Chronologie
fuite de la famille Breckenridge (père, mère et les deux fils) d'Écosse vers Asteria après une sombre histoire de fraude fiscale. Rich fête ses cinq ans le lendemain, et on oublie, par inattention, son anniversaire.
03.041969
la lame, le sang, Eartha, Naoto
30.031978
tragique décès de Léopold Breckenridge dans un malheureux accident de voiture. Disent-ils.
14.071999
fuite de Naoto et Eartha
23.112006
rencontre avec Remy, vol du colis ici
10.012022
deuxième rencontre avec Remy, menace ici
11.012022
à suivre
00.0020xx
✦ [...]
(quatre heures vingt-sept, insomnie)
Des fois j’ai encore la sensation de tes mains sur mon visage.
Ça me revient comme un fantôme, dans l’idée que ça me hante. Ça m’obsède et ça me suit à travers les pièces et les jours et les états d’esprit. Le temps passe, le monde défile et j’ai toujours la sensation de tes putain de mains sur mes putain de joues et c’est la même chose que quand j’avais quatorze ans et que tu m’as dit que ça irait, que maintenant ça irait parce que vous étiez là, ouais tu parles, ah ça on peut dire que ça a été.
Putain, mais à qui je parle. C’est pas comme si je répondais à une putain de lettre, t’en envoies jamais, des lettres, et moi non plus, en vrai, et c’est sans doute mieux comme ça.
C’est pas comme si vous étiez encore là.
Je vais finir par être mélancolique.
Vous allez finir par me rendre mélancolique.
Même quinze ans après et sans doute plusieurs milliers de kilomètres entre nous vous arrivez encore à me changer, bravo, vraiment à ce stade c’est du génie. Du grand art.
Je sais pas si vous êtes encore là.
Je sais rien du tout et ça me rend cinglé. Mais c’est pas comme si j’allais vous le dire.
C’est pas comme si je pouvais vous le dire, de toute façon.
Parce que t’envoies pas de lettres et que je sais pas où vous êtes, on y revient.
Est-ce que vous êtes toujours en vie, même ? Aucun putain de moyen de le savoir, aux dernières nouvelles vous étiez retournés à Londres et par dernières nouvelles je veux dire, le putain de billet d’avion que vous avez acheté il y a quinze ans.
Si vous êtes restés là-bas pendant quinze ans et que vous avez même pas pris la peine de me prévenir, vraiment, vous êtes des connards.
Je sais que vous avez mon adresse parce que c’est la vôtre aussi. On oublie pas l’adresse de l’appart pourri dans lequel on a vécu pendant vingt ans, si ? Ou peut-être que si parce que vous faites rien comme tout le monde, vous deux. Vous avez jamais rien fait comme personne, j’en suis la preuve vivante (et à quel prix), qui ramasse des gamins paumés dans la rue sérieux, qui ramasse la marmaille suicidaire, vraiment je vous comprendrai jamais.
Ou p’t’être qu’y a jamais rien eu à comprendre. P’t’être que c’était moi, le problème. Ou peut-être que je cherche un problème qui existe pas.
C’est mon truc ça, chercher les problèmes.
C’est quasi un trait de personnalité à part entière, à force.
Cinquante-sept ans à batailler pour mon titre de fier fouille-merde, ça mérite une médaille.
Vous me faites chier.
Vous me faites chier parce que je pense encore à vous comme si j’allais vous revoir mais j’ai aucune raison de vous revoir et est-ce que j’en ai même envie ? Ah ça, t’en sais rien.
Et moi non plus j’en sais rien.
Putain de merde je sais rien du tout à part que vous m’avez putain de laissé tomber. Et moi j’ai joué le jeu, “mais non partez, je reste, je veille au grain, je continue le bizz, fuyez parce que vous pouvez et parce que vous devez, moi j’ai la tête dure, increvable le gars, une moule sur son rocher, un putain de cafard, le genre qui résisterait au feu, au gel, aux radiations, à la putain de fin du monde, partez tranquille, prenez soin de vous et bon vent”
Connard.
T’es vraiment un connard.
Oui là je me parle à moi-même parce que de toute façon à qui je pourrais parler d’autre. On s’occupe comme on peut, vous savez, quand l’appart est vide et les nuits longues on s’occupe comme on veut, tenez j’ai failli adopter un chien, c’est dire à quel point le silence me dérange mais à quel point les gens m’emmerdent.
Vous m’emmerdez aussi, peut-être plus que tous les autres, et à distance - très fort, vraiment très fort. Ça mérite une médaille, ça aussi. On est vraiment des champions toutes catégories, hein. Vraiment inégalable, ce trio. Du jamais vu avant et plus jamais depuis.
J’étais une petite merde entourée et je suis un connard seul et aigri. C’est sans doute l’âge, tu me diras. Comment ça se comporte même, un homme de mon âge ? On peut pas dire que j’aie eu les meilleurs modèles. On peut pas dire que j’aie eu de modèle tout court. C’était vous deux, mes modèles, au début, au tout début, quand j’étais encore juste effrayé et impressionnable, puis ça a changé, puis j’ai compris que vous étiez juste humains comme moi, que vous aussi au fond, vous étiez des ados paumés et putain, on s’était bien trouvés, en vrai.
On s’était bien trouvés et on s’est bien perdus et moi je suis là comme un con à attendre je sais foutre quoi, à hurler mes pensées aux étoiles en pleine nuit d’insomnie, vraiment vieillir ça vous change un homme.
Et quoi, bientôt je commence un journal intime, c’est ça ? Je vais me mettre à écrire mes pensées dans un petit carnet que je mettrai sous mon oreiller avant de dormir ? C’est ça ?
Franchement. Franchement plus rien ne m’impressionne, alors au fond. Pourquoi pas. Qu’est-ce que ça changerait. C’est pas comme si quelqu’un risquait de tomber dessus et c’est pas comme si ça comptait, en fait.
Le lit est immense et extrêmement vide.
Oui, c’est toujours le même. Au cas où.
Dites-moi que vous êtes toujours en vie, putain.
Des fois j’ai encore la sensation de tes mains sur mon visage.
Ça me revient comme un fantôme, dans l’idée que ça me hante. Ça m’obsède et ça me suit à travers les pièces et les jours et les états d’esprit. Le temps passe, le monde défile et j’ai toujours la sensation de tes putain de mains sur mes putain de joues et c’est la même chose que quand j’avais quatorze ans et que tu m’as dit que ça irait, que maintenant ça irait parce que vous étiez là, ouais tu parles, ah ça on peut dire que ça a été.
Putain, mais à qui je parle. C’est pas comme si je répondais à une putain de lettre, t’en envoies jamais, des lettres, et moi non plus, en vrai, et c’est sans doute mieux comme ça.
C’est pas comme si vous étiez encore là.
Je vais finir par être mélancolique.
Vous allez finir par me rendre mélancolique.
Même quinze ans après et sans doute plusieurs milliers de kilomètres entre nous vous arrivez encore à me changer, bravo, vraiment à ce stade c’est du génie. Du grand art.
Je sais pas si vous êtes encore là.
Je sais rien du tout et ça me rend cinglé. Mais c’est pas comme si j’allais vous le dire.
C’est pas comme si je pouvais vous le dire, de toute façon.
Parce que t’envoies pas de lettres et que je sais pas où vous êtes, on y revient.
Est-ce que vous êtes toujours en vie, même ? Aucun putain de moyen de le savoir, aux dernières nouvelles vous étiez retournés à Londres et par dernières nouvelles je veux dire, le putain de billet d’avion que vous avez acheté il y a quinze ans.
Si vous êtes restés là-bas pendant quinze ans et que vous avez même pas pris la peine de me prévenir, vraiment, vous êtes des connards.
Je sais que vous avez mon adresse parce que c’est la vôtre aussi. On oublie pas l’adresse de l’appart pourri dans lequel on a vécu pendant vingt ans, si ? Ou peut-être que si parce que vous faites rien comme tout le monde, vous deux. Vous avez jamais rien fait comme personne, j’en suis la preuve vivante (et à quel prix), qui ramasse des gamins paumés dans la rue sérieux, qui ramasse la marmaille suicidaire, vraiment je vous comprendrai jamais.
Ou p’t’être qu’y a jamais rien eu à comprendre. P’t’être que c’était moi, le problème. Ou peut-être que je cherche un problème qui existe pas.
C’est mon truc ça, chercher les problèmes.
C’est quasi un trait de personnalité à part entière, à force.
Cinquante-sept ans à batailler pour mon titre de fier fouille-merde, ça mérite une médaille.
Vous me faites chier.
Vous me faites chier parce que je pense encore à vous comme si j’allais vous revoir mais j’ai aucune raison de vous revoir et est-ce que j’en ai même envie ? Ah ça, t’en sais rien.
Et moi non plus j’en sais rien.
Putain de merde je sais rien du tout à part que vous m’avez putain de laissé tomber. Et moi j’ai joué le jeu, “mais non partez, je reste, je veille au grain, je continue le bizz, fuyez parce que vous pouvez et parce que vous devez, moi j’ai la tête dure, increvable le gars, une moule sur son rocher, un putain de cafard, le genre qui résisterait au feu, au gel, aux radiations, à la putain de fin du monde, partez tranquille, prenez soin de vous et bon vent”
Connard.
T’es vraiment un connard.
Oui là je me parle à moi-même parce que de toute façon à qui je pourrais parler d’autre. On s’occupe comme on peut, vous savez, quand l’appart est vide et les nuits longues on s’occupe comme on veut, tenez j’ai failli adopter un chien, c’est dire à quel point le silence me dérange mais à quel point les gens m’emmerdent.
Vous m’emmerdez aussi, peut-être plus que tous les autres, et à distance - très fort, vraiment très fort. Ça mérite une médaille, ça aussi. On est vraiment des champions toutes catégories, hein. Vraiment inégalable, ce trio. Du jamais vu avant et plus jamais depuis.
J’étais une petite merde entourée et je suis un connard seul et aigri. C’est sans doute l’âge, tu me diras. Comment ça se comporte même, un homme de mon âge ? On peut pas dire que j’aie eu les meilleurs modèles. On peut pas dire que j’aie eu de modèle tout court. C’était vous deux, mes modèles, au début, au tout début, quand j’étais encore juste effrayé et impressionnable, puis ça a changé, puis j’ai compris que vous étiez juste humains comme moi, que vous aussi au fond, vous étiez des ados paumés et putain, on s’était bien trouvés, en vrai.
On s’était bien trouvés et on s’est bien perdus et moi je suis là comme un con à attendre je sais foutre quoi, à hurler mes pensées aux étoiles en pleine nuit d’insomnie, vraiment vieillir ça vous change un homme.
Et quoi, bientôt je commence un journal intime, c’est ça ? Je vais me mettre à écrire mes pensées dans un petit carnet que je mettrai sous mon oreiller avant de dormir ? C’est ça ?
Franchement. Franchement plus rien ne m’impressionne, alors au fond. Pourquoi pas. Qu’est-ce que ça changerait. C’est pas comme si quelqu’un risquait de tomber dessus et c’est pas comme si ça comptait, en fait.
Le lit est immense et extrêmement vide.
Oui, c’est toujours le même. Au cas où.
Dites-moi que vous êtes toujours en vie, putain.
la porte se ferme
il reste beaucoup de choses à faire avant d'aller dormir
le sang à nettoyer, sur la poignée de porte, sur le sol, sur sa propre peau
(le sang qui sèche, croûte, c'est une mue, peau de serpent qu'il arrachera pour devenir un Autre)
il a l'esprit encombré de tout ce qu'il s'est passé, tout ce qui a été dit, tout ce qui a été fait (et je pense à ton toucher
et ça me glace d'une manière que je ne reconnais pas
je crois que ce n'est pas une mauvaise chose)
et quand il se dirige vers la cuisine ses yeux s'arrêtent vers le salon
la forme du canapé, en face de lui
(la SOIF qui le dévore)
et il s'arrête, un instant et,
mu par une pulsion nouvelle,
sans s'en rendre vraiment compte,
il s'en approche et surplombe la silhouette qui y dort
Vulcain a les traits tirés, son sommeil semble agité,
aussi agité, peut-être, que le feu qui le brûle présentement de l'intérieur
ce feu qui a embrasé son cœur dans la violence
ce feu qui ronronne, maintenant, mais que veut-il ?
il devine sa main, crispée sur son bras gauche
à l'emplacement identique de sa propre blessure
et il le regarde, immobile, dans le silence le plus complet, il ne comprend pas
(ou peut-être qu'il ne comprend que trop bien)
il veut avancer une main, il veut l'effleurer,
ses bras restent le long de son corps.
(il y a cette douleur
la douleur de winchester, qui est mienne, dont je ne pourrai plus me passer,
il y a la douleur qui m'est familière, la violence qui est tout ce que je sais,
la violence est le langage que je parle le mieux
pourtant, à toi, je n'ai pas envie de faire le moindre mal.)
il se laisse tomber assis aux pieds du canapé, les jambes coupées par la fatigue, soudain,
il ferme les yeux, s'adosse contre le fauteuil
et tout à coup il s'endort
(quand il se réveille,
quelques courtes heures plus tard,
en sursaut,
il avait légèrement basculé sur le côté,
la tête contre celle de vulcain
il se relève,
un dernier regard en arrière
et retourne dans sa chambre,
et s'allonge sur le lit,
oubliant un instant le corps qui y dormait déjà)
il reste beaucoup de choses à faire avant d'aller dormir
le sang à nettoyer, sur la poignée de porte, sur le sol, sur sa propre peau
(le sang qui sèche, croûte, c'est une mue, peau de serpent qu'il arrachera pour devenir un Autre)
il a l'esprit encombré de tout ce qu'il s'est passé, tout ce qui a été dit, tout ce qui a été fait (et je pense à ton toucher
et ça me glace d'une manière que je ne reconnais pas
je crois que ce n'est pas une mauvaise chose)
et quand il se dirige vers la cuisine ses yeux s'arrêtent vers le salon
la forme du canapé, en face de lui
(la SOIF qui le dévore)
et il s'arrête, un instant et,
mu par une pulsion nouvelle,
sans s'en rendre vraiment compte,
il s'en approche et surplombe la silhouette qui y dort
Vulcain a les traits tirés, son sommeil semble agité,
aussi agité, peut-être, que le feu qui le brûle présentement de l'intérieur
ce feu qui a embrasé son cœur dans la violence
ce feu qui ronronne, maintenant, mais que veut-il ?
il devine sa main, crispée sur son bras gauche
à l'emplacement identique de sa propre blessure
et il le regarde, immobile, dans le silence le plus complet, il ne comprend pas
(ou peut-être qu'il ne comprend que trop bien)
il veut avancer une main, il veut l'effleurer,
ses bras restent le long de son corps.
(il y a cette douleur
la douleur de winchester, qui est mienne, dont je ne pourrai plus me passer,
il y a la douleur qui m'est familière, la violence qui est tout ce que je sais,
la violence est le langage que je parle le mieux
pourtant, à toi, je n'ai pas envie de faire le moindre mal.)
il se laisse tomber assis aux pieds du canapé, les jambes coupées par la fatigue, soudain,
il ferme les yeux, s'adosse contre le fauteuil
et tout à coup il s'endort
(quand il se réveille,
quelques courtes heures plus tard,
en sursaut,
il avait légèrement basculé sur le côté,
la tête contre celle de vulcain
il se relève,
un dernier regard en arrière
et retourne dans sa chambre,
et s'allonge sur le lit,
oubliant un instant le corps qui y dormait déjà)