. Le timbre de sa voix, aussi, peut-être. Et surtout, son prénom - Isak. Tu t'empresseras de rentrer pour raconter cette entrevue à Andrea, après tout ça, et tu t'empresseras de lui parler d'Isak; parce que tu refuses d'oublier. Il y a quelque chose que tu ne veux pas oublier. Vous êtes vraiment... intéressant. A regarder. tu ajoutes avec un sourire candide, les joues un peu roses.

Tu l'écoutes te raconter son parcours alors que vous commencez à marcher, intéressé. C'est fou, parce que tu n'avais jamais remarqué cette boutique. En même temps, tu passais rarement du temps à flâner en ville, en réalité. Tu avais été plutôt occupé par ton métier. Plusieurs casquettes du même tissu, le grec, l'anglais, tout ce qu'il y avait entre ces deux langues, et puis les recherches, et puis ta propre amélioration linguistique, enfin bref. Et puis il y avait les hommes, et les femmes. Et leurs sourires et leurs compliments et leurs affections. C'était une coupe trop remplie qu'il fallait absolument que tu boives maintenant avant de tout renverser. Tu n'avais... pas réellement eu le temps de souffler, et ce n'était peut-être pas plus mal. Tu as un petit ricanement embarrassé alors que tu viens gratter ta joue du bout de ton doigt. Ton accent qui revenait toujours aux pires moments. Enfin. Tu avais été déstabilisé, ce n'était pas ta faute.

Eh bien, vous avez raison, je ne suis pas d'ici du tout. Je viens d'Europe, de Grèce, en fait. J'habite à Polaris depuis... Ah, voilà. Tu n'as aucune idée de quand tu es arrivé à Polaris, ou même à Astéria. Si le monde du travail et les études restent limpides et nettes dans ton crâne, ce n'est pas le cas de tout ce qui les entourent. Un moment, on va dire. Tu sauves les apparences avec un sourire. J'enseigne le grec et l'anglais à la fac depuis quelques années. Vous marchez encore un petit moment avant que tu ne tournes la tête vers lui. Est-ce que vous avez faim, au moins ? On peut juste aller boire un café, si vous voulez. Quelque chose te dit qu'il n'a pas faim du tout.

Isak te paraît très peu sûr de lui. C'est dommage, tu penses, alors qu'il te raconte qu'il n'est jamais parti visiter ton pays. Tu lui décris l'île où tu es né, bien que tu n'en conserves que très peu de souvenirs, tu en sais beaucoup sur Santorin. Si vous avez besoin d'un guide touristique, n'hésitez pas. Tu ris un peu, même si en soi, tu es à moitié sérieux. Ce serait une bonne occasion de retourner voir ta mère, que tu n'as pas vu depuis des lustres. Après tout, tu étais parti tôt de l'île... Le compliment sur ton accent soudainement porté disparu te fait sourire. Il faut bien, sinon mes étudiants ne me prendraient jamais au sérieux ! Déjà qu'ils ne le faisaient pas beaucoup - surtout les lycéens dont tu t'occupais de temps à autre.

Oh, euh. Je ne connais pas du tout cette rue... je passe mon temps avec Google Maps allumé sur mon téléphone. Ce n'est pas très glorieux. Mais en même temps, l'emplacement des boutiques intéressantes de l'Octant, c'est typiquement le genre d'informations qui te passent au-dessus de la tête. On peut aller où vous voulez. Déjà, je paie. Tu lui fais un clin d'oeil. En remerciement pour m'avoir sauvé de l'autre pimbêche, vers votre boutique. Ou peut-être parce que tu souhaitais être galant. Faites-vous plaisir.

Le chat attire tout de suite ton regard. Quel beau sac à puces. Tu es plutôt chiens, pour être honnête, mais au final tous les animaux ont tes faveurs. Tu les aimes juste énormément. Ce ne sont pas des créatures qui vont juger le fait que tu oublies. Mais c'est aussi pour ça que tu ne pourras jamais en avoir. C'est trop dangereux. Tu pourrais oublier de les nourrir, de les sortir, de t'en occuper. Les animaux de compagnie, c'est mieux chez les autres, tristement.

Ah, le chat... Il est adorable. Allons-y ! Tu as l'air très motivé alors que tu entraînes Isak dans la boutique. Tu n'as pas vraiment réfléchi avant de le tirer sans trop forcer dans la boutique. Peut-être qu'il n'est pas tactile. Peut-être qu'il n'aime pas être touché. Mais ça t'est venu naturellement. Tu te crispes un peu en passant la porte, craignant qu'il se dégage et que tu doives t'excuser. Vous avez des animaux ? Tu lui demandes alors que tu l'entraînes vers une table proche de l'animal en train de faire sa sieste, mais pas trop proche non plus, pour ne pas le déranger. Vous êtes entourés de plantes vertes. C'est joli. Tu en fais une belle, de plante verte, Vassili.

Il n'y a pas à dire, la liste te fait rêver - et tu gardes ton poing contre ta joue alors que tu écoutes Isak nommer une tripotée monstrueuse d'animaux de compagnie, un sourire un peu rêveur sur les lèvres. Tu adores voir les gens parler des choses qui les passionnent, mais avec Isak, c'est... plus compliqué que ça. Ton sourire est un bête, il faut l'avouer. Tu te contentes de le regarder avec des étoiles -ou des cœurs ?- dans les yeux, le pauvre Isak va se demander s'il n'est pas en train de t'endormir.

Tu te lances pour lui expliquer tout. Honnêtement, ça se fera sûrement de fil en aiguille et en fait, vu l'énormité de ce que tu ressens de façon très étrange pour Isak, il valait peut-être mieux lui dire maintenant. Tu ne veux pas le blesser et tu préfèrerais éviter de te blesser, toi aussi.

Mais une jeune femme se présente à votre table pour prendre vos commandes et tu es coupé dans ton élan. Pas de bol, Vassili. Pas de bol. Heu, un chocolat chaud, s'il vous plaît. Tu adresses un sourire à l'employée alors qu'elle s'éloigne, et te concentres à nouveau sur Isak. Il faut que tu fasses vite, au moins le temps que vos boissons soient préparées. Tu n'as pas vraiment envie de te faire couper à nouveau.

Je... n'ai pas d'animaux. En fait, j'adorerai en avoir, mais j'ai des gros problèmes de mémoire, immédiate et à long terme. J'oublie plein de choses, et j'aurais trop peur de l'oublier aussi, si je devais, je ne sais pas, adopter un chat ou un chien ou quoi que ce soit d'autre. Les conséquences pourraient être désastreuses alors... j'évite. Petit sourire timide. C'est subtil, cette façon que tu as de lui dire je pourrais t'oublier, là, en sortant du café et en te quittant des yeux. Je pourrais t'oublier même si je commence à sérieusement t'apprécier, Isak. Tu détournes le regard pour observer le chat qui roupille tranquillement, au soleil. Tes yeux sont un peu humides.

La proposition te surprend, et te fait même un peu rosir. Tu t'agites sur ta chaise et rit nerveusement - alors que tu repères du coin de l'oeil la serveuse qui revient avec vos boissons. Tu ne sais quoi penser de la proposition d'Isak. Enfin, en un sens, tu te dis qu'il fait ça par charité, parce que qui aimerait aider un étrange jeune homme comme toi ? Et en un autre sens, tu espères lire correctement entre les lignes et supposer qu'Isak t'apprécie. Peut-être pas autant que toi tu l'apprécies lui, mais un homme peut toujours rêver.

Ce serait vraiment gentil de votre part, je veux dire - ah, merci beaucoup. Tu suis du regard l'employée alors qu'elle s'éloigne pour aller prendre la commande d'un autre groupe de clients avant de te concentrer à nouveau sur Isak et de lui adresser un sourire timide. Le contact des animaux du refuge me ferait peut-être le plus grand bien. C'est un bienfait non négligeable... et puis ça me pèse un peu de ne pas pouvoir en adopter. Mais je ne veux pas forcément devoir me reposer sur quelqu'un pour s'occuper de mes propres animaux, même si... J'aimerais que nous ayons l'occasion de nous recroiser, en vérité, tu lui avoues finalement. Tu baisses les yeux sur ta boisson et sur la fumée tiède qui s'en dégage. D'ailleurs... Je peux vous tutoyer ?