Mica s'emmerde.

il a froid, c'est presque l'été mais il a l'impression d'avoir toujours froid, dans cette ville qu'il déteste, et puis les rues sont trempées de l'orage qui vient à peine de s'arrêter, l'air s'est refroidi, c'est presque la nuit. Il est plus grand que la plupart des passants, mais il s'emmitoufle presque dans sa veste tâchée de peinture et de plâtre, et il reste là, immobile, à fumer une cigarette pour convaincre son corps qu'il ne fait pas si froid que ça,
devant le commissariat central.

il avait du y aller pour une connerie de plainte à déposer, quelqu'un avait piqué des matériaux sur un de ses chantiers pas assez bien surveillé, et il fallait une attestation de sa plainte pour que les assurances le rembourse, alors il avait du faire tout le trajet en soirée après une journée de travail pour qu'un agent qui s'ennuie recopie ses dires sur une feuille à la con, feuille à la con qu'il pourra envoyer à l'assurance.
et pendant que l'employé, qui n'attendait visiblement que la fin de sa journée pour partir le plus vite possible, tapait lentement sa plainte à une vitesse qui aurait fait perdre patience à Mica en temps normal, il avait laissé trainer ses oreilles et ses yeux. il y avait un peu de mouvement, il ne comprenait pas trop pourquoi, il avait juste vu un blondinet s'agiter, et entendu un nom qui l'avait immédiatement tendu.

Nate Delaney.

Mademoiselle Lumaria leur en parlé. c'est pour ça, qu'il se fait chier à attendre dehors alors qu'il voudrait rentrer ce mettre au chaud. pour ce nom, et le bonhomme rattaché à ce nom, qu'il cherche depuis maintenant quelques jours, depuis l'annonce qu'ils étaient enfin au complet. Mica a tout de suite annoncé qu'il irait le chercher.

c'est pour ça qu'il est là.
et enfin, son attente est récompensée, un éclair blond surgit hors du bâtiment, que Mica interpelle tout de suite.

eh, toi, là, p'tit gars, son ton est toujours aussi glacial et bourru. sans manières, il n'hésite pas à pointer du doigt le gamin blond qui sort du commissariat, c'est presque un ordre de s'arrêter sur le champ. c'est toi, Nate Delaney ?

il est bien compliqué, ce petit gars.

Mica s'attend à tout, en allant le chercher, après tout, personne du Cercle ne le connait encore. il s'attend à tout, et il grince un peu des dents à ce premier contact, car il a l'air d'être un aimant à emmerdes, et c'est tout ce dont ils n'ont pas besoin. pourtant, il est là, maintenant, et il va bien falloir faire avec, et le coacher, pour assurer la sécurité de tous, et la sienne. le flot de justification suffit à faire comprendre que ce n'est pas quelqu'un qui mène une vie sans embrouilles.

ça le ferait presque sourire, le vieux, mais il se contente de croiser les bras, un sourcil légèrement haussé. après tout, il connait bien ça, les excuses à rallonge, quand un petit jeune se pointe sur un chantier en retard. c'est presque attendrissant, après tout, on a tous été en galère, on sait ce que c'est, la jeunesse.
mais ce gamin vient de recevoir sur ses épaules des responsabilités énormes qu'il n'imagine même pas, et Mica ne compte pas le ménager. plus question de finir chez les flics, maintenant.

même s'il a de grandes attentes, il patiente poliment, laisse le p'tit gars parler, il a l'air d'avoir passé une sale journée, après tout. quand il peut enfin en placer une, il parle calmement, mais son ton laisse peu de place à un refus. je suis ni victime, ni flic. mais écoute moi bien, car ça a l'air mal parti, là, ta vie. je dois te parler, et maintenant, ça peut pas attendre. il ne t'es pas arrivé des choses étranges, récemment ? je viens pour ça. c'est plus de mots que ce qu'il a l'habitude de prononcer en une journée, et pourtant, ça ne fait que commencer.

il se rappelle sa première conversation avec Kees. sa confusion, au début, et ce flot de paroles qui semblait interminable, mais aussi le sentiment d'enfin comprendre ce qui lui arrivait, ce qui arrivait dans cette ville. la sensation aussi d'avoir enfin trouvé des gens dont il est vraiment proche. il aimerait bien que ça se passe aussi ainsi, pour le p'tiot.

bon, je me les caille, là, et on va pas papoter dans la rue devant le commissariat. y'a un café ou un restau qui te fait envie dans le coin ? je t'invite.

encore une fois, il ne s'attend pas à un refus. il toise le jeunot, ils doivent avoir à peu près 25 centimètres de différence, à vu de nez, mais aussi une bonne quinzaine de kilos. il a l'air d'un gringalet paumé. et pourtant, Mica a sincèrement envie de l'aider.

il ne comprend pas, le gamin. il ne comprend rien. mais ce n'est pas grave, Mica ne lui en veut pas un seul instant. il sait trop bien ce que c'est, que de se sentir complètement perdu, de ne plus savoir où l'on doit aller, ce que l'on doit faire. il était perdu, avant Mademoiselle Lumaria, avant Kees, avant le Cercle, il n'était rien qu'une pauvre âme perdue qui répétait chaque jour les mêmes actions sans trop savoir pourquoi.

mais il va l'aider, ce gosse là, il a promis qu'il ferait ça bien, il faut que ça aille,
il faut que ça aille,
ils ne peuvent pas se permettre une autre issue,
il ne faut pas y penser.

au moins, il n'est pas tout à fait farouche, mais il faudra changer ça, il faudra qu'il apprenne à faire attention. il y a tant de choses à dire, tout bouillonne et se mélange dans la tête de Mica, et il ne sait pas par où commencer... il espère que le chemin vers le café va l'aider à ordonner tout ce qu'il doit dire. il hoche juste la tête, un peu amusé, peut être que le p'tiot sait effectivement se défendre ? il attends de voir.

je peux sûrement te plaquer par terre avant que tu ai le temps de prendre tes pistolets à eau, mais je suis pas là pour ça. il repense aux souterrains, à la force qui lui manquait à ce moment, et n'imagine pas une seule seconde que ce Nate Delaney puisse lui faire mal, mais l'idée fait sourire. tu vas manger et je vais parler.

il se dirige vers le café en silence. effectivement, il est désert, alors Mica s'installe à une table pas trop proche du comptoir. il n'y a personne, c'est bien, mais il se méfie des oreilles des serveurs, qui trainent toujours un peu trop à son goût, surtout vu ce qu'il compte annoncer... heureusement, à cette heure, le serveur semble juste avoir envie de terminer sa journée et rentrer chez lui, c'est à peine s'il regarde les deux clients s'installer.

commande ce que tu veux.

assis, éclairés par les lampes du café, Mica prend enfin le temps de regarder Nate Delaney. il a l'air d'avoir, quoi... vingt-et-un, vingt-deux ans, à tout casser ? il avait l'air d'un jeune qui n'a pas vu ses rêves se briser ou disparaitre. il a l'air de quelqu'un qui ne s'inquiète pas du temps qui a filé, au contraire, il a toute sa vie devant lui.
ou presque, vu les circonstances.

c'est presque rafraichissant, de parler à quelqu'un comme ça, si juvénile, qui n'a peur de rien. le Cercle sera peut être heureux d'accueillir ce vent de fraicheur. mais en réalité, il va falloir que ça change vite. Mica ne saurait l'expliquer, mais il sent une tension monter, sans savoir d'où ni pourquoi. ils vont devoir se défendre. ils vont devoir se battre.

Mica commande simplement un café noir.

et puis, enfin, il va falloir commencer d'expliquer. il parle à voix basse, froidement, incapable d'exprimer de l'empathie. on ne se connait pas, mais tu vas devoir me croire. je pense qu'il a du t'arriver des choses étranges, récemment. comme si... ton corps avait un pouvoir. ce n'est pas une hallucination, c'est réel. il se tait rapidement en voyant le serveur approcher avec leur commande, et ne peut s'empêcher de sourire en voyant les macarons. juste en voyant ce qu'a commandé le gamin, il imagine son docteur le gronder en lui disant de penser à sa santé.

une gorgée de café, amer, mais qui lui réchauffe agréablement les entrailles, et il reprend. écoute moi bien. les étoiles que tu vois dans le ciel, certaines peuvent s'incarner sur Terre, dans un être humain. elles sont menacées. pour se défendre, elles se lient à d'autres humains qui doivent les protéger. c'est un Cercle. tu fais maintenant partie d'un de ces cercles. c'est dangereux. une autre gorgée de café, calmement.

il imagine déjà l'autre bouillonner de question, alors il attends un peu, avant de l'assommer avec encore d'autres choses à savoir.

le moment de la révélation, le moment de la Discussion, ça peut être délicat... Mica avait préféré fuir quelques semaines, après tout. mais cette fois, Nate a l'air de le prendre... étrangement bien ? c'est vrai que ça répond sûrement à des questions qu'il a du se poser récemment.

en tout cas, il écoute bien, c'est super. même si...  ok, il est peut être un peu trop enthousiaste et excité par ce qu'i vient d'apprendre. bon, chacun a sa façon d'encaisser une grosse nouvelle de ce genre, on va dire. Mica reste impassible, en apparence, même s'il essaye désespérément de se rappeler sa première conversation avec Kees pour savoir ce qu'il doit dire.

... comme son nom. par exemple. un peu gêné, il répond : Mica Placo. désolé, j'aurais du le dire avant. une autre gorgée de café, pour masquer son embarras.

il réfléchit un peu à toutes ces histoires de Luciole-man, et c'est vrai que ce pouvoir semble... particulier. chacun a un pouvoir différent. t'entraîner te permettra de comprendre comment te servir de ton pouvoir au mieux. faire de la lumière, ça semble... étrange. il n'est pas mécontent d'avoir plus de force, même s'il a parfois peur de ne pas la controler. je sais tout ça car je fais partie du même Cercle. un de ses membres m'a tout expliqué, comme je le fais en ce moment. Nous sommes 8 liés, pour protéger notre étoile, Cursa, qui habite le corps d'Ange Lumaria. les autres étoiles veulent la tuer, et nous tuer aussi : voila pourquoi c'est dangereux.

bon, là, l'ambiance est définitivement plombée, mais au moins les termes sont dit clairement.
Mica n'est pas subtil, il ne ménage pas Nate comme le ferait Kees, mais au vu des menaces qui pèsent sur eux et semblent se rapprocher dans l'ombre, il se dit qu'ils n'ont plus le temps d'être doux.

ça y est, c'est ce que se dit Mica. ça y est, le gosse a l'air un peu paniqué, il semble enfin réaliser ce qu'il est en train d'essayer de lui dire. peut être qu'il ressent enfin un peu l'urgence et la détresse de la situation. oui, ils vont devoir survivre, tous les 9, et Mica n'a aucune idée de comment ils pourront faire. il les abrite avec inquiétude, et se dit qu'il sera le premier à se dresser devant le danger, mais il n'en sait pas vraiment plus, ni d'où le danger viendra.

ils sont dans la merde, tous.
mais il faut que le p'tiot le réalise, c'est bien.

il essaye quand même de le calmer. attends, t'emballe pas, reprend un macaron. ils sont tous mal barrés, en vrai, mais ils n'ont pas le choix, c'est du moins ce que Mica se dit. moi, je crois pas au destin. je crois juste qu'on a pas eu beaucoup de chance, mais maintenant qu'on y est, on va essayer de se protéger les uns les autres. Cursa,  notre étoile, est affaiblie, elle a déjà... perdu des liés, alors elle a choisi comme elle a pu des nouveaux. c'est tombé sur moi, puis toi, sans qu'elle ne nous connaisse vraiment, simplement par instinct de survie, je crois.

pauvre Nate. il n'a rien demandé, mais le retour en arrière est impossible.

je ne sais pas vraiment comment s'entrainer, je... ouais, je sais pas. il faudra que tu parles aux autres membres du Cercle, ils pourront sûrement mieux t'aider. on se réunit chez moi de temps en temps, dans la périphérie. mais fait attention, et soudain son ton se durcit, ne répète rien de tout ça à personne, pour aucune raison. beaucoup d'étoiles et d'humains veulent s'attaquer à nous, et impossible de les reconnaître. s'ils obtiennent ton identité, tu vas être traqué. si tu es traqué, nous le serons aussi.

ah.

heu, attends, tu... bien sûr, que Mica remarque les larmes au coin des yeux de Nate, il a soudainement peur d'avoir été trop brusque, ou trop sec dans ses explications, et hésite même à tenter un geste de réconfort, mais les larmes ne coulent pas, et ses mains restent posées sur ses genoux.

comment...

comment on peut arriver à être satisfait d'un sort pareil ? Mica est presque heureux du sens qu'il a trouvé, de ce qu'Ange et Cursa lui ont apporté, mais sa vie était vidée de tout, on lui avait pris ce qu'il avait. ce gamin, là, il a la vingtaine ? à cet âge là, on ne peut pas se réjouir d'entendre des choses pareilles.
il n'ose pas imaginer quel genre de vie amène à accepter si facilement le Cercle,
et il ne veut pas demander.

comme il sait si bien le faire, Mica ignore ce problème émotionnel, espère que les autres pourront aider le gosse à se sentir mieux, et se contente des informations vitales qu'il veut transmettre. c'est... à peu près ça.

mais ne joue pas aux héros. nous sommes neuf, contre... je ne sais pas, tout le monde. notre force, c'est avant tout de rester proches. et pour l'instant, de rester cachés. tu fais comme tu veux. aucun inconnu ne doit connaître ton nom et ton adresse. encore moins l'identité de notre étoile. je ne sais pas encore ce qui nous attend, mais... sans y réfléchir, il croise les bras et se redresse un peu. il essaye d'être rassurant, à sa manière maladroite. ce lien a décuplé ma force. je vous protégerai.

oh, oui, mon pauvre Nate, c'est dur à avaler, tout ça, et ça semble complètement surréel... lors de sa première discussion avec Kees, Mica avait failli s'enfuir aux premières informations données, mais il avait tenu bon, il était resté. il lui avait pourtant fallu du temps, pour tout accepter, pour comprendre. alors il compatis silencieusement avec Nate, sans savoir comment lui dire. il tente pourtant maladroitement, ça va aller. prends ton temps pour digérer... tout ça. les tentatives d'intimidation du p'tiot sont presque touchantes, à vrai dire, ça arrache même un sourire presque attendri à Mica. chacun sa façon d'encaisser.

il avait l'impression d'avoir trop parlé, mais était content d'avoir réussi à faire comprendre le plus important. mais le voila assailli de questions, sur les autres, leurs pouvoirs, leurs ressenti, sur Cursa, sur... c'est tout un torrent de mots, de questions, d'incertitude et de doute, sûrement, et Mica n'était pas tout à fait près à se faire noyer ainsi. ce n'est pas son truc, les dialogues, le ressenti, les émotions... d'habitude, il se contente d'hocher la tête et d'écouter attentivement les autres membres du Cercle. il se réfugie comme il peut en blaguant, l'air moqueur, mais bienveillant. je crois que je suis un peu trop vieux pour toi, gamin... ça se voit, qu'il veut s'intégrer, qu'il veut comprendre, qu'il veut tout donner...
il mérite mieux qu'une simple blague pour essayer de balayer tout le reste.

alors Mica essaye, ... et échoue.
c'est surtout Ange qui nous parle, Cursa se montre peu. elle a... déjà perdu beaucoup. les autres aussi, ceux qui sont liés depuis longtemps. mais ils t'accueilleront tous, tu verras... il pense à Vassili, presque muet, et ses regards perdus dans le vide, perdus dans un passé qui ne reviendra pas. il se demande ce qu'il a vu, se demande à quel point c'était horrible. heureusement, les autres tiennent le coup. ce n'est... pas facile à vivre, tout ça. mais on essaye de faire notre mieux pour ne pas échouer. plus nous sommes proches, et plus nous ressentons les émotions des autres, donc tu apprendras à les connaitre avec le temps.

il espère que c'est suffisant, comme informations. c'est déjà compliqué d'avoir à raconter tout ça en public, Mica a peur de trop en dire, ou pas assez. en même temps, le gamin ne l'aurait jamais suivi comme ça chez lui pour discuter... alors pas le choix. parlons de notre mort probable et imminente autour de macarons et de café.

oh, mon pauvre petite Nate. dans quoi tu es tombé ? à quelle terrible destinée est tu confronté ?

rien d'enviable, non, rien que la peur, l'angoisse, et la seule délivrance serait peut être celle de voir sa lumière s'éteindre. voila tout ce qui vous lie, ce Destin funeste, et les étincelles d'espoir que Mica et les autres membres du Cercle essayent de conserver. il est moins joyeux qu'en se faisant offrir les macarons, mais... ça ira. il trouvera sa place. Mica essaye de se convaincre que tout ira bien, il ne veut pas penser à la suite, il se dit que chaque nouveau jour où il ouvre les yeux dans son lit est un jour de gagné, un cadeau.

il espère être encore gâté longtemps.
il espère que Nate aura le temps de s'intégrer.

il n'ose pas partager toutes ses craintes, il se retient. il faut qu'il continue d'avoir l'air fort, c'est tout ce qu'il a à offrir aux autres, après tout. il faut rester sûr de soi. alors il ne dit rien des mauvais pressentiments qu'il a depuis des semaines, il ne dit rien de l'attitude fuyante d'Andrea, de l'air tendu de Kees. et il écoute Nate, écoute ses inquiétudes, tente de le rassurer.

on... on a vraiment pas le même genre de pouvoirs, les autres t'aideront peut être mieux, mais je peux essayer de t'aider avant que tu ne partes ce soir. tu... c'était de la lumière, c'est ça ? tu te souviens quand ça s'est produit ?

à vrai dire, Mica a surtout du apprendre à inhiber son pouvoir plutôt qu'à le déclencher. il en est toujours un peu effrayé, il ne sait pas à quel point sa force peut se décupler, il n'a pas essayé.

il y a quelques mois, Mica aurait simplement dit qu'il ne pouvait rien faire, et aurait raccompagné Nate chez lui froidement. depuis... il n'est plus le même, c'est sûr, il ne se reconnait plus toujours dans ses actions, et se demande jusqu'où il sera capable d'aller pour ses alliés, pour Ange, pour Cursa, la pauvre Cursa.

s'il y a bien quelqu'un a plaindre, ce n'est pas le gamin, ce n'est pas lui,
c'est bien Cursa, il pense tristement.

si seulement quelqu'un d'autre que Mica était là.
si seulement Mica n'était pas... Mica.

pourtant, il fait de son mieux, il essaye. il force ses pensées à ne pas divaguer, et se concentre sur le récit du gamin devant lui, les sourcils froncés, en pleine réflexion. il compatit immédiatement, il se rappelle de la première fois qu'il a découvert son pouvoir, il se rappelle de la peur, la sienne, celle dans les yeux des autres autour, il avait détesté ça. pendant des semaines, il avait prié pour que quelqu'un échange sa place avec lui, il n'avait pas voulu tout ça, il ne les connaissait pas, les autres. il ne savait pas qu'il s'attacherait autant à Ange, à Cursa.

cette discussion semble folle, et même si le gosse s'emporte, Mica n'est pas étonné.
il reste concentré.

la mention de la grenade et la mitraillette le font presque sourire, pourtant, il n'imagine pas une seule seconde Nate armé, une telle bravade l'amuse. il continue quand même de jouer le jeu, simple interlude presque comique dans sa réflexion. oui, reproduire les mêmes conditions, ça peut aider... tu devrais surtout te concentrer sur ce que tu as ressenti quand ça s'est produit la première fois. comment ses poings se sont serrés instinctivement, comme il a senti la vitesse du coup, plus rapide que d'habitude, et le craquement entendu lorsqu'il a touché l'autre. la douleur immédiate dans son bras, beaucoup plus forte que d'habitude, beaucoup trop, et l'autre qui ne se relève pas. l'angoisse qui l'a rongé. il ne veut pas y penser. est-ce que la lumière venait de... d'un endroit particulier ? les mains, le torse ? comment elle s'est... allumée ?

lui qui jongle déjà difficilement avec les mots, comment décrire quelque chose qui n'a pas sa place dans ce monde ? quelque chose d'inconnu, tant à lui qu'à celui qui l'a vécu ?

comment même le rassurer, quand on ne l'est pas soit même ?