High Hopes
Des bruits de perceuse. De ponceuse. De fer à souder. Un brouhaha qu’on croirait sorti des enfers et qui retentit dans le fin fond de l’arrière boutique. Un brouhaha qui te plait. Heureusement, l’antiquaire est assez bien isolé. On ne t’entend pas vraiment bricoler et bidouiller du magasin. C’est tant mieux. Tu ferais sûrement fuir les clients avec tout ce bruit. Et à cause de cette cacophonie, tu es incapable d’entendre ton portable sonner. La seule chose qui te permet d’être alertée est le fait qu’il s’allume et que la lumière attire ton regard. Eliwen. Un message vocal. Ça t’arrache un sourire. Il fait attention à toi, il fait attention à ce que tu puisses comprendre. Et il sait qu’en t’envoyer un message écrit ce ne sera peut-être pas le cas. Tu pourras en déchiffrer l’essentiel sans doute. Tu pourras te faire une idée globale. Mais ça prendrait du temps et de l'énergie. Ça te ramènerait à toutes ces choses fondamentales que tu ne sais pas faire. Pas bien faire. Lire par exemple.
Dans son vocal, Eliwen t’invite à passer chez lui. Parce que son semestre est terminé. Parce qu’il a passé ses examens, qu’il n’a plus besoin de ses cours, qu’il veut te les filer. Et toi, forcément, tu es très emballée par cette idée. Déjà parce que c’est un véritable ami en qui tu as confiance. Mais surtout parce que tu adores apprendre. Tu dévores ses cours, tu dévores le savoir. Tu t’incrustes dans ses CM. Tu apprends, apprends, et apprends encore. Et pourtant, tu n’avanceras pas. Toi, tu ne seras jamais diplômée. Toi, tu ne pourras jamais utiliser ces connaissances réellement. Toi, tu ne sortiras pas des Chiens de chasse.
« Bernie ! » Tu gueules presque en passant la tête par la porte qui sépare la réserve de la boutique. Le vieil homme bougonne. « Bernard. » Il te reprend. Haussement d’épaules. Tu ne l’as jamais appelé par son prénom entier. Tu ne sais pas pourquoi il s’obstine à tant vouloir t’empêcher d’utiliser un surnom. Une chose est sûre, ça ne fonctionne pas avec toi. « Je dois partir plus tôt ce soir. Eliwen m’a invitée chez lui. Tu sais Eliwen je t’en ai déjà parlé, c'est le garçon qui a créché au taudis y a quelques mois. Et genre j’vais avec lui à la fac des fois. Et il va me passer ses cours parce que j’aime bien. Et… » L’antiquaire soupire lourdement, t’indique la porte de bout du doigt. « Bonne soirée Remy. » Bernie n’est pas du genre pipelette. Loin de là. Tu sais très bien que si tu parles trop, il va en avoir marre rapidement et abandonner. Tu le connais trop bien. Il le sait. Il pourrait faire un effort. Il n’en fait rien. Satisfaite, tu attrapes ton sac à dos plein à craquer et ne te fais pas prier pour quitter le magasin. Dans ce sac, il y a toute ta vie. Tout ce que tu as réussi à conserver après avoir été délogée. C’est à dire pas grand chose. Un caillou. Une montre. Un stylo. Des vêtements. Des conneries.
Tu grimpes les marches de l’immeuble de HotDog Street Corner deux par deux. Il appartient à ce connard de Bjorntvedt cet immeuble et c’est bien une chose qui t’enrage qu’Eliwen ait à lui verser un loyer. Tu frappes. Tu rentres. Tu fais comme si tu étais chez toi. « Eli ! C’est moi ! » Tu t’annonces en te déchaussant. « Petit petit. » Tu tends ta main vers le chaton qui s’est figé en te voyant rentrer et qui, maintenant que tu essaies de le toucher, détale comme un lapin. Moue déçue sur le visage. Tant pis pour lui, tes caresses sont super.
appartement de Eliwen
L’arrivée de l’hiver se fait doucement sentir. Et surtout, voilà maintenant presque un an qu’il a tout quitté pour venir ici, Eliwen. Un an… C’est fou comme le temps passe vite. L’espace d’un instant, il a machinalement failli aller mettre le chauffage un peu plus fort. Question d’habitude, puisque jusqu’alors, les hivers, il les a passés chez sa famille, et qu’il n’a jamais eu à penser à savoir s’il pouvait se permettre ou non d’allumer le chauffage. Bon, il y a bien eu l’hiver dernier, où il est arrivé à Polaris ; mais clairement, les endroits où il était… Eh ben disons que le chauffage n’était pas vraiment quelque chose qui existait. Alors, dans un soupire, Eliwen il se stoppe dans son élan, et se contente d’aller chercher un plaid, et d’aller se poser sur le canapé du salon. Il allume la télé, lance une série, en simple guise de fond sonore, pendant qu’en même temps, Mandel vient se blottir contre sa jambe.
Il fait défiler sa liste de contacts, Eliwen, jusqu’à arriver sur Remy. Il prend son temps avant de lui envoyer un message. Forcément un message vocal, d’ailleurs. Eliwen, il sait qu’elle a quelques difficultés à l’écrit, alors, autant passer par l’oral, au moins, il est certain de se faire comprendre. Où en tout cas de mieux se faire comprendre. Parce que bon, l’accent allemand et les expressions restent encore toujours bien présentes. D’ailleurs, il s’y reprend à plusieurs fois, parce qu’il ne veut pas faire trop long, mais en même temps pas trop court, parce que parfois il bafouille un peu trop. Ce qui fait qu’au final, ce n’est plus vraiment naturel… Mais c’est habituel, avec Eliwen. D’ailleurs, il a cherché une excuse, prétextant la fin de son semestre, la fin des partiels, pour lui donner les cours dont il n’a plus besoin. Oh, dans l’absolu, c’est vrai ; il aurait de toute façon donné avec grand plaisir tous ses cours à Remy sans même qu’elle le lui demande. Mais bon, ce n’est pas forcément la réelle raison du pourquoi il lui a proposé de venir ; qui est juste celle de vouloir passer un peu de temps avec quelqu’un qu’il considère comme une amie. Cette idée le fait timidement sourire, à Eliwen. Et, ni une, ni deux, il envoie son vocal après y avoir passé beaucoup trop de temps dessus.
Alors, quand il reçoit une réponse positive, Eliwen, forcément, ça le fait un peu plus sourire. C’était quand déjà, la dernière fois qu’il s’est senti heureux ? Mh, il y a bien eu cette fois là, où Mai est passé à l’improviste, et quand bien même il ne le lui a pas dit, ça lui a fait plaisir, à Eliwen de le revoir. Mais sinon… Il se lève du canapé, son inconscient lui ordonnant de donner un coup de propre à l’appartement avant l’arrivée de Remy. Oh, pas que ça soit sale, ni en bordel, mais… Eh ben disons que c’est l’attente qui le fait bouger, qui fait qu’il ne peut pas rester tranquillement devant la télé. D’ailleurs, la télé, il l’éteint. Et… Il fait des trucs. Ranger un pull qui traîne. Avoir une lubie soudaine pour remettre droit le tapis qui ne l’était pas depuis des mois. Faire la vaisselle… Ah d’ailleurs, c’est en faisait la vaisselle qu’il entend du bruit, Eliwen.
High Hopes
Les chaussures trempées et le sac trop lourd laissés dans l’entrée, tu rejoins bien vite Eliwen dans la cuisine. Signe de la main en guise de salut. Tu n’es pas vraiment bise et accolade de toute façon. Sans doute parce que tu n’as jamais eu la chance d’en recevoir tant que ça. Tu t’es persuadée, au fil des années, que ce n’était pas grave, pas important. Être aimée est une chose. Recevoir de l’affection en est une autre. Et toi Remy, tu es aimée mais Ô comme tu manques d’affection. Ça crève les yeux et tu ne t’en rends même pas compte. « Mmh… Tu es bien optimiste. En deux mois elle ne m’a pas vraiment approchée, j’imagine que ça ne changera pas en cinq minutes. » Aveuglée par ton pessimisme, tu ne vois pas les efforts du chaton. Tu ne vois pas le progrès.
Tu relèves tes longs - trop longs - cheveux en un chignon approximatif. « Figure toi que j’étais aux Clématis et genre, j’ai piqué la trotinette d’un richou là et c’était un peu lent. Du coup je me suis accrochée derrière un bus avec une main et hop, j’ai roulé jusqu’ici pépouze. » Tu racontes tes aneries avec un sérieux déconcertant. Parce que ça t’amuse. Parce que tu décompresses. « Nan, j’étais chez l’antiquaire deux rues plus bas. J’ai demandé à Bernie si je pouvais partir plus tôt et comme je l’ai fait chier en parlant mille ans, il a dit ok. » Sacré Bernie. Sourire amusé sur les lèvres. Eliwen a des manières que tu n’as pas. Une politesse, une éducation qui te fait défaut. Ça te fait rire de le voir s’agiter pour quelque chose d’aussi futile que de proposer à manger ou à boire à quelqu’un qui vient tout juste d’arriver. « Oh juste un verre d’eau ça fera l'affaire merci. Et puis ne t’embête pas, je n’ai pas trop faim mais c’est gentil de proposer ! » Tu mens. Tu mens si fort. Quand était ton dernier vrai repas ? Parce que Bernie est bien gentil mais il n’a pas daigné te payer encore. Tu imagines que la fin d’année est compliquée pour tout le monde. Qu’il doit acheter des cadeaux pour ses petits-enfants. Que tu auras ton argent s’il lui en reste. Alors tu ne manges pas vraiment à ta faim. Surtout, tu te persuades qu’elle n’est pas là, la faim. Qu’elle n’existe pas. Que c’est seulement ton corps qui en fait des caisses. « Oui oui moi ça va. Pas de problèmes particuliers en ce moment donc tout va bien. » Si on oublie les fêtes sans Nayden, sans toit, sans argent, oui ça va. « Et toi ? » Demandes-tu, t’asseyant sur le canapé.
appartement de Eliwen
Un petit haussement d’épaules accompagne Eliwen en simple guise de réponse. Oui, peut-être qu’en deux mois, Mandel ne s’est pas trop approchée de Remy plus que ça, mais au fond, Eliwen reste persuadé que ça arrivera bien à un moment où à un autre. Après tout, elle a bien vite adoptée Vega, et elle ne s’est pas privée d’aller vers Mai aussi, alors qu’elle ne l’avait jamais vu avant, alors oui, il reste sûr que ça arrivera avec le temps. Et puis après ça, elle lui sort une histoire, Remy. Une histoire de trottinette, de bus.
Eliwen, il attrape deux verres qu’il remplit d’eau, et il en profite aussi pour attraper le fameux paquet de chips. Ce serait mentir que de dire qu’il n’a pas faim, Eliwen ; alors même si Remy n’en veut pas… De toute façon, personne ne dit non à un paquet de chips ouvert, pas vrai ? Il vient poser le tout sur la table basse du salon qui fait face au canapé sur lequel ils s’installent.
Du coup, pour combler le blanc qui s’installe, il attrape une chemise en carton, le fameux objet ayant servit de prétexte à faire venir Remy.
High Hopes
Sourire moqueur quand tu vois qu’il mord à l’hameçon. Quand, pendant un instant, le temps que tu lui dises que ce n’est que des bêtises, il y croit dur comme fer. Eliwen a une certaine naïveté que tu n’as plus. Une naïveté que tu as perdue. Que tu as été obligée de perdre pour survivre. Parce que dans la rue, tu ne peux pas permettre d’être naïve, faible. Et pourtant… Oh pourtant tu l’es. Tu l’es à bien des niveaux. Tu l’es tant que tu ne le remarques même pas. Tu te crois grande, tu te crois forte. Tu n’es qu’une gamine, une enfant. À peine sortie de l’adolescence. Même pas une adulte. Irresponsable. Responsable en même temps. Haussement d’épaules. « Vu ce qu’il me paie pour le travail fourni, j’ai bien le droit de partir plus tôt de temps à autres. » Et encore ce n’est même pas sûr qu’il accepte de te payer ce mois-ci.
Tu hoches la tête quand il te dit aller bien. Les politesses sont échangées. Ce n’est pas poli de dire que l’on va mal. Ce n’est pas poli de répondre “non” à cette question. Et tout le monde s’entête à demander. Encore. Toujours. S’en est fatiguant. Épuisant. C’est inutile. Tu te fous de la politesse. Pourtant, tu as pris le pli de ne rien dire. De te taire. C’est parce que tu veux avoir l’air plus forte. C’est aussi parce que c’est ce que la société te demande. Ce qu’elle demande à tout le monde. Réponds que tu vas bien et tais toi. Evidemment, tu ne vas pas bien. Tu es seule. Tu l’as toujours été. Tu ne sais pas pourquoi ça te plombe autant en ce moment. Tu as l’habitude. Tu as surtout l’habitude que Nayden te dise de te taire, de ne rien laisser paraître, de ne pas donner de munitions à l’ennemi. Tu n’as jamais su qui était l’ennemi.
Un ange passe. Les silences ne te mettent pas plus mal à l’aise que ça. Tu te complais dans le calme. Parfois dans le mutisme total. Eliwen te tend une pochette dont tu te saisis promptement. Tu ne te fais pas prier pour l’ouvrir. Il y a tant de mots que ça t’en donnerait presque la nausée. Après tout, tu es toujours en apprentissage. C’est toujours plus que compliqué. Mais tu te forces. Ces cours, tu les liras tous, même si ça doit te prendre des jours, des mois, pour les déchiffrer. « Merci beaucoup Eli ! » Ton sourire qui s’étend. Ça ne va pas être simple mais tu vas y arriver. Tu es assez forte pour ça. Tu as vécu pire que les cours du professeur Rhapsodos. Au contraire même, tu apprécies ses cours quand bien même tu es souvent perdue. « Tu veux que je te rende ça quand ? » Tu demandes. Tu veux savoir combien de temps tu as pour essayer de lire tout ça. Pour essayer d’assimiler toutes ces informations. Le bruit du paquet de chips qui s’ouvre. Puis Eliwen qui t’en propose alors que tu feuillettes toujours les papiers qu’il t’a si gentiment prêté. Coup d'œil et ventre qui gargouille. Moue embarrassée. « Bon.. Je veux bien merci. » Réponds-tu, venant picorer dans le paquet.
appartement de Eliwen
Un petit soulagement envahit Eliwen, quand Remy justifie le fait qu’elle soit partie plus tôt de son petit travail. Il lui adresse un faible sourire, Eliwen.
Et après tous ces échanges, Eliwen offre la pochette de cours à Remy. Qui ne tarde aucunement pour l’ouvrir, qu’il note, Eliwen. Mais ça lui fait plaisir. En fait, ça lui réchauffe même un peu le cœur, c’est amusant.
Le paquet de chips posé, proposition à Remy… Qui accepte. Forcément. Qui refuse des chips, hein ? Et puis, ça lui fait plaisir à Eliwen.
High Hopes
Tu acquiesces. Souris. « Merci encore ! » Tu es contente de pouvoir garder ses cours. Ça te laisse tout le temps qu’il faut. Ça ne te presse pas. Ça ne te stresse pas. Tu peux prendre ton temps. Et perdre du temps c’est la seule chose que tu as à faire de toute façon. C’est pour ça que tu t’es mise à fabriquer, rafistoler des trucs. Ça fait passer les journées plus vite. Ça fait passer la vie plus vite. Pour beaucoup la vie est un jeu. Pour beaucoup elle est amusante. Pas pour toi. Ça n’a jamais été le cas. Grandie trop vite. Trop vieille trop tôt.
Tu picores timidement dans le paquet ouvert sur la table. Tu ne veux pas qu’il te prenne pour une morfale. Qu’il pense que tu profites de lui pour te nourrir. Mais tu as faim. Vraiment faim. Et il faut dire que ces chips sont vraiment les bienvenus là, tout de suite. Tu tournes distraitement les pages, déchiffrant un mot par-ci, un mot par-là. « C’est vrai ? Tu veux bien m’aider ? » Tu t’exclames, presque candide. Un sourire étire tes lèvres. Qu’est ce que tu ferais sans Eliwen ? Pas grand chose tu imagines. Il est bienveillant. Il te soutient, t’aide. Eliwen est là. Eliwen est présent. Présent quand tu n’as plus personne d’autre. Et tu dois bien avouer que ça touche ton cœur de pierre. « Tu seras un très bon prof c’est sûr ! Les gosses vont t’adorer. » Tu penses sincèrement ce que tu dis. Tu le penses parce que sans déconner, qui n’aimerait pas Eli ? Lui qui est doux. Lui qui est gentil.
« Dis… Je peux te demander un truc ? » Tu joues avec tes doigts anxieusement. Ton regard croise le sien et tu es mal à l’aise. Il n’y a pourtant rien de grave dans ce que tu souhaites savoir. Rien de honteux. Mais toi… Toi tu vois ça bien différemment. « Je… Je me demandais si tu voulais bien m’apprendre vraiment à lire et à écrire ? J’ai jamais trop pu apprendre et je galère beaucoup. Et c’est un peu la honte tu vois… Puis si tu m’apprends à moi ça pourra t’entrainer pour les enfants plus tard. » Tu débites tes paroles rapidement. Craches toutes les justifications que tu arrives à trouver. Parce que la vérité c’est que tu as peur qu’il refuse. Tu as peur qu’il dise “non” alors que c’est quelque chose de vraiment important pour toi. Moue gênée sur les lèvres, tu ne sais pas où te mettre.
appartement de Eliwen
Le plus gros souci qu'il a, Eliwen, c'est qu'il fait sans cesse référence à son passé. Un passé qu'il tente toujours d'oublier. Un passé qu'il veut fuir. Et même encore ; alors qu'au fond de lui, il n'est là que pour aider une amie, aider quelqu'un en qui il tient ; il y a toujours quelque chose qui le bloque. Impression constante d'être une présence dérangeante, de ne jamais trouver les mots justes pour s'exprimer, ou encore qu'on ne reste avec lui que par pitié. Et de tout ça, Eliwen, il ne parvient pas à s'en défaire, et ce, pour une raison bien évidente : on le lui a martelé tant et tant de fois… que c'est entré et est devenu un acquis dans sa tête. Le seul effort qu'il fait désormais, c'est qu'il essaye d'avancer, Eliwen. Comme là, ou il a proposé à Remy son aide, si elle a besoin. Une proposition qui est sincère… même s'il a tenté de se justifier. Pourquoi vouloir se justifier ? C'est peut être un peu parce qu'il suppose que c'est mieux vu ? A vrai dire, il ne sait pas…
Et puis, il entend la question de Remy, qui lui demande si ce qu'il dit est vrai, s'il veut bien l'aider. Eliwen, il lève son regard vers elle. Évidemment que oui, s'il propose, c'est qu'il veut bien.
High Hopes
Satisfaction sur le visage que tu ne cherches même pas à cacher « Je n’ai pas espoir en grand chose, mais toi en tant que prof, vraiment crois moi ça ne fait aucun doute. » Tu aimerais qu’Eliwen ait un peu plus confiance en lui. Tu aimerais qu’il se voit comme tu le vois. C’est-à-dire comme un homme foncièrement bon. De gentil, d’intelligent, de bienveillant. Naïf parfois. Qu’il comprenne aussi que ce n’est pas grave d’être ainsi. Que ce n’est pas être faible. Vous êtes drastiquement différents. Mais c’est cette différence qui t’apporte beaucoup. Plus calme. Plus apaisée. Il ne s’en rend pas compte, et tu ne t’en rends probablement pas compte non plus, mais il t’aide à devenir un peu meilleure chaque jour.
Tu te sens bête Remy. Bête de lui avoir demandé de t’apprendre à lire, à écrire. Surtout bête de montrer tes faiblesses comme ça. Parce que si tu aimerais qu’Eliwen accepte les siennes, toi tu en es incapable. Et pendant un instant, tu es presque persuadée qu’il va se moquer de toi. Te rire au nez pour l’apprentissage que tu n’as jamais eu. Que tu n’as jamais eu la chance d’avoir. Mais non. Rien de tout ça. Au contraire. Il accepte de t’aider. Parce qu’il est là pour toi. Parce qu’il a toujours été là depuis que tu l’as rencontré. Tu ne peux pas dire que tu as beaucoup d’amis en qui tu as une grande confiance mais Eliwen… Eliwen est différent. Pointe d’embarras dans tes joues qui s’empourpre parce que ce n’est jamais simple de se montrer vulnérable. Pointe de joie dans le regard parce que tu es vraiment heureuse de l’avoir près de toi. « Merci Eli. Qu’est-ce que je ferais sans toi ? » Ricanement adolescent. Véritable question qui n’attend pas de réponses.
appartement de Eliwen
C’est un mélange de gêne et de légère joie, qui se dessine sur le visage de Eliwen. Parce qu’il n’est pas spécialement du genre à recevoir des compliments, alors là, quand Remy lui dit qu’elle a espoir en lui, c’est que ça lui fait un sentiment tout drôle. Il n’a pas l’habitude que des gens aient espoir en lui ; à vrai dire, il n’a pas souvenir d’avoir déjà, lui-même, eu espoir en lui… Au final, c’est qu’il a presque l’impression de se retrouver dans les paroles de celle qui est assise à côté de lui. Ne pas avoir espoir en grand choses… Quelque chose qui le caractérise bien, et qui, malheureusement, semble aussi caractériser Remy. C’est là qu’il se rend compte qu’il ne connaît pas beaucoup de choses sur Remy, Eliwen. Peut-être parce qu’il n’est pas trop spécialiste dans l’art de demander, de questionner. Non, Eliwen, il n’écoute que ce qu’on veut bien lui dire, et le reste… Le reste, il a toujours estimé qu’il n’avait jamais eu besoin de le savoir. Un mal ? Un bien ? Oh, drôle de question…
Et puis, elle lui demande une aide. Une aide que Eliwen s’empresse de lui répondre que oui, ça sera toujours avec plaisir et avec joie qu’il l’aidera. Quand bien même il n’est pas le meilleur, quand bien même ça serait la véritable première fois qu’il aide réellement quelqu’un. Quand bien même il y a tout un côté angoissant à l’idée d’avoir une dose de responsabilité. Malgré tout ça, Eliwen, il est prêt à aider. Surtout si c’est Remy. Parce qu’après tout, Remy c’est son amie, n’est-ce-pas ? Et puis, ça le fait doucement rire, à Eliwen, quand elle le remercie, quand elle lui pose - de façon ironique, c’est certain - une question qui n’attend aucune réponse. Et pourtant, Eliwen, il se décide à lui répondre.
High Hopes
Un rire que tu ne prends pas la peine de cacher. Tu n’as pas besoin de jouer un rôle auprès d’Eliwen. Du moins pas autant qu’avec les autres. Tu n’as pas à te montrer dure, froide. Tu peux juste ricaner à ta guise. Et ce, même si ça te fait sonner comme une adolescente. Parce qu’après tout, tu es toujours un peu une adolescente. C’est qu’il a raison. Il t’a appris quelques mots, quelques phrases, dans sa langue maternelle. Et “tu es un imbécile” est définitivement ta phrase préférée, toutes langues confondues. Ton vocabulaire n’est de toute façon basé que sur un trop gros nombre d’insultes.
« J’ai quelque chose pour toi au fait ! » Tu te penches, attrapes ton sac que tu tires jusque sur tes jambes. Tu fouilles et fouilles encore dans tout ton bazar. Tu en sors un paquet cadeau vraiment mal fait. Trop de scotch dans des endroits qui n’en nécessitent pas. Pas assez là où il y en a besoin. Surtout emballé dans des magazines de publicités. « Je te le donne maintenant, je ne suis pas sûre que l’on puisse se voir pour ton anniversaire. » Paquet tendu dans sa direction. Ça lui plaira, tu crois. Tu as retrouvé une vieille gameboy à la déchèterie. Un truc inutilisable. Cassé. Dégoûtant. C’était il y a six ou sept mois. Tu ne sais plus vraiment. Remettre la console dans un état acceptable fut compliqué. Mais tu as toujours aimé les défis. Et celui-ci était de taille. Tu as profité du dos tourné de Bernie pour commander certaines pièces sous le compte de la société. Après tout, il ne vérifie pas ce que tu achètes quand tu dois retaper des meubles alors ça n’a pas vraiment été compliqué de faire passer des circuits électriques et autres pièces en douce. S’il l’apprend un jour, tu sais que tu vas être dans la merde. Qu’il va te demander de rembourser avec l’argent que tu n’as pas. L’argent qu’il ne te donne pas. Mais très honnêtement, tu t’en moques. C’était pour un cadeau. C’était pour faire plaisir à Eliwen. Alors ce n’est pas grave. « Je n’ai pas réussi à mettre la main sur des cartouches de jeux qui fonctionnaient par contre, désolée. »
appartement de Eliwen
C’est typiquement ce genre d’instant pur, innocent, où on rigole et qu’on entend les autres rire de bon cœur, qu’il veut garder en mémoire, Eliwen. Le genre de souvenirs qui nous font parfois oublier que tout va mal, où, en version plus optimiste, qui nous rappelle qu’on a toujours des gens proches de soi. Et honnêtement, de pareils moments gravés dans sa mémoire, Eliwen, il n’en a pas tant que ça. Alors, il sait qu’il va chérir celui-ci. Il le sait, et c’est largement suffisant.
Et puis, il tique, Eliwen, quand Remy lui dit qu’elle a quelque chose pour lui. Pour lui ? Sur l’actuelle, l’expression faire les yeux ronds est ce qui colle le mieux à la tête que fait Eliwen. Il regarde, sans rien dire, Remy remonter son sac et y chercher quelque chose. Ce n’était pas prévu, ça… De base, c’était lui, Eliwen, qui devait donner quelque chose à Remy, et ce quelque chose, c’est les cours. Il n’a jamais été convenu d’un échange, non ? Alors, il attrape la… chose emballée, Eliwen. Enfin, il suppose que c’est emballé, et que Remy ne lui pas juste donné de vieux magazines en boule avec du scotch dessus. Et c’est d’ailleurs confirmé par ce qu’elle ajoute.
Et puis, ce qu’il y trouve à l’intérieur, c’est tout sauf ce à quoi il pouvait s’attendre. Une gameboy ? C’est… Non, il n’a pas de mots. Il ne sait pas comment elle a pu lui offrir ça - à dire vrai, il n’est pas certain d’être sûr de vouloir savoir… - mais c’est au-delà de ce qu’à pu s’imaginer son esprit.
Il adopte un air mi-gêné, mi-totalement heureux, Eliwen. Il se sent mal, parce que lui, il ne se souvient même pas de la date d’anniversaire de Remy, donc, ça sera difficile de lui rendre la pareille… Et quand bien même il aurait su cette information, il sait qu’il n’y aurait jamais pensé. Il ne mérite vraiment pas ses amis…
High Hopes
Il y a, sur ton visage, ce vieux sourire bête. Ce genre de sourire que tu arbores si rarement, persuadée d’avoir l’air d’une proie faible. En réalité, tu es toujours faible. Avec ou sans ton vrai sourire. Tu refuses seulement de te l’avouer. Mais ce moment-là est différent. Déjà parce que tu n’as pas peur de d’Eliwen. Il a l’air, probablement bien malgré lui, totalement inoffensif. Et aussi minuscule sois-tu, tu es presque sûre de le battre s’il devait arriver quoi que ce soit. Mais il n’arrivera rien. Puis d’un autre côté, en cet instant, tu es vraiment heureuse. Heureuse de passer du temps avec ton ami. Heureuse de lui faire, tu l'espères, plaisir avec ce cadeau d’anniversaire en avance.
« Je suis contente que ça te plaise ! Je ne savais pas trop si tu aimais ce genre de chose. Mais j’ai imaginé que oui. On a tous voulu ce genre de console dans notre jeunesse non ? »
Tu te souviens exactement de cette pub dans un magazine de Noël quand tu avais huit ou neuf ans. C’était une pub pour la Nintendo 3DS. Tu as tanné Nayden et les autres enfants pour l’avoir. Ils n’ont jamais pu te l’offrir. Pas assez de moyens. Bien trop pauvre. Il fallait penser à la bouffe avant ce genre de chose. Si ce n’était ni utile ni vital alors tu ne pouvais pas l’avoir. Tu leur en avais voulu à l’époque. Beaucoup. Aujourd’hui tu comprends. Tu comprends surtout que tu étais une sacrée sale môme.
Sonnerie du téléphone. Un nouveau message. Tu le lis et pousses un horrible soupir.
« Il me les brise sérieusement putain. »
Regard désolé à ton ami et moue déçue sur les lèvres.
« Bernard a décidé que finalement, je devais revenir pour faire l’inventaire. J’imagine que sa femme l’a engueulé pour qu’il rentre lui même plus tôt. »
Tu te lèves, balances ton sac lourd sur ton épaule. Tu ne devrais pas y aller. Tu ne devrais pas lui obéir ainsi. Malheureusement il reste ton patron et tu n’as pas tellement le choix. Enfin ton patron… Un patron qui te paie quand il veut et qui refuse de te signer un contrat.
« Je suis vraiment désolée Eliwen. Je pensais pouvoir passer plus de temps avec toi. J’suis vraiment pas assez payé pour ces conneries. »
Tu ris. Et dans ton rire, on peut facilement déceler un certaine tristesse ainsi que de l’agacement.
appartement de Eliwen
C’est une petite vague de nostalgie qui s’affiche sur le visage de Eliwen, lorsque Remy parle que c’est un genre de cadeau qu’on veut en étant enfant… Oh, oui. Il s’en souvient, tout le monde en avait dans la cour de récréation. Et… Lui le premier, à vrai dire. Il oublie parfois que tout le monde n’a pas grandi avec le luxe qu’il a pu avoir - même si pour lui, vivre dans le luxe signifiait vivre avec une absence d’affection et d’amour de la part de ses proches… Il baisse les yeux, un peu honteux, Eliwen. Remy n’a certainement pas eu la même enfance que lui, ils sont différents sur tant de points…
Un bruit de sonnerie résonne. Le portable de Remy. Instinctivement, Eliwen détourne la tête, histoire de ne pas lire par mégarde ce qu’elle a pu recevoir comme message. Même si finalement, Remy décide de le lui dire. Il hoche la tête en guise de réponse, un peu peiné pour elle.